« Brigade financière » : un huis clos saisissant !
par Fergus
samedi 28 février 2015
Nous sommes dans un bureau de la Brigade financière. Deux personnages se font face : une commissaire de police opiniâtre et un arrogant patron du Cac40, sûr de lui, de sa puissance et de ses appuis politiques. Entre ces deux protagonistes que tout oppose, le poids d’un dossier lourd de menaces pour l’un, mais aussi pour l’autre. Tout commence par une audition libre...
Tel est le sujet de cette superbe pièce, révélation du festival d’Avignon Off de 2013. Écrit par Hugues Leforestier, ce face-à-face, qui aurait pu s’intituler « Garde à vue » si ce titre n’était si fortement attaché aux noms de Michel Audiard et Claude Miller, est tantôt pesant, tantôt caustique, mais également ponctué de quelques touches d’humour et de dérision. Ce huis clos en quatre actes est interprété avec beaucoup de fougue et de sincérité par l’auteur, parfaitement crédible dans son costume d’homme d’affaires en relation avec les plus hautes sphères politico-financières de l’État, et par l’impeccable Nathalie Mann, tout aussi convaincante dans son rôle d’enquêtrice méticuleuse et déterminée.
Menacé de poursuites judiciaires pour l’ensemble de son œuvre en matière de malversations financières de différentes natures, le grand patron se montre impertinent, méprisant, et même menaçant au fur et à mesure de la mise au jour de ses turpitudes. L’homme se croit manifestement au-dessus des lois, et il n’hésite d’ailleurs pas à l’affirmer avec un redoutable cynisme en s’efforçant de déstabiliser la fonctionnaire de police qui l’interroge et qu’il renvoie à la médiocrité de son utilité sociale pour le pays relativement à lui, l’entrepreneur créateur d’emplois et de richesses.
Quant à la commissaire, elle fait son job, tout simplement. Mais elle le fait avec la conviction des personnes viscéralement attachées au Droit et aux valeurs d’une Justice équitable, quel que soit le statut social des personnes en délicatesse avec le Code pénal. Une conviction qui lui permet d’affronter sans faiblesse ce personnage imbu de sa puissance qui n’est pas sans rappeler des justiciables connus qui ont défrayé – ou défraient encore – la chronique judiciaire de notre pays. Hugues Leforestier le reconnait lui-même : « J’ai été étonné de retrouver certaines répliques de cette pièce dans la bouche de personnalités mises en cause par la Justice », notamment en matière d’intimidations ou de dénégations outragées.
Superbement interprétée par le duo d’acteurs, la pièce dure environ 1 h 20, et l’on se prend à en déguster chaque réplique avec gourmandise tant le dialogue entre les deux bretteurs sonne juste et nous renvoie sans cesse à une actualité judiciaire faite d’abus de biens sociaux, de fausses factures, de dissimulation fiscale ou de rétro-commissions. « Des magistrats et juges eux-mêmes l’ont vue avec un grand plaisir », confie Nathalie Mann, très fière d’avoir réussi à séduire ce difficile public avec son partenaire de scène.
Cerise sur le gâteau, les fauteuils du théâtre, aux allures de vastes canapés, sont sans doute ce que l’on fait de mieux dans le genre à Paris, à tel point que chaque spectateur a l’impression de voir deux amis jouer pour lui dans le cadre douillet de son salon privé. À voir sans tarder au séduisant théâtre Ciné XIII, 1 avenue Junot dans le 18e arrondissement, à deux pas de la maison montmartroise où habitait naguère le génial Marcel Aymé ! La pièce est programmée jusqu’au 21 mars. Courez-y vite !