Baptiste Trotignon ou le renouveau du piano jazz français
par Frédéric Degroote
lundi 2 février 2009
"Taille ses lilas...". Tel était le statut Facebook de Baptiste Trotignon que j’ai pu admirer un jour de juillet. Cela change la perception qu’on a d’un homme, de surcroit pianiste connu que l’on cantonne à sa vie artistique. Toujours par Facebook, j’étais au courant qu’un cd se préparait, des photos de la session de l’enregistrement étant mises en ligne. Pour être honnête, je ne connaissais pas beaucoup de sa carrière, si ce n’est sa participation plus que remarquée sur le dernier opus de Stefano Di Battista où il joue de l’orgue Hammond.
Nous voilà au mois de janvier et une troisième fois merci Facebook (non je ne suis pas payé pour en faire l’éloge) de m’annoncer, encore par son statut, la sortie dudit album. N’étant pas friand de pianistes jazz français modernes à part Michel Petrucciani et Martial Solal qui me viennent à l’esprit de suite, il m’en aura donc fallu beaucoup pour accéder à la petite merveille.
Jazzman en fait une critique dythirambique mais je me méfie, on peut reprocher au magazine français de vite encenser les artistes de l’hexagone. Il reste néanmoins le plus important, l’écoute, et sur Myspace, deux morceaux étaient disponibles. First Song m’a directement captivé et pour cause, Eric harland à la batterie donne le ton dès le début, on a droit à une kyrielle de tempos rythmés.
La dernière minute de la 1ère plage est un petit bijou démonstratif du talent du jeune batteur de 28 ans, présent sur 4 morceaux et jouant en trio avec McCoy Tyner. Un son brut, bien frappé qui est à rapprocher avec la plage éponyme du cd "Trouble Shootin" de Di Battista sur lequel il joue en entier. On ne demande qu’à la repasser en boucle.
Parce qu’il a été enregistré à New York, Share donne des ailes et du rythme. Dexter sent bon le hard-bop avec Tom Harrell au bugle et Mark Turner au saxophone. Mon ange contient un magnifique thème qui part en vrille pour faire la part belle à l’improvisation, atteignant son paroxysme au croisement avec la batterie d’Harland dans son déchainement le plus total.
Les six autres morceaux sont assurés par Otis Brown III qui n’est pas en reste. En trio, en quartet ou en quintet, tout est subtilement bien dosé.
L’album donne des images sur la longueur, sans que les pistes aient besoin de se nommer pour se faire comprendre ; et c’est l’un des charmes de cet album instrumental. Sur Peace, c’est la plénitude qui nous inonde ; on se met à rêver tout en reconnaissant le doigté d’une formation classique. Samsara est un clin d’œil au générique de Taxi Driver composé par Bernard Herrmann.
Sur Red light district, c’est la prohibition de NY en accord de septième. Le tout se finit sur un titre mélodique Vibe, rempli de dégradés et de nuances. Ce "Partage" harmonieux est un bon exemple de différentes couleurs musicales, en témoignent le duo Blue, et les phrases sinueuses en 11/4 de Flow.
Une traversée musicale outre atlantique aux longues phalanges mises en avant sur la pochette, il faut prendre son temps pour savourer chaque moment de l’album. Baptiste Trotignon se dit fier du résultat final, il n’a pas tort. Il nous rassure aussi : le piano jazz français n’est pas mort.
Un disque vivifiant, équilibré, c’est ce que l’on peut attendre d’un album jazz en 2009...et pour bien commencer 2009 !
Share, Baptiste Trotignon, Naïve