« Audition » mal perçue au Théâtre Edouard VII

par Theothea.com
vendredi 19 mars 2010

Avec des airs de « Théâtre-Réalité », cette « Audition » de Jean-Claude Carrière n’était pas tombée dans l’oreille d’un sourd.

En effet Bernard Murat, metteur en scène à succès, assurant quasiment toute la programmation du Théâtre Edouard VII, depuis qu’il en est devenu le directeur en 2001, a sans doute voulu donner, après une décade, un coup de barre vers un lifting, doublé d’un rajeunissement de son public.

Ainsi de « La Jalousie » jusqu’à « Sentiments provisoires », en passant par « Sarah », « Petits crimes conjugaux », « Lunes de miel », « Le vieux Juif Blonde », « Deux sur la balançoire », « Les grandes occasions », « L’idée fixe », « Un type dans le genre de Napoléon », « Mon père avait raison », « Tailleur pour Dames », « L’éloignement » et « Faisons un rêve », Bernard Murat a-t-il eu, pour chacune de ses directions d’acteurs, tels François Berléand, Sylvie Testud, Carole Bouquet, Clotilde Courau, Martin Lamotte, Emmanuelle Devos, Marie-Anne Chazel, Marthe Villalonga, Claude Brasseur, Alexandre Brasseur, Florence Pernel, Chloé Lambert, Jean Reno, Clémentine Célarié, Amanda Sthers, Alexandra Lamy, Jean Dujardin, Michel Leeb, Patrick Chesnais, Philippe Khorsand, Evelyne Bouix, Charlotte Rampling, Bernard Giraudeau, Robert Hirsch, Fanny Ardant, Stéphane Freiss, Michel Piccoli, Anne Brochet… et surtout le plus fidèle d’entre eux, Pierre Arditi, cette intuition magique qui transformait la couleur argent de la production en rouge et or « Théâtre d’excellence ».

Alors, dans une perspective de renouvellement, quoi de mieux que d’interroger, l’économie du spectacle vivant, au cœur de ses castings, là où précisément se cherche et se trouve la relève qui est censée en assurer la réussite, à l’avenir ?

Voici donc, un trio de débutants (Manu Payet, Audrey Dana et Kym Thiriot) sur les planches en compagnie de deux routiers (Jean-Pierre Marielle & Roger Dumas) au long cours, fort sympas et assurément compétents, qui seront à même de transformer le plomb de la compétition en or de la consécration.

Un sixième acteur, Hubert Saint Macary, en parfait connaisseur des rouages de ce système sélectif, viendrait cautionner, de l’intérieur, cette démarche artistique orchestré par l’un des meilleurs orfèvres francophones du mot et de la phrase dramaturgique, Jean-Claude Carrière.

L’affaire ainsi entendue, ne pouvait donc que déboucher sur une audition, du meilleur crû.

Sous son apparence pirandellienne et ses accointances avec Beckett, la démarche poétique de Carrière y a des allures distinguées d’une attente informulée sur la métaphysique du spectacle d’où devrait sortir la crème du petit lait quotidien. 

Et pourtant, rien n’est moins sûr, qu’au-delà du plaisir collectif à apprécier la prestation toujours décontractée et la voix chaleureuse de Jean-Pierre Marielle, le public traditionnel ainsi que le nouveau escompté soient gagnés par la conviction d’être en phase avec cette réalisation, certes confortablement applaudie.

En effet, la pâte ne monte pas en perles scintillantes mais semble, tout au contraire, se coltiner avec une réalité déroutante dont la déception accablée et la lassitude désabusée des protagonistes pourraient venir à bout de l’utopie poursuivie.

A vrai dire, la mise en scène de Bernard Murat semble souffrir, en l’occurrence, de n’avoir pas su choisir son camp.

Surfant entre distanciation brechtienne et divertissement élitaire, cette audition va se prolonger en farce sans morale significative. Alors, tout juste, le public est-il content d’avoir pu apprécier six comédiens en quête, si non d’auteur, au moins en attente d’un guide éclairé.

photo © Marianne Rosenstiehl

  
AUDITION - ** Theothea.com - de Jean-Claude Carrière - mise en scène : Bernard Murat - avec Bernard Murat, Audrey Dana, Manu Payet, Roger Dumas, Hubert Saint Macary & Kym Thiriot - Théâtre Edouard VII


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