Blasphème, caricature : L’Arétin, jeu dangereux

par Taverne
mercredi 3 octobre 2012

L'Arétin, cet écrivain italien s'offrit le luxe de dresser contre lui les deux princes les plus puissants de l'univers, à son époque Charles Quint et François Premier. Mais aussi - au diable la prudence y compris pour le salut de son âme - Sa Sainteté le pape ! Ses critiques très virulentes à l'égard des princes et ses oeuvres satiriques très irrévérencieuses, en énervèrent plus d'un et il échappa à un attentat commis contre sa personne. Mais rien ne le fit taire. Seule la mort eut raison de cette grande gueule, et c'est de rire qu'il mourut ! Au sens lityéral du terme. Portrait d'un personnage haut en couleurs qui se rappelle à nous grâce à un tableau d'Ingres en voie d'acquisition par le musée de Lyon.

Légende : L'Arétin peint par Titien

Caricatures ? Blasphèmes ? L'Arétin en était un adepte à une époque où les risques encourus étaient particulièrement grands. Dans ses "Ragionamenti", il saisit le prétexte de raisonnements sous forme de dialogues platoniciens pour s'exprimer par la voie d'une prostituée qui se moque ouvertement de la société de son temps et des sacrements religieux.

Et la censure ?, me direz-vous. Charles Quint et François Premier tentèrent bien à tour de rôle de gagner ses faveurs en lui offrant de somptueux cadeaux mais notre homme s'en moqua. Le tableau d'Ingres retrouvé en 2010 et en vente en 2012 illustre la scène où l'envoyé de Charles Quint dérange notre écrivain en pleine luxure (deux femmes nues en arrière-plan), lui propose le cadeau de Charles Quiint et se fait rembarrer sèchement, ou plutôt très ironiquement : « c’est là un bien mince cadeau pour une si grande sottise  ». Envoyer paître l'envoyé de Charles Quint était tout simplement suicidaire alors. D'ailleurs, à ces mots, l'envoyé porte la main à son épée, menaçant de passer de vie à trépas l'outrageant trublion.

Musée cherche mécènes pas trop avare ni trop pingres mais "trop Ingres"...

Si t'es 'trop Ingres", vas-y achète du Ingres ! Participation minimale : 1 euro. Jusqu'au 15 décembre 2012, le musée des Beaux-Arts de Lyon vous propose de devenir l’un des mécènes de cette œuvre de Jean Auguste Dominique Ingres. "L’Arétin et l’envoyé de Charles Quint, peinte en 1848, est en effet un tableau qui compte (et qui coûte aussi : la modique somme de 750 000 €) tant par le talent déployé par le maître que par le symbole de la scène représentée.

La souscription est ouverte pour un montant de 80 000 €. La somme restante est financée par la Ville de Lyon, les entreprises du Club du Musée Saint-Pierre, les particuliers membres du Cercle Poussin et le FRAM (Ministère de la Culture-DRAC, Région Rhône-Alpes).

La collection mal Ingres du musée de Lyon

La collection maigrichonne comporte seulement deux études peintes par l’artiste pour "L’Apothéose d’Homère" en écho avec la peinture troubadour lyonnaise. Conservée par les descendants de la famille du peintre, l'oeuvre n'est réapparue sur le marché de l'art qu'en 2010. L'acquisition de cette toile est donc une aubaine.

- A partir d'un euro de don, vous figurez parmi les mécènes du musée et vous recevez un laissez-passer pour découvrir "L’Arétin et l’envoyé de Charles Quint" dans le département des peintures XIXe du musée.

- Tout don à partir de 150 euros ouvre droit à accès privilégié un mardi, jour de fermeture du musée afin de découvrir l’œuvre.

- A partir de 500 euros, vous accédez au nirvana : vous serez conviés à une soirée privée au musée en présence du directeur et des conservateurs. Nous vous invitons à nous contacter pour connaître les dispositifs de reconnaissance spécifiques proposés pour les dons exceptionnels.

Pour tous ceux dont l'art est le violon d'Ingres (rappelons que l'expression vient du fait que Ingres jouait du violon dans un orchestre), c'est une chance.

Faire rire, faire rire ! L'Arétin exercice difficile en période de dogmes religieux triomphants et de princes orgueilleux et arrogants. Quant à L'Arétin, il trouva refuge à Venise dont la République le protègea efficacement contre plusieurs tentatives d'assassinat. Hélas pour lui, il n'échappa pas à un attentat fatal d'une crise de rire. Lui qui, par le rire, n'avait probablement tué personne, et qui provoqua tant de grincements de dents chez les puissants, mourut d'une chute en se tenant les côtes et en se renversant en arrière. Je cherchais une chute pour cette histoire, je l'ai donc trouvée.

Mourir, c'est donc "possiblement vrai. D'ailleurs la preuve en est qu'ils n'osent plus trop rire", dira quelqu'un bien après lui, quelqu'un qui n'avait pas non plus sa langue dans sa poche.

En 1538, un procès pour « blasphème » et « sodomie », avaient été intentés contre l'écrivain licencieux. Après sa mort, c'est tout logiquement que le pape Paul IV mit ses livres à l’Index.


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