De la vie à la mort. Et vice versa...

par Fergus
mercredi 27 février 2013

En cette période dominée par les incertitudes politiques, la crise socioéconomique et les psychodrames de la papauté, voici une petite récréation littéraire sans prétention, histoire de se changer les idées. Ceci n’est donc pas un article, mais une nouvelle...

Déjà quatorze mois que je suis mort !

Une semaine plus tôt, j’avais fêté mes trente et un ans avec les copains de la caserne Chaligny. J’ai cassé ma pipe en me rendant chez mes grands-parents maternels, à Andermatt, en Suisse. Ça s’est passé dans les lacets du col de la Furka. La faute à un grand bouquetin mâle surgi de nulle part devant les roues de ma Golf. Coup de volant machinal pour éviter l’animal, et hop ! un saut de trois cents mètres dans le vide. J’ai rendu mon dernier soupir au milieu des saxifrages et des rhododendrons, sous le regard étonné des marmottes…

Lorsque je vivais, j’étais à mille lieues d’imaginer ce qui m’attendait après la mort. En vérité, je n’en attendais strictement rien, sauf à nourrir la vermine le moment venu. Le temps que ma carcasse soit totalement nettoyée de la barbaque que j’entretenais dans la souffrance au gymnase pour être au top de la forme physique, rapport à mon métier de sapeur-pompier. J’ai pourtant été élevé par mes parents dans la tradition catholique, avec à la clé promesses de paradis ou menaces d’enfer – en guise de carotte et de bâton – pour maintenir le garnement que j’étais dans le droit chemin. Evidemment, ça faisait belle lurette que je ne croyais plus à ces sornettes. Pas plus qu’aux dieux ou aux démons… J’ai abordé la mort en athée convaincu, dénué de toute illusion sur le futur de mon âme au lendemain de mon trépas terrestre…

La surprise n’en a été que plus grande.

En fait, je suis bien incapable de vous dire ce que je suis désormais. Une chose est sûre : je n’ai plus de corps. Je me résume à une sorte de pensée flottante. Au début, ça m’a un peu contrarié, vu que mon corps et moi on s’était plutôt bien habitués l’un à l’autre. Et puis j’ai rapidement compris les avantages de la situation : plus de souci alimentaire, plus de tortures musculaires, plus de problèmes d’habillement, de logement, de transport, de boulot, plus de maladie ni de rage de dents, plus d’impôts, de taxes, de cotisations, de loyers, de procès-verbaux. Plus de sexe également, mais bon, rien n’est jamais parfait. D’ailleurs, en admettant que, dans mon état, je puisse encore disposer d’une enveloppe charnelle équipée de tous ses attributs, je serais bien embarrassé sur le plan bagatelle, vu que je ne croise quasiment pas de nanas depuis que j’ai mis les pieds – façon de parler ! – dans cet univers de limbes. C’est bien simple, en un peu plus d’un an, je n’ai rencontré que six EFI dans mon genre (par EFI, entendez Esprit Flottant Identifié) : Zoé Bouzigues, tailleuse dans une fabrique de pipes de Cogolin, morte en 1964, écrasée par la chute d’une grue ; Diego Moralès de la Peña, un journaliste colombien pro-gouvernemental exécuté en 2002 par les FARC ; Akihiro Fujiwara, un magistrat japonais empoisonné au fugu par des yakusa en 1972 ; Pamela Picklenuts, une étudiante californienne découpée en morceaux, congelée puis dévorée par son boy-friend en 1981 ; Félix Kabongo, un sergent tutsi décapité par une machette hutu en 1994 ; et ce brave Eoghan.

Eoghan Quigley, le petit gars de Killybegs, emporté par une lame sournoise lors d’une tempête durant l’hiver 1976. Il n’était âgé que de dix-neuf ans. C’était seulement sa troisième sortie à bord du chalutier de son oncle Brendan, le Finnabair II. 

L’irlandais a été mon premier EFI. Je l’ai rencontré dans les tous premiers instants de ma transmutation alors que je flottais au dessus des débris de ma Golf, un peu déboussolé par ma mort soudaine. Nous étions sur la même longueur d’ondes, j’ai tout de suite sympathisé avec lui. 

─ Bienvenue au club ! m’a-il dit d’emblée. Je m’appelle Eoghan Quigley.

L’irlandais s’exprimait en langage limbique, une sorte d’espéranto cosmique, commun aux mânes de toutes les nationalités. A mon grand étonnement, je lui ai répondu de la même manière :

─ Euh…enchanté… Moi, c’est Hippolyte Gerboise.

Eoghan m’a tout de suite mis au parfum :

─ Ça doit te paraître bizarre d’être ici, dans cet état. Ça fait ça à tous les nouveaux. Il est vrai que c’est très surprenant dans les premiers instants de la transmutation. Mais tu verras, tu t’y feras très vite. Dorénavant, tu vas pouvoir te balader à ta guise dans l’espace et le temps. Mais attention, uniquement dans les limites de ton capital vie.

─ Tu veux dire… de ma vie terrestre ?

