Au nom du peuple

par Jules Elysard
mercredi 27 mars 2013

Cette annonce concerne celles et ceux qui, sans forcément habiter Paris devenu hors de prix, aiment à y traîner.

Tous les jours à 12h, le cinéma Le Champo projette le film de Dino Risi : Au nom du peuple italien (1971)

« Pourquoi Au nom du peuple italien est-il l’une des plus belles réussites de la comédie à l’italienne  ? demandent Les inrocks.

« D’abord parce que le film, du moins dans ses deux premiers tiers, est très drôle (…),

Parce que les idées de gags fusent, que Risi manie la métaphore avec une réelle gaieté (le palais de justice qui tombe en ruine, le petit poisson que le juge réussit à pêcher avec un grand filet, le chef d’industrie interrogé en costume de général romain, etc.), parce que ses deux interprètes principaux sont en pleine forme.

Mais il y a une raison plus profonde à cette réussite évidente. Dino Risi (…) y aborde quasi frontalement l’une des contradictions intellectuelles internes de la comédie italienne : peut-on, idéologiquement parlant, se moquer des revers les plus folkloriques du citoyen italien issu du peuple (son incivilité, son origine régionale, son goût immodéré pour le football, les arrangements financiers et les petites femmes faciles), sans tomber dans le mépris social  ? Comment critiquer son propre peuple sans faire dans la moralisation bourgeoise  ?

Le récit d’Au nom du peuple italien oppose deux personnages : un juge incorruptible, Bonifazi, droit dans ses bottes, de gauche, qui rêve d’une Italie propre (Ugo Tognazzi), face à Santenocito, un richissime homme d’affaires véreux d’origine sicilienne, menteur, hâbleur, machiste, malhonnête (Vittorio Gassman, dans un de ses rôles favoris).

Le ton semble donné : d’un côté, il y a le bon justicier, et de l’autre l’escroc type, issu du boom économique italien de l’après-guerre par des moyens pas toujours très reluisants et dont l’héritier direct sera l’Homo berlusconus.

Or, petit à petit, Risi brouille les cartes. (…). »

http://www.lesinrocks.com/cinema/films-a-l-affiche/au-nom-du-peuple-italien/

 

Jean-François Rauger dans Le Monde, lui, y voit « une perle noire de la comédie italienne » :

« Réalisé en 1971, Au nom du peuple italien est un chef-d'oeuvre tout en constituant une forme limite de la grande comédie italienne. (…)

Ecrit par les vétérans Age et Scarpelli, le film de Dino Risi est construit sur l'affrontement entre un petit juge progressiste chargé d'une enquête sur la mort suspecte d'une prostituée et un industriel richissime et réactionnaire, corrupteur, pollueur, soupçonné d'en être l'auteur. C'est d'abord un duel entre deux acteurs d'exception, un combat épique entre Ugo Tognazzi (le juge) et Vittorio Gassman (l'industriel), alors véritables stars de la comédie transalpine, et dont le seul jeu détermine le rythme de la mise en scène.

(…) Le monde décrit par Risi avec sa cruauté habituelle est désormais l'envers d'un miracle économique (celui des années 1960), ou plutôt son trop-plein qui a littéralement débordé, est devenu une écume empoisonnée qui pollue les rivières, souille le paysage et corrode les immeubles (le palais de justice s'écroule) et les consciences. Les personnages grotesques, produits d'une société sans repères, se révèlent tous irrécupérables.

(…) Il ne s'agit pas seulement, en effet, de dénoncer les effets de la modernité mais de souligner, parfois de façon burlesque, la persistance d'une malédiction dont le fascisme n'a été qu'un des avatars.

Plus spectaculairement encore, le film de Risi témoigne d'une véritable prémonition. Placé, au terme du récit, devant un dilemme, le petit magistrat est confronté à la possibilité (ou la nécessité ?) d'enfreindre la loi au nom d'un impératif moral plus vaste. Son geste annonce littéralement l'affirmation du pouvoir des juges qui, vingt ans plus tard, transformera la nature même de l'Etat italien. Prophétique. »

http://www.lemonde.fr/culture/article/2013/01/22/au-nom-du-peuple-italien-une-perle-noire-de-la-comedie-italienne_1820700_3246.html

 

Le film peut passer pour témoignage sur l’Italie des années soixante. Quatre ans après sa sortie, en 1975, Gianfranco Sanguinetti publiait sous le nom de Censor Le véridique rapport sur les dernières chances de sauver le capitalisme en Italie. On a vu depuis qu’il était un peu optimiste.

http://www.babelio.com/livres/Censor-Veridique-rapport-sur-les-dernieres-chances-de-sau/429380

Le film pourra paraître aussi prénomitoire. Les Italiens qui y verront sans surprise une caricature de leur cavaliere qui bouge encore. Les Français pourront penser à leur souverain déchu qui est sorti « indigné » de son dernier entretien avec un petit juge fort insolent.

Mais lorsqu’on entend Vittorio Gassman vanter à Ugo Tognazzi les vertus du « langage adhérentiel » et affirmer qu’il convient de « désimplifier » les choses, on se dit qu’on est vraiment en présence d’un manager très contemporain.


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