Dark side of the prog. Bienvenue au Ballo delle Castagne
par Bernard Dugué
samedi 22 décembre 2012
Ballo delle Castagne (traduire par le bal des châtaignes) est une formation italienne de rock progressif qui n’échappe pas à deux constats. D’abord la démonstration de la vitalité et l’excellence de la scène musicale progressive en Italie. Puis le signe d’un style spécifique faisant que ces formations, pourtant nombreuses, parviennent à éviter le plagiat et proposer des œuvres très typées. Dernier détail, les références historiques car tout progressif qu’il soit, ce genre musical n’hésite pas à utiliser force images et textes inspirés des légendes anciennes et du passé. Le bal des châtaigne fait allusion à une fête donnée en présence du pape Alexandre VI et de Lucrèce Borgia, alors que le repas une fois terminé, les chandeliers furent déposés à terre, des châtaignes furent jetées et 50 demoiselles dénudée se baissèrent pour les ramasser. Ensuite eut lieu une exposition de manteaux et de chaussures offertes à celles qui se feraient le mieux honorer. Bref, des fêtes classées X qui sans doute étaient plus raffinées que les parties données par Silvio dans ses demeures. Cette référence historique à une soirée du genre satanique s’accorde avec le style plutôt sombre de cette musique très étrange.
Ballo delle Castagne fut formé récemment en 2007 autour de la rencontre entre deux personnalité de la scène alternative. D’abord Vinz Aquarian, tête pensante de plusieurs projets et chanteur lyrique et Marco Garegnani, guitariste et compositeur, rejoints par Jo Jo aux percussions et Diego Bancheras à la basse. Après un second album dédié à la cause tibétaine, Ballo delle Castagne revient avec une œuvre ensorcelante inspirée par la légende babylonienne de Gilgamesh. La line-up a changé. Ne restent que Bancheras et Aquarian, le premier ayant composé les morceaux et les deux étant auteurs des textes. Cette ossature est complétée par un batteur, un claviériste et un guitariste alors que deux chanteuses invitées assurent quelques parties vocales. C’est selon les termes de la présentation par le groupe un voyage psychédélique inspiré par le krautrock.
En fait, on peut noter plusieurs influences stylistiques dans les exécutions. Les bruitages provenant du moog participent à l’élaboration d’une ambiance planante, space et aquatique, dont la teinte confère une sensation de perdition et de ténèbres mais qui jamais ne plonge dans la désespérance qu’on peut capter dans le black metal. La musique proposée est d’une étrange beauté mâtinée de désespoir avec deux références anciennes qui sautent aux oreilles. Celle d’un prog pessimiste qu’on a pu entendre dans les seventies avec Balleto di Bronzo ou bien Biglietto per l’Inferno (tout un programme) et celle des early eigthies avec des parties vocales et une atmosphère rappelant les deux derniers chefs-d’œuvre produits par les très talentueux musiciens de Bauhaus. Du rock sombre et beau que d’aucuns se sont plu à qualifier de gothique. Au final on a donc une synthèse entre Bauhaus, le prog italien des seventies et un style marqué par des sonorités krautrock marquant clairement une intention orienté vers le psychédélisme, pas celui des garage bands des sixties mais plutôt le psyché sophistiqué qui se dessine avec des parties de guitares qu’on croirait échappées d’un bootleg du Floyd daté de 1970.
« Surpassing all other kings » est donc la troisième œuvre du Ballo, un disque dont on peut dire qu’il est parfaitement abouti, avec des morceaux plutôt courts mais tous très différents dans leur structure, ce qui donne l’impression d’écouter une longue et ensorcelante suite progressive avec des colorations musicales très marquées, des passages planants, d’autres lancinants et même envoûtants. Comme le premier morceau sonnant comme une messe gothique scandée par la mélodie rocailleuse de Vinz que viennent adoucir les superbes effluves incantatoires exécutées par une voix féminine et une chute musicale se perdant dans des parties de synthé très vintage. Le second morceau enchaîne sur une partie d’orgue précédant un chant d’une noirceur étrangement belle évoquant sans doute la douleur de l’éveil. Place au voyage sur la troisième composition exécutée avec une rythmique répétitive pour une atmosphère space très seventies contrastant avec le précédent morceau et qui se prolonge avec un style exécuté avec l’art du prog italien. Ensuite, place à des fantaisies instrumentales évoquant la cold wave des eighties. Cinquième morceau carrément sublime, avec des gouttes de synthé, des parties de piano superbes et toujours cette mélodie envoûtante chantée cette fois en allemand. Les autres morceaux sont tous d’égale qualité. La production est très soignée, comme d’ailleurs l’emballage réalisé par le petit label Blood Rock Record qui a produit le groupe. Pour se procurer le CD, la distribution est assurée par l’excellent label genevois Black Widow. A ne pas rater. Ce disque a certainement le niveau pour figurer dans le top ten des albums progressifs de 2012 et comme la fin du monde n’a pas eu lieu, faites-vous un petit plaisir.
Line-up
- Vinz Aquarian / voice , moog
- Diego Banchero / bass
- Roberto Lucanato / guitar
- Davide Bruzzi / electric guitar
- Fernando Cherchi / drum
Tracks
1.Tema di Gilgamesh 2.Il Risveglio 3.Il Viaggio 4.Rorate Coeli 5.Königin der Nacht 6.Il Segreto 7.Aquarius Age 8.Fire in the Sky 9.Eoni 10.Apocriphon of Gilgamesh