─ Si c’était le cas, tu aurais totalement disparu dans l’accident. Quand je dis capital vie, je parle de l’existence terrestre que tu as réellement vécue, complétée par celle que tu aurais menée à son terme normal sans l’irruption de ce bouquetin. En clair, ça signifie que tes possibilités d’exploration sont, comme les miennes, bornées par des dates infranchissables : d’un côté, notre date de naissance ; de l’autre, la date à laquelle nous aurions normalement dû décéder si nous n’avions pas péri prématurément… En ce qui me concerne, j’ai aujourd’hui 48 ans, dont 19 de vie terrestre. Eh bien, je dispose encore de 34 années de limbes…

─ Ah oui ? Et comment peux-tu savoir qu’il te reste 34 ans ?

─ Elémentaire, mon cher Hippolyte : il m’est rigoureusement impossible d’accéder à quoi que ce soit au delà du 21 juillet 2039. J’en conclus logiquement qu’à cette date, mes limbes s’évanouiront dans le néant comme elles se sont évanouies pour d’autres avant moi, et comme elles s’évanouiront pour toi quand tu auras atteint le terme de ton propre capital vie.

Zut ! moi qui me réjouissais déjà de bénéficier d’une forme de vie éternelle.

─ Si je comprends bien, je ne dispose que d’un nombre limité d’années jusqu’au jour J, celui de ma disparition totale et définitive. D’ici là, je peux me balader à mon gré, mais uniquement entre ma date de péremption et celle de ma naissance… Un peu frustrant, non ?

─ Bof ! pas plus que de vivre sur terre avec, pour seule perspective, d’alimenter les asticots au bout du chemin. Et puis tu verras : malgré les limites temporelles qui nous sont imposées, c’est plutôt funny comme expérience. D’autant plus que tu peux aller partout sur le globe, même au Zimbabwe ou au Sri Lanka si ça te chante.

─ Ravi de l’apprendre… Mais dis-moi, Eoghan, que sommes-nous censés faire ?

─ Heu… rien de particulier : observer le monde, prendre du plaisir à voir s’agiter les vivants, retourner voir la famille ou les amis, assister aux premières loges à des événements historiques, superviser le tournage d’un film X, vérifier la validité des prévisions d’Elisabeth Teissier… Tu peux faire ce que tu veux, dans les limites que je t’ai indiquées. Pour y parvenir, rien de plus facile : il te suffit de te concentrer sur une scène, ou un personnage, ou bien encore un lieu…

Allez savoir pourquoi, le souvenir d’un concert rock donné l’été précédent au Festival des Vieilles Charrues s’est imposé à moi tandis qu’Eoghan me parlait. En un battement de limbes, je me suis retrouvé dans la Bretagne profonde… en plein fest-noz au cœur des Monts d’Arrée.

Eoghan m’a rejoint tandis que j’observais d’un regard perplexe la corolle des danseurs tourner lentement au son de la bombarde et du biniou.

─ Ça ne marche pas ton truc, lui ai-je fait remarquer, je visais un concert rock à Carhaix, je tombe sur une gavotte à Poullaouen.

─ Normal, c’est comme au tir à l’arc : les premières fois, on atteint rarement le cœur de la cible ! Question d’expérience. Cela dit, félicitations ! pour un coup d’essai, tu as presque réussi un coup de maître en débarquant ici : les deux localités sont voisines et, même si ce n’est pas celui que tu visais, tu es parvenu à cibler un événement musical. Crois-moi, pour une première tentative, c’est déjà remarquable ; tu aurais pu tout aussi bien débouler dans une conserverie de sardines à Essaouira. Tiens, moi par exemple : la première fois, je visais le pub de Paddy Mulligan pour voir mes potes se torcher à la Guinness comme tous les samedis soirs, eh bien, j’ai atterri à la cafétéria du Vatican au milieu des groupies du pape !… Tout ça, c’est une affaire de rodage, un simple problème de concentration. Dans quelques jours, tu maîtriseras parfaitement tes objectifs… Bon, c’est pas tout ça, je file au Crazy Horse, je n’ai pas encore assisté à la revue 2015. A plus…

Resté seul, j’ai analysé la situation tandis que les danseurs entamaient un rond de Saint-Vincent dans la salle des fêtes de Poullaouen. Ainsi, je pouvais effectivement me promener dans l’espace et le temps. Mais pour quoi faire ? Pour qui voir ? Pour aller où ? Pas facile de prendre une décision quand l’éventail des possibilités est aussi large. J’ai finalement choisi de me projeter de quelques heures dans l’avenir pour observer la réaction de ma copine Yolande à l’annonce de mon décès ; la pauvre fille étant d’une nature émotive, je craignais qu’elle ne s’effondre en apprenant ma disparition.

Malgré mes efforts de concentration, je ne suis pas tout à fait parvenu à cibler mon objectif. J’ai quand même réussi à zoomer sur Yolande. Je l’ai trouvée trois jours après l’annonce de mon vol plané fatal dans les alpages helvètes. Elle gisait, alanguie et le corps luisant de sueur, sur des draps en bataille, vêtue de sa seule gourmette. A son côté, le dos calé contre la tête du lit, un grand rouquin athlétique la contemplait : le caporal-chef Antonin Balbuzard – mon pote Tony –, nu comme un ver lui aussi. Tous les deux fumaient une clope après avoir fait l’amour comme des enragés, à en juger par l’état de la literie. On a beau être réduit à l’état de limbes, il y a des spectacles qui heurtent. Ecœuré, j’ai tiré un trait définitif sur Yolande et ce blaireau de cabot-chef. Quand même, cette Yolande, quelle salope ! Et ce Tony, quel faux-cul !

J’ai rencontré Zoé Bouzigues deux mