Dans la cour …

par C’est Nabum
mardi 29 avril 2014

Critique à contre-courant

Espace clos.

Dame Deneuve en tête d'affiche. C'est justement de la tête qu'elle part en vrille. La fissure se fait faille quand elle croise le chemin d'un plus perdu qu'elle : un musicien qui a laissé sa guitare, un soir de concert, pour sombrer dans l'anonymat d'une cour intérieure. Le décor est planté, tout ou presque, va graviter sur ce pavé parisien qui ne bat plus la chamade.

Le musicien devient gardien ; son mal de vivre ne s'améliore pas pour autant. Incapable de dire non, il se met ainsi dans bien des tracas. La dame du cinquième trouve en lui un regard bienveillant, une autre dérive qui laisse filer la sienne. Nous partons alors dans un grand naufrage qui se partage ou plus exactement qui se vit, chacun de son côté ; lui étant aux petits soins pour elle sans que personne ne comprenne son mal-être.

Tout cela aurait pu donner un bon film avec des acteurs de talent. Mais pour ce faire, il aurait fallu que le metteur en scène se mette au service d'un projet et d'une fantaisie qui ne sera jamais la sienne. Nous ne restons que simples témoins, même si nous sommes souvent poussés du coude par des gros plans qui veulent nous imposer silences et angoisses.

Le temps s'étire, le temps s'allonge sans fin dans ce huis-clos autour d'une cour pavée. C'est si lent, si lancinant ! Si pénible également de voir ainsi tant de talents qui ne sont pas exploités. Les personnages secondaires sont si falots à côté de ce duo de choc ! C'est pourtant là qu'il aurait fallu donner profondeur et épaisseur à ces gens, trop vite de passage, trop souvent comparses inutiles.

On nous livre aussi un illuminé de service, si improbable qu'il en perd toute crédibilité, qu'il brise le ton et finit par nous exaspérer. Là où devait se nicher de l'humanité et de la compassion, nous glissons dans le grand n'importe quoi. Bien sûr, ce quidam slave permet un ou deux rebondissements mais rien de crédible, rien d'émouvant dans ce passage qui traîne en longueur.

On sort parfois du cadre, pour aller dans la rue ou à la recherche du temps perdu. Même cette perte d'unité de lieu n'apporte pas nécessairement de cohérence au tout. Si la visite de l'ancienne maison familiale de Deneuve tourne à la farce impitoyable, c'est mal fait, presque mal joué, surtout mal venu …

On revient dans la loge du gardien, on s'y cogne, on s'y perd. La fin devient visqueuse et terrible. C'est un film qui ne laisse pas sa chance aux personnages, qui n'offre jamais de porte de sortie. Le voisin pénible et procédurier est le paradigme de la stupidité. Le pauvre aveugle ne nous mène nulle part et c'est bien là le pire au cinéma que de mobiliser un personnage transparent.

Il en va ainsi pour beaucoup des seconds rôles comme si notre réalisateur était parfaitement bloqué par la grande dame. Curieusement, il la montre autrement, nous la dévoile faillible et fragile. Mais c'est sans doute pour contrebalancer ce crime de lèse-majesté qu'il en oublie les autres acteurs, qu'il en oublie aussi de faire du cinéma.

Voilà, le film « Dans la cour » ne m'a laissé l'impression que d'un spectacle lisse et fastidieux. Il est passé ; je n'aurais presque rien à en dire si je ne souhaitais mettre une nuance à l'inévitable cortège de louanges qui vont célébrer notre dernière grande star. Je suis sans doute dans l'excès car de ce film, j'aurais aimé une tout autre folie, un rythme qui jamais ne fut maîtrisé.

Mais rassurez-vous, je ne suis pas prescripteur d'opinion ; la meilleure façon de vous faire la vôtre est de vous rendre dans une salle de cinéma. Ma critique n'est qu'une invitation au partage et surtout au désaccord. C'est dans l'échange qu'on construit des représentations et des histoires. La cour s'ouvrira alors à une autre aventure, la vôtre.

Gardiennement sien.

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