Arielle Dombasle, la sirčne insaisissable

par Sylvain Rakotoarison
jeudi 27 avril 2023

« Vous êtes sans doute la plus inattendue, la plus insaisissable, la plus libre, de nos icônes. Vous alliez la simplicité à la sophistication, la profondeur à la fantaisie, pour nous livrer un univers chaque fois différent, mais toujours emprunt de ce glamour et de cette audace qui sont vos plus beaux atours. » (Renaud Donnadieu de Vabres le 28 février 2007).



L'actrice, chanteuse, danseuse et réalisatrice Arielle Dombasle, au délicieux mélange de provocation et de tradition (elle est franco-américaine), fête son 70e anniversaire ce jeudi 27 avril 2023. Un anniversaire dont elle se serait passée, tant son âge a été longtemps l'un des mystères de cette sirène très particulière de la culture française.

Étrange dame touche-à-tout, qui est ainsi définie sur son site officiel (on n'est jamais mieux servi que par soi-même) : « Cantatrice, muse, actrice, cinéaste, réalisatrice de nombreux films et vidéo-clips, Arielle Dombasle est une artiste polyvalente. De parents français, née dans le Connecticut, aux États-Unis, elle grandit au Mexique. ». Elle a même été meneuse de revue, mannequin (égérie notamment de Jean-Paul Gaultier et Yves Saint-Laurent), deux fois présidente du jury pour l'élection de Miss France, en 2009 et en 2016, et aussi sociétaire des "Grosses têtes" (version Laurent Ruquier) sur RTL depuis 2022.

Son côté un peu grandiloquent, un ton souvent théâtral, pourrait agacer mais on sent aussi chez elle une certaine hauteur, ou plutôt, un certain recul qui fait penser à de l'autodérision. La femme n'hésite pas à utiliser tous ses atouts pour ne pas dire tous ses atours, au point qu'elle a tenté, sans trop de succès car il n'y a jamais de miracle dans ce domaine (les frères Bogdanoff le savaient bien), de résister aux évolutions du temps.

Lors de la remise des insignes de chevalier de la Légion d'honneur à Arielle Dombasle le 28 février 2007, le Ministre de la Culture et de la Communication Renaud Donnadieu de Vabres (qui fut le directeur de cabinet de François Léotard lorsque ce dernier était Ministre de la Défense) l'a présentée comme « une artiste complète, une diva des temps modernes, et l’électron libre le plus glamour de notre scène artistique, qui sait déployer ses talents et sa grâce pétillante dans tous les domaines, parfois même les plus inattendus ».

Et de citer plusieurs Arielle Dombasle en une seule.

La première est la « grande actrice à la beauté renversante, aussi à l’aise en égérie rohmérienne qu’en Milady de Winter, sous la caméra de Josée Dayan. Aussi éblouissante dans l’univers baroque de Raoul Ruiz que dans les grandes comédies de Claude Zidi. Tour à tour, évanescente, intello, piquante, candide, charnelle, provocante, timide, vous crevez l’écran et fascinez votre public. ».

Il faut dire que sa carrière cinématographique est impressionnante depuis 1978, plus de quatre-vingts films au cinéma, comme "Pauline à la plage" d'Éric Rohmer (sorti le 23 mars 1983) qui l'a fait connaître du grand-public, mais aussi "Tess" de Roman Polanski (sorti le 31 octobre 1979) dans un rôle secondaire, avec Nastassja Kinski ; "La Belle Captive" d'Alain Robbe-Grillet (sorti le 16 février 1982) ; "L'Arbre, le Maire et la Médiathèque" d'Éric Rohmer (sorti le 10 février 1993) avec Fabrice Luchini et Pascal Greggory, "Un Indien dans la ville" d'Hervé Palud (sorti le 14 décembre 1994) qui fut un grand succès populaire, elle y joue la fiancée de Thierry Lhermitte, avec Patrick Timsit et Miou-Miou ; "Les cent et une nuits de Simon Cinéma" d'Agnès Varda (sorti le 25 janvier 1995) dans un petit rôle pour une histoire dominée par Michel Piccoli, Marcello Mastroianni, Henri Garcin, Julie Gayet, etc. ; "Astérix et Obélix contre César" de Claude Zidi (sorti le 3 février 1999) où elle joue à la perfection la femme d'Agecanonix (Sim) ; "Amazone" de Philippe de Broca (sorti le 19 juillet 2000), avec Jean-Paul Belmondo et Patrick Bouchitey ; "Les Âmes fortes" de Raoul Ruiz (sorti le 22 mai 2001), une adaptation du roman de Jean Giono, avec Laetitia Casta, John Malkovich, Frédéric Diefenthal et Charles Berling ; "Albert est méchant" d'Hervé Palud (sorti le 14 janvier 2004) avec Michel Serrault et Christian Clavier ; "Les Parisiens" de Claude Lelouch (sorti le 14 septembre 2004) avec Maïwenn, Mathilde Seigner, Michèle Bernier, etc. ; "Crédit pour tous" de Jean-Pierre Mocky (sorti le 30 mars 2011) où elle est la femme de Dominique Pinon, avec Michèle Bernier et Rufus.



