BD : Héraclès : pur produit de l’idéologie des promesses suicidaires du transhumanisme ?

par la Singette
samedi 23 juin 2018

Luc Ferry nous a concocté un ouvrage très ambivalent, qui sous couvert d’un mythe grecque peut lever quelques lièvres de l’idéologie du transhumanisme que j’ai décryptés. D’un autre côté, Clotilde Bruneau au scénario et Annabel aux dessins sont au top de leur art pour nous faire passer un agréable moment de lecture.

Le Bartos me racontait que lorsqu’il était au collège il aimait se plonger dans le déchiffrage des contes et légendes et aborder les rives des légendes grecques, romaines, égyptiennes… Moi qui ai n’ai jamais eu la chance d’aller à l’école, d’être formatée, je me suis lancée dans la lecture d’Héraclès écrit par Luc Ferry. Le descendant de la branche du Jules, pas César mais Ferry comme lui. Les enseignants ne gardent pas un bon souvenir du sinistre Luc à l’éducation.

C’est dingue comment les sinistres sont de véritables caméléons qui développent des capacités de se muer à tous les hauts postes sans esprit de contradiction de de compétence.

Ranger des bagnoles, quoique grand amateur de bolides au prix de dix ans de salaires d’un prolétaire, cet homme pressé, assoiffé de pouvoir et de reconnaissance et de surcroit militant du transhumanisme, a publié en 2016 un ouvrage éloquent sur la question, intitulé justement : « La révolution transhumante : comment la technomédecine et l’ubérisation du monde vont bouleverser nos vies ».

Vous allez me dire pourquoi je déverse ma hargne et mon courroux contre la logorrhée de ce triste sire ? Quels sont les points communs, entre la légende grecque de monsieur muscle du présent ouvrage et les théories du transhumanisme qui sont émises sur tous les médias par Luc Ferry, qui me préoccupe pour pondre ma rubrique ?

Quand un dieu comme Zeus veut asseoir son pouvoir sur les mortels terriens en dessous de tout, rien de tel que de se téléporter et se métamorphoser en monsieur Amphitryon parti guerroyer et profiter que la place est libre pour féconder tranquillou madame Thérésias.

Il faut vous dire monsieur que ces gens-là, les dieux ne sont pas encore séparés des humains et se côtoient. Zeus veut engendrer un nouveau fils au nom de la préservation du cosmos. Mais pour se faire son fils devra s’affranchir des fameux travaux.

Quand madame donne naissance à deux mouflets, le fils de dieu est forcément plus vorace au sein, même si la mère qui n’est pas dupe de la supercherie. Elle le traite de bâtard. De son sein jaillit un lait puissant qui a donné naissance à une voie lactée, non plutôt à une nouvelle constellation. Mais la mère ne l’entend pas de cette oreille : « Comment ose-t-il ? Me faire nourrir le fruit de son adultère … Tu me le paieras, Zeus. Tu me le paieras de la vie de cet enfant ». (page28).

Le transhumanisme prêché par Ferry est une idéologie assez infantile. Il vient pomper dans les valeurs sures des mythes ancestraux, grecs en particulier, mais pas seulement. Il brode autour du mythe d’un être immortel, comme ces demi-dieux aux pouvoirs extraordinaires. Comme cet Héraclès à la force phénoménale et au cerveau demeuré à l’état d’humain de prédateur au service des dieux. Les gamins ont encore les facultés d’y croire. Quant aux humains, c’est à leurs risques et périls !

Le fameux mythe de l’immortalité, d’autres s’y sont brisés les ailes. Je veux parler de la lumière évoquée par Condorcet, qui ayant foi en l’avenir et dans le progrès, avait affirmé deux jours avant de passer sous le fil du rasoir  : « Demain nous vaincrons la mort ».

Alors, les fameuses promesses des transhumanistes pour dans trente ans ; les narcodollars des mafias des GAFA (Goutgueule, Appel, Face de Bouc…), leurs chercheurs s’y adonnent à chercher quelques remèdes à la racole dans les laboratoires de la Silicon Valley. D’autres fonds proviennent de l’armée américaine. Luc Ferry soutient leurs travaux en éructant que « rien n’est impossible ». Faux archi faux. Etre immortel c’est impossible ! On peut dire que rien n’est impossible à condition de sacraliser la promesse comme si elle était une réalité. C’est de dire qu’on nous raconte un peu n’importe quoi. On nous fait rêver. On nous prend pour des gamins ! Le transhumanisme représente une nouvelle religion pour remplacer le déclin des anciennes croyances collectives. Le transhumanisme est une idéologie de remplacement, de contournement de la réalité sociale.

