Dantec : c’est du Verbe que viendra la réponse
par Bernard Lallement
lundi 19 septembre 2005
Sergueï, Diego, Dimitrievitch Plotkine, héros de l’intrigue, est né le 21 septembre 2001 à 22 heures 17. Au début du roman, à son arrivée à l’Astroport, nous n’en savons pas plus sur lui qu’il n’en sait lui-même. Il fait partie d’un secret encore plus terrible que lui-même. Il fait partie d’un inframonde qui n’apparaît que par la trace laissée par la mort derrière lui.
Commandité par une organisation russe, probablement maffieuse, Plotkine est tueur à gage. Il se rend à Grande Jonction, ville amérindienne où l’ordre règne d’autant mieux qu’il n’y en a aucun, afin d’assassiner Orville Blackburn, son maire mohawk.
Dans l’Interface de Contrôle du Terminal International la lumière veille et le scrute. Car la lumière fait son travail, comme tout ce qui existe ici. Elle fait son travail de flic. Mais Plotkine n’est, à cet instant, qu’une matière à façonner, bien plus faux encore que le monde qui l’entoure. Et c’est une nécessité : pour pouvoir lui mentir, à ce monde devenu expert en contrôle de la vérité, il faut être parfaitement innocent, sans mémoire.
Dans ce monde, où les forces de l’obscurantisme étendent leur règne, les connaissances se perdent, les recherches scientifiques authentiques sont interdites, tout comme le catholicisme d’ailleurs, notre héros est programmé pour advenir.
Tout était prévu, du moins le pensait-il. Mais Plotkine comprit que les choses étaient en train de prendre une tournure absolument imprévue.
C’est alors que Maurice G Dantec quitte l’univers de la stricte science-fiction, qui n’est pas sans rappeler celui des films des frères Wachowski, traversé par le panoptique. En effet, dans la seconde partie du livre, intitulée « Corpus scripti », l’auteur nous précipite vers une métaphysique de l’Apocalypse, dont le lecteur est prévenu par une épigraphe de Saint Augustin « Il est deux choses que Vous avez faites Seigneur : l’une près de Vous, c’est l’ange, l’autre, près du néant, et c’est la matière première », dans laquelle plane l’ombre improbable de Georges Steiner et se retrouve, égaré au détour d’une sentence sur Hitler, Jacques Lacan.
L’abîme qui va s’ouvrir devant Plotkine, et que son programme d’instruction n’avait pu envisager, n’est autre que sa rencontre avec une femme, Vivian MacNellis, son Ange gardien (au sens littéral du terme).
Il s’agira, maintenant, pour notre héros, « l’Homme-Venu-du-Camp » comme il se définit lui-même, de sauver le Monde allant à sa perte et de commencer une autre histoire, dans un autre monde, ou plutôt dans un Après-Monde.
Un authentique écrivain
Pour Maurice G. Dantec, ce n’est pas la science mais la littérature qui dit la vérité. Il lui reste de savoir se préserver des tentations de l’idéologie.
Maurice G Dantec - Cosmos Incorporated (Albin Michel ? 569 pages 22,50 E) photo : Patrick Gaillardin