Ch’tis 1, Gaulois 0

par Brady
lundi 10 mars 2008

Ou comment une bande de Gaulois réduite par les contraintes d’exportation se fait battre par l’invasion d’une ch’tite comédie « bien d’chez nous ».

C’est presque un ouf de soulagement. Enfin une comédie française drôle, auquel le public adhère plus grâce au bouche-à-oreille qu’à la promo, loin, très loin des suradaptations de bande dessinée (Iznogoud, Astérix aux Jeux Olympiques), ou de personnages comiques à succès (Brice de Nice, Camping, Les Bronzés 3...), ces comédies "vues chez Arthur", mais au final rarement drôles. En quelques semaines, Dany Boon et sa bande de ch’tis ont donné une bonne leçon aux derniers standards français et relancé une mécanique comique qui tournait à vide.

Et pourtant, bizarrement, du scénario à la production, on retrouve une partie de l’équipe du tragi-comique Astérix aux Jeux Olympiques. La différence ??? Déjà, c’est qu’une équipe fonctionne mieux avec un minimum d’obstacles. Le tournage du dernier Astérix fut une succession de contraintes : il fallait renoncer aux calembours à la Goscinny pour satisfaire une large audience européenne. Le plus drôle épisode de la trilogie, Mission Cléopâtre, est celui qui a le moins marché à l’exportation (en même temps, sous-titrer un calembour comme "Itinéris a raison de ne pas se laisser faire" est un cauchemar pour tout interprète...). Alors il a fallu faire rire les Italiens, les Québécois, les Espagnols (d’où l’intrusion au casting de Stéphane Rousseau et d’une troupe de comiques européens), avec une comédie... qui n’arrive même pas à faire rire dans son pays d’origine sauf, ironie du sort, dans le moment le plus ’franco-français’ du film, quand Alain Delon se lance dans une tirade où, parlant à la troisième personne comme César (et sa marionnette des Guignols), il envoie de multiples clins d’oeil parodiques à sa carrière cinématographique, clins d’oeil surtout compréhensibles de la part du public hexagonal...

Dany Boon, lui, ne s’est pas soucié de savoir si la fricadelle pouvait s’exporter. Il joue sur un comique purement français, surfant sur le succès d’émissions comme Striptease ou 7 jours en Groland, où le comique le plus facile ressort du décalage entre la terra incognita du Nord (Lyon ??? Non, pire. Ah non, pas Paris !!! Non, encore plus haut.) et le reste de la France. Idée simple, mais diablement efficace.

Après s’être moqué des images sur la grisaille, le grand froid, les gens simplets, Boon montre ensuite des gens du Nord qui ont dans le coeur le bleu qui manque à leur décor (comme le dirait le grand poète méditerranéen Enrico Matias) et qui vont jouer de la solidarité pour aider leur nouveau directeur des postes ’puni’ par sa mutation. L’un des avantages, c’est que Boon n’a pas cherché à accumuler les grands noms, mais juste quelques acteurs locaux pour donner une vraie sincérité aux personnages. Je dois avouer qu’un film avec Patrick Bosso, Michel Galabru et Line Renaud n’a rien d’attrayant au niveau de l’affiche, pas plus du reste que le nom de Dany Boon (n’étant pas très friand de ses sketchs). Mais le collectif prend bien. Galabru prouve qu’il a de beaux restes dans son rôle de patriarche méditerranéen traumatisé par son passage en pays "che-ti-mi", Bosso arrive à faire sourire en policier compréhensif, et entendre Line Renaud parler en ch’ti (souvenir d’une origine qu’elle n’a jamais reniée, mais si pour réussir dans la chanson, mieux vaut chanter une cabane au Canada qu’une baraque à frites à Bergues...) est assez amusant. Quant à Dany Boon, il accepte de rester en retrait à l’écran. Car la vraie valeur ajoutée de ce film, c’est Kad Mérad.

C’est simple, Kad Mérad l’avait déjà prouvé dans le drame Je vais bien, ne t’en fais pas qui lui avait valu un César mérité, quand on lui demande de faire autre chose qu’une resucée de son duo comique avec Olivier Barroux, il fait partie des meilleurs acteurs de sa génération. Kad Mérad est très à l’aise dans son personnage, jamais trop excessif, et en plus sa complicité avec Dany Boon est évidente (à travers notamment la scène de la tournée postale arrosée qui vire en grand n’importe quoi burlesque...).

Ce film étant sorti il y a plusieurs semaines, et étant déjà largement rentré dans ses frais, il ne s’agit pas dans cet article de rajouter un coup de promo (juste un coup de coeur qu’il mérite). Et un rappel aux grandes maisons de production qui préfèrent investir dans des adaptations à grosse promotion, mais de qualité médiocre à force de retravailler les scénarios, comme Astérix aux Jeux Olympiques : c’est encore quand on laisse les comiques travailler en paix, avec de faibles moyens, mais une liberté totale, qu’on arrive à obtenir des films réellement drôles ou, du moins, tout le monde n’ayant pas le même sens de l’humour, réellement sincères. Et il faudrait peut-être penser à faire rire les Français, avant de songer à l’Europe...


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