On veut nous faire croire qu’avec le néo libéralisme nous vivrons encore mieux. Alors que ce système est en complète récession. Qu’il a de plus en plus de chômeurs, de nouvelles maladies à cause de la malbouffe et de la pollution et la durée de vie en bonne santé a tendance à baisser. Alors qu’à l’âge de plus en plus tardif de partir en retraite, tout le monde sera malade et creusera bien vite sa tombe.

Dans son ouvrage « La révolution transhumaniste : comment la technomédecine et l’ubérisation du monde vont bouleverser nos vies » paru en 2016, Luc Ferry défend sa théorie. Les transhumanistes sont à l’origine des libertariens. Ce sont des gauchistes individualistes, des gauchistes passés à l’ultralibéralisme. Et en même temps il y a un côté social-démocrate, il y a aussi cette volonté de passer de la correction des inégalités sociales à la correction des inégalités naturelles, de corriger l’injustice génétique. Ca c’est plutôt un projet social-démocrate et égalitariste.

Faux archi faux. On nous promet un projet de société où les humains seront toujours en position de bonne santé, à la longévité décuplée. On nous promet que tout sera réglée avec une thérapie génique qui coûte actuellement 500 000 euros, par personne et par maladie. Donc réservée aux personnes particulièrement fortunées comme Luc Ferry, à qui il lui suffirait de vendre quelques-uns de ses bolides pour s’acquitter d’une bonne santé achetée à prix d’or pour sa pomme.

Zeus aurait des raisons de se mettre en colère. Les humains ne sont pas raisonnables.

Les transhumanistes veulent créer des êtres à l’image du monstre Héraclès, un tueur à l’appétit meurtrier.

A ce sujet, à la fin de l’ouvrage, Luc Ferry nous livre son savoir mythologique sur support iconographique et conclut le portrait de son héros peu recommandable par ses mots qui confirment la dangerosité de cet être maléfique. « Ce qui est tragique dans le personnage d’Héraclès, c’est bien d’avantage sa vie que la façon dont elle s’achève, son déchirement perpétuel entre deux principes opposés, la justice d’un côté, ce souci de l’ordre cosmique pour lequel son père l’a mis au monde, mais de l’autre, cette violence, ce goût du sang, bref cet élément chaotique qui fait que sans cesse, il ressemble à ce qu’il doit pourtant combattre ». 

 

En résumé, Luc Ferry est le maitre de chantier de cette BD. Il est aidé dans sa tâche par les petites mains de Clotilde Bruneau au scénario, avec au dessin Annabel et deux coloristes.

Le scénario conçu sur le modèle du film d’aventure tient en émoi. C’est vivant, c’est violent, c’est sensuel. Tous les ingrédients y sont pour assouvir nos instincts de terriens. Les femmes sont superbes, les hommes également, pas de jaloux.

Chapeau pour Annabel. A son coup de crayon. A la finesse de son regard de planter le décor et les corps des personnages dans l’action. Quel travail de titan ! De titane devais me dire pour aller dans le sens de Luc Ferry l’initiateur de ce projet. Puisque le titane ne rouille pas et pourrait remplacer la peau, si ça tombait dans l’idée d’un savant fou transhumaniste !

Bel ouvrage qui ravira les grands et les plus petits.

Avec cependant mes sérieuses réserves sur la propagande sous-jacente pour le mouvement transhumaniste, que je lis dans la démarche et l’optique militante de Luc Ferry. C’est d’autant plus vrai que cet ouvrage s’inscrit dans une longue série d’une collection intitulée « La sagesse des mythes » où vous croiserez vos héros favoris de l’Iliade à Prométhée je vous le promets, Thésée, Jason, Persée, l’Odyssée, Dieux…

 

© Luc Ferry / Clotilde Bruneau / Annabel, éditions Glénat pour les textes et illustrations

Annabel sera présente aux Estivales de Montalivet en Gironde les 21 et 22 juillet. Ne vous privez du plaisir de la rencontrer pour des dédicaces et la féliciter pour ses illustrations de très grande qualité. On s’y croirait !

 

Héraclès la jeunesse du héros, Luc Ferry / Clotilde Bruneau / Annabel, Glénat éditions, 2017

 

Je ne saurai trop vous recommander de lire l’ouvrage de Jacques Testard tout juste paru en 2018 qui s’intitule : « Au péril de l'humain : les promesses suicidaires des transhumanistes » aux éditions du Seuil ou écouter son discours éclairant lors d’une émission de France Culture :  https://www.franceculture.fr/emissions/la-grande-table-2eme-partie/la-menace-transhumaniste-avec-jacques-testart

Lui donne des solutions viables et humaines pour le futur et soutient les expériences des ZAD(s) basées sur la décroissance. Il offre une autre vision de l’humanité respectueuse du genre humain dans sans sa totalité, sans hiérarchie et dans l’égalité entre toutes les citoyennes et les citoyens.


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