Arcimboldo, génie de cour
par Hélène Delvaudan
mercredi 19 septembre 2007
Le musée du Luxembourg à Paris présente jusqu’au 13 janvier 2008 une monographie consacrée à l’artiste italien du XVIe siècle Giuseppe Arcimboldo.
Rarement exposée mais maintes fois reproduite, l’œuvre véritable d’Arcimboldo reste à (re)découvrir, tant sa notoriété est déformée par l’utilisation abusive faite à l’école et dans la publicité de quelques-uns de ses portraits anthropomorphiques, et tant sa capacité créative, protéiforme, mérite un nouvel éclairage.
La sélection d’une centaine d’œuvres et l’accrochage de cette exposition très maîtrisée conçue par Sylvia Ferino, conservateur de la peinture italienne renaissance au Kunsthistorisches Museum de Vienne, permet de révéler en Arcimboldo un digne successeur de Léonard de Vinci, entre art et science, et de montrer des œuvres exposées pour la première fois.
Né en 1526 à Milan dans une famille de peintres,
Giuseppe Arcimboldo réalise en 1549 sa première commande pour le Dôme de Milan
où il travaille aux côtés de son père Biagio. En 1562, il part pour Vienne au service du roi Maximilien. Débute alors une
carrière de vingt-cinq années à la cour des Habsbourg.
Tour à tour portraitiste,
dessinateur virtuose, maître de cérémonie et organisateur des célébrations et
festivités de la famille impériale, inventeur de jeux d’eau, acquéreur d’objets
d’art et d’antiquités pour son souverain, expert et illustrateur en sciences
naturelles..., il s’emploie, baignant durant ses années de cour dans un climat
propice aux échanges d’idées, à renouveler le genre du portrait classique.
Ainsi, il réalise les célèbres séries de têtes anthropomorphes des Saisons
en 1563 et des Eléments en 1566, mêlant de façon originale l’animal, le
végétal et l’humain. Anobli par l’empereur Rodolphe II en 1580, il revient en
Italie en 1587 et s’éteint à Milan en 1593.
Parmi les œuvres méconnues d’Arcimboldo que donne à voir cette exposition, figurent comme œuvre de jeunesse le carton d’une tapisserie réalisée en 1558 pour la cathédrale de Côme, des portraits de facture classique des membres de la cour impériale, des albums de dessins avec études pour projets de char ou esquisses pour costumes et cet ouvrage magnifique illustrant avec une série de treize dessins et une lettre autographe la sériciculture, le travail de la soie.
Arcimboldo et son époque.
Un autre des mérites de cette exposition est de nous resituer Arcimboldo dans son époque, le XVIe siècle, avec l’accrochage d’œuvres de ses aînés et contemporains comme Bernardino Luini (Salomé avec la tête de Jean-Baptiste, 1525-1530), Giovan Palolo Lomazzo (Autoportrait en abbé de l’Académie du Val di Blénio, 1568) ou encore Carlo Urbino et son Art culinaire, portrait réalisé à partir d’ustensiles de cuisine. De nombreux objets d’art venant du célèbre Kunstkammer de Rodolphe II, cabinet de curiosités et merveilles unique en son genre, et des ouvrages illustrés par l’artiste permettent aussi de comprendre le contexte socio-culturel dans lequel il a évolué. Parti d’Italie, sa vie à la cour des Habsbourg, grand foyer international de l’humanisme tardif, a profondément orienté et aiguisé sa curiosité et sa créativité pour l’art fantastique.
Les portraits anthropomorphes et les peintures réversibles.
Les célèbres têtes venant entre
autres du Louvre et de Vienne représentant les quatre Saisons, les
quatre Eléments ou autres Natures mortes sont évidemment
présentées. Les regrouper toutes ensembles permet de vérifier que d’une version
à une autre, seuls quelques détails changent (guirlande de fleurs encadrant la
composition, signature présente dans le pli d’une épaule...) et que la
réalisation reste la même.
Figurent aussi trois tableaux
réversibles dont L’Homme-potager, portrait composé d’oignons, carottes,
champignons... dans un sens ou plat rempli de légumes dans l’autre. Soit deux
tableaux en un, conception unique dans l’histoire de l’art.
Pour terminer l’exposition, les organisateurs ont placé sur les cimaises du musée du Luxembourg un portrait découvert très récemment. Réalisé par Arcimboldo en 1590 à la fin de sa vie, Les Quatre saisons en une seule tête peut se voir comme une synthèse de toutes les saisons et de toute l’œuvre de cet artiste.
Exposition "Arcimboldo (1526-1593)" au musée du
Luxembourg à Paris jusqu’au 13 janvier 2008 et au Kunsthistorisches Museum à
Vienne, du 11 février au 1er juin 2008.