À ces films notables, on peut ajouter celui de son époux "Le Jour et la Nuit" (sorti le 12 février 1997), avec Alain Delon et Lauren Bacall, qui fut un bide commercial et considéré par certains critiques comme le plus mauvais film depuis 1945 ! Ah oui, précisons que depuis presque trente ans, Arielle Dombasle est mariée avec Bernard-Henri Lévy, ce qui lui a valu d'être régulièrement moquée dans les cérémonies des Gérard du cinéma, parodiant les Césars, comme la « plus mauvaise actrice bénéficiant des réseaux de son mari ». La profession est cependant moins critique avec elle puisqu'elle a été nommée en 1999 au César de la meilleure actrice dans un second rôle pour "L'Ennui" de Cédric Kahn (sorti le 16 décembre 1998) avec Charles Berling.


On peut aussi rappeler la participation d'Arielle Dombasle à un film érotique franco-japonais, "Les Fruits de la passion" de Shuji Terayama (sorti le 3 juin 1981), adaptation une suite à "Histoire d'O" avec Klaus Kinski et Isabelle Illiers (avec des scènes "crûes" !).

Pour être complet sur ses activités cinématographiques, il faut aussi évoquer les huit films qu'elle a réalisés et scénarisés (depuis 1982), dont les deux derniers : "Opium" (sorti le 2 octobre 2013), inspiré d'une œuvre de Jean Cocteau, et "Alien Crystal Palace" (sorti le 23 janvier 2019), avec Nicolas Ker (et la participation de Jean-Pierre Léaud), dont les critiques étaient plutôt négatives bien que bienveillantes ("Le Point" : « Cet OVNI pulvérise toutes les frontières de l'inexplicable. » ; "Le Monde" : « Procure un plaisir d'un autre temps et interpelle par ses airs d'innocente série Z qui n'a pas peur du ridicule. » ; "Le Figaro" : « Pour du kitsch, c'est du kitsch. Trônent Jean-Pierre Léaud en dieu égyptien, Michel Fau en savant fou. Après, musicien camé, réalisatrice folle de son corps, crimes et détective, ésotérisme à deux balles et coucheries artistiques pour magazine de luxe. Garanti tout en toc. »).

Arielle Dombasle a également tourné dans plus d'une cinquantaine d'œuvres de fiction pour la télévision, dont "Les Frangines" de Laurence Katrian (diffusé le 29 octobre 2003 sur TF1) qui la met en scène comme starlette de la jet-set face à une demi-sœur camionneuse jouée par Michèle Bernier (l'histoire se base sur le choc des cultures ; Guillaume Gallienne joue aussi dans ce téléfilm et Frédérique Bel y fait aussi une apparition comme autre camionneuse). L'actrice de films a aussi joué sur scène dans une dizaine de pièces de théâtre depuis 1979.

