Côté Court, avant-première à Pantin
par Orélien Péréol
mardi 26 mai 2015
Du 10 au 20 juin se tiendra à Pantin un festival de courts métrages.
Le court métrage se porte bien. Il est vrai qu’il peut représenter un tremplin pour les jeunes talents, que des frais de production allégés aident à réaliser un court plutôt qu’un long. Cependant, c’est aussi un genre à part entière. Le ciné 104 a offert une soirée en avant-première du festival avec quatre films : Simiocratie de Nicolas Pleskof ; Deux femmes au cinéma de Matthieu Hippeau ; J et le poisson, film d’animation de Cécile Paysant ; Mon héros de Sylvain Declous.
Simiocratie est un film en costume Louis XV. Très écrit, c’est une joute, verbale et psychologique, entre deux nobles, le roi et le baron Fontanelle et une jeune femme Charlotte qui a bien l’intention de se servir du désir des hommes pour réaliser les buts de sa vie, qui sait bien s’y prendre et qui y arrive magistralement. Le roi Louis XV (Jean-Marie Winling) est grandiloquent en diable ; il montre et surjoue, quand il parle, que le roi ne dit que des « sentences ». Le pauvre roi a toujours peur de s’ennuyer, il doit être amusé, diverti à chaque instant, il ne supporte pas de temps mort. Il va être régalé par Charlotte non seulement par le plaisir qu’il en attend, mais par une belle ruse de sa part. Le baron Fontanelle (Anthony Paliotti) n’a pas l’air d’avoir bien compris les règles tacites de vie de la cour. Il se fait vite embarquer par les propositions de jeu des deux autres, perd pied et sera le dindon de la farce. La belle Charlotte (Marie Berto), elle, ne se soumet à ces règles qu’en apparence pour mieux en faire usage à son profit. C’est un film de comédiens, dans un lieu unique avec unité de temps et d’action, comme dans le théâtre classique. Nicolas Pleskof a voulu casser « l'amidon » du film d'époque, par une vitesse, une modernité du jeu, et une histoire dans laquelle le corps tient le rôle principal, pas seulement le corps sexué et désirant, le corps digestif et saturé, n’en disons pas trop. Nous sommes des singes, même au plus haut niveau du pouvoir ou de la culture (la plus cultivée semble être, encore, Charlotte, qui connait et aime Voltaire et souhaite le recevoir dans son salon).
Deux femmes au cinéma raconte en noir et blanc une soirée étrange de deux femmes plutôt âgées, qui n’ont pas l’âge des premiers amours et des dragues au cinéma, et qui vont se retrouver là-dedans cependant. Avec Marie Rivière, actrice rohmérienne. Peu de choses au fond pour une recherche et un déplacement dans la nuit de Nantes, bus compris. Hommage au cinéma, on y voit le célèbre passage Pommeraye (Truffaut Lola), le cinéma Katorza, entrer dans la salle à quatre pattes pour se cacher du guichetier, je te donne mon numéro de téléphone, est-ce le bon ?... un retour à la mythologie des salles obscures, telles que chantée par Boris Vian par exemple dans le Cinématographe « Le fauteuil où elle se croit en sûreté, N’empêche pas ma fois d’arriver à l’embrasser… » et « Ma chérie rappelle-toi, on est resté un an ! » dans notre époque et avec des vieilles et un vieux dans une aventure adolescente. Etonnante et délicieuse balade.
J et le poisson est une fantaisie poétique avec des personnages, en trois dimensions, de pâte à modeler. Il a été conçu et réalisé par une étudiante de la FEMIS, hors cursus. A chaque fois, la masse de travail pour ce genre de réalisation est impressionnante : quarante-cinq jours de tournage pour de belles images dans une histoire simple et une fin croquante.
Mon héros débute d’une façon des plus bizarres et continue de même. C’est un film qui ne contient que des hommes, même dans les scènes au bistro qui pourraient être mixtes. On y trouve une dérive initiée par un frère auprès de son frère, entraînant ensuite d’autres copains. Les frères sont si dissemblables, comme le sont si souvent les frères, tandis que l’idée des frères les fait proches et ressemblants. Le travail, l’ambition pour l’un ; les petits boulots, l’humour et une certaine dérision de soi, pour l’autre. Contamination. C’est la mauvaise herbe (au sens de Brassens) « c’est pas moi qu’on rumine et c’est pas moi qu’on met en gerbe » qui l’emporte et qui emporte toute une fine équipe à la pieds nickelés qui sont dans mythique dans la francité et qui portent, de toute façon, une structure segmentée de récits libre, aérée, pourvu que ce soit bien fait et là c’est très bien fait... on y rencontre même la mondialisation, qui se fait embarquer aussi, malgré leur réputation de tâcherons dociles et efficaces dans l’aventure erratique. Rendez-vous à la piscine. Et comme le dit un charmant chauffeur de bétaillère : « Vous êtes prévisibles ! » Très drôle !
Après cette promesse apéritive très engageante, on attend le festival (du 10 au 20 juin) et son inventivité prévisible avec impatience.