« Britannicus » & Dominique Blanc à La Comédie Française

par Theothea.com
vendredi 3 juin 2016

Comme si, pour la valeureuse comédienne, l’histoire se répétait en ses meilleures options, Dominique Blanc est devenue en quelques années, sous l’empathie du public, l’emblème de l’exigence racinienne assumée.

 

Dominique Blanc
photo 1 © Theothea.com

 

Si donc, en 2003, inaugurant les Ateliers Berthier où l’Odéon Théâtre de L’Europe faisait alors, avant pérennité, villégiature provisoire pour cause de rénovation, Patrice Chéreau lui offrait le rôle de « Phèdre » sur un plateau bi-frontal destiné à la rendre poignante et forcément mémorable avec trois Molières attribués à cette création pour sept nominations dont la sienne, voici qu’aujourd’hui la comédienne, parvenue à pleine maturité de son Art, se voit engagée comme Pensionnaire à la Comédie Française, restée hors d’atteinte de son ambition professionnelle à ses débuts, par celui-là même (Eric Ruff) qui restera « son Hippolyte à vie » devenu, entre temps, Administrateur du Français.

Et comme si les circonstances exceptionnelles se devaient de cumuler leur hospice favorable, voilà que Stéphane Braunschweig passant récemment de la direction du TNS à celle de la Colline pour parvenir désormais à l’Odéon, se voit également confier, de manière concomitante, une nouvelle réalisation de Britannicus sur les planches de Richelieu alors même qu’à l’instar de Patrice Chéreau en 2003, c’est la première fois qu’il monte ainsi une pièce classique.

Et donc, pour ces deux projets raciniens à treize années d’intervalle, c’est Dominique Blanc que chacun des deux metteurs en scène de renom se choisit comme l’élue de leur vision artistique respective. Le succès est d’autant plus au rendez-vous que, cette fois-ci, leur muse attitrée débute son interprétation d’Agrippine en étant nouvellement auréolée du Molière 2016 de La Comédienne pour son incarnation de Madame de Merteuil dans « Les Liaisons dangereuses ».

 

Dominique Blanc, Laurent Stocker
photo 2 © Brigitte Enguerand

 

Ceci dit, rien ne semble spécialement pouvoir distraire l’artiste toute heureuse de cette configuration stellaire aussi favorable à son égard, si ce n’est de maintenir sa concentration sur la tache dévolue de rendre à Racine la force d’impact de ses alexandrins.

Il est d’ailleurs, à ce sujet, étonnant d’observer que, selon une démarche totalement opposée concernant la diction adoptée, Anne Delbée, issue pareillement de la Comédie Française, officie au même moment au Théâtre de la Contrescarpe dans « Racine ou la Leçon de Phèdre » en faisant chanter le vers en un jusqu’au-boutisme enflammé à l’incandescence sans qu’aucune autre alternative ne puisse trouver grâce à ses yeux.

A contrario, le parti pris adopté par Stéphane Braunschweig à l’intention de ses dix interprètes est, lui, d’articuler l’alexandrin de la manière la plus naturelle, la moins emphatique voire même, la plus prosaïquement proche du langage quotidien.

Ce paradoxe fondamental entre deux prises en charge artistique du vers racinien peut fort bien se résoudre, au niveau du spectateur sensible à toute énergie engagée dans son flux absolu, par une égale considération à part entière rendant légitime et justifiée l’appréciation équitable.

Sur la scène de la Maison de Molière, un duo féminin de classe entoure Dominique Blanc. Clotilde de Bayser est une Albine tout en compréhension persuasive et protectrice ; quant à Georgia Scalliet, sa Junie ne cesse de séduire par tant de dignité imposant le respect indicible.

Du côté des hommes se jouent les manœuvres du Pouvoir ne rencontrant sur leur chemin que la seule réelle force différenciée et déterminée d’Agrippine.

Laurent Stocker (Néron) et Stéphane Varupenne (Britannicus) s’affrontent, en apparence, à fleurets mouchetés mais la monstruosité de l’abus de pouvoir est en marche inexorable et c’est donc la tâche brillante et cynique de Burrhus (Hervé Pierre) et de Narcisse (Benjamin Laverhne) que de se partager les stratégies d’influences respectives pour en finir ou non avec le passage à l’acte meurtrier.

 

Dominique Blanc, Stéphane Varupenne, Laurent Stocker
photo 3 © Brigitte Enguerand

 

C’est autour d’une immense table de négociations que se tracteront toutes les tribulations diplomatiques autant que sarcastiques se référant scénographiquement aux perpétuels conciliabules décisionnels auxquels souscrit volontiers la Modernité davantage désemparée que convaincue face à ses propres choix par défaut.

Métaphorique plus que jamais, ce « Britannicus » se présente donc comme une parabole aboutie de l’ère Ruff, en première étape de son administration du Français, par ailleurs récompensée pour « 20000 lieues sous les mers » par le Molière 2016 de la Création visuelle.

photos 1, 4 & 5 © Theothea.com

photos 2 & 3 © Brigitte Enguerand

 

Clotilde de Bayser
photo 4 © Theothea.com

 

BRITANNICUS - **** Theothea.com - de Jean Racine - mise en scène Stéphane Braunschweig - avec Clotilde de Bayser, Laurent Stocker, Hervé Pierre, Stéphane Varupenne, Georgia Scalliet, Benjamin Lavernhe & Dominique Blanc et les élèves-comédiens Théo Comby Lemaitre, Hugues Duchêne & Laurent Robert - Comédie Française / Salle Richelieu

   

Stéphane Varupenne, Georgia Scalliet, Laurent Stocker
photo 5 © Theothea.com

 


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