La deuxième Arielle Dombasle est la chanteuse étonnante, qui sort de nombreux disques depuis 2000 (plus de 25 singles et 10 albums) ; elle est, selon les mots du ministre, une « voix magnifique, que l’on connaissait vibrant sur le répertoire lyrique, et que l’on découvre glissant sur les plus grands succès latins, et ondulant sur les standards de l’Amérique de l’après-guerre. Entourée des meilleurs musiciens, sublimée par les orchestrations les plus travaillées, vous revisitez ces grands airs de votre charme mutin, avec le goût de la perfection, et l'intuition artistique que l'on vous connaît. ». En d'autres termes, elle est une "soprano dramatique", selon elle. Avec cet étonnement : « Vous êtes capable, dans le même laps de temps, d’interpréter Puccini et Judy Garland, lors d'un gala au profit de la lutte contre le cancer, à la Chapelle Royale du Château de Versailles, et de défrayer la chronique en vous faisant meneuse de revue au Crazy Horse, pour un numéro sublime, aussi lascif qu’élégant, où vous chantez quelques titres de votre nouvel album. ».

D'autres Arielle Dombasle coexistent dans ce corps, en particulier celle qui, dès l'âge de 20 ans, a adopté un régime végétarien pour défendre la vie des animaux (un peu à la manière de Brigitte Bardot). Une manière de vivre qui est allée jusqu'à l'engagement dans une campagne de promotion pour PETA où elle a posé nue en septembre 2016 pour convaincre les amateurs de viandes de croquer les fruits non défendus... Quatre ans plus tard, écolo bobo, elle a fait de la retape sur les réseaux sociaux avec JeSauveUneSirène, une manière de se mettre en scène (ou en Seine ?), pour encourager le ramassage des sacs en plastique dans la mer et sur les plages.



Renaud Donnadieu de Vabres a eu des mots très doux pour cette sirène très mystérieuse : « Si quelqu’un vous exprime, à juste titre, son admiration face au rythme qui est le vôtre, il vous arrive de répondre que votre entraînement et votre discipline sont dignes de ceux d'un footballeur. Comparaison qui peut surprendre, dans la bouche de celle en qui l’on voit plutôt une sirène parée de toutes les séductions vantées par les contes et les mythes. Mais il faut en effet rendre hommage à votre engagement en faveur des arts que vous entendez servir, à votre exigence, et à cette curiosité qui vous incitent à explorer sans cesse de nouveaux domaines. ».

D'où cette conclusion au superlatif : « Permettez-moi de voir en vous l'essence très vive du charme et de l'esprit français. (…) Je rends aujourd’hui l’hommage de la France (…) à tous ces visages que vous avez bien voulu offrir à la Grâce, à la Beauté et au Talent. ».

Je terminerai ce petit tour d'Arielle Dombasle (qui est la moitié du patronyme de la famille de sa mère, dont le père fut un résistant de la première heure), sur une autre phrase prononcée au Ministère de la Culture (décidément, cette décoration aura permis de formuler la reconnaissance du pays pour cette exportatrice du talent français) : « Inclassable, hors norme, vous voulez aussi étonner et surprendre votre public, en apparaissant toujours là où l’on ne vous attend pas. ».

Et je veux donner un exemple de là où on ne l'attendait pas, qui m'a bien plu, dans une excellente fiction à la télévision créée par Anne Giafferi et Thierry Bizot, une série qui a été un grand succès d'audience, très mérité car le scénario, le rythme et surtout l'interprétation sont exceptionnels : "Fais pas ci, fais pas ça" dans l'épisode réalisé par Michel Leclerc et diffusé le 22 février 2017 sur France 2 (saison 9, épisode 5 ; l'avant-dernier épisode de la série).

Arielle Dombasle y joue son propre rôle, succulent. Nous sommes en 2027. Nicolas Hulot a été élu Président de la République. Il y a désormais quinze poubelles différentes de recyclage. Les drones livrent les colis. Et chez les Lepic, le petit dernier, Lucas (joué par Timothée Kempen Hamel) ne sort pas de la réalité virtuelle. Complotiste, il ne croit pas qu'on soit allé sur la Lune, et considère qu'Arielle Dombasle est un hologramme. Les parents (joués par Valérie Bonneton et Guillaume de Tonquédec) veulent alors le convaincre qu'il se trompe et qu'il faut vivre la vraie réalité : il font appel à Arielle Dombasle, qui joue donc son propre rôle, pour convaincre le petit dernier qu'elle est bien en chair et en os. À leur surprise, elle accepte et arrive habillée dans une combinaison tout en cuir. Mais c'est Lucas qui lui apprend ce qu'est la réalité virtuelle. Elle en profite pour lui apprendre autre chose...


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Sylvain Rakotoarison (23 avril 2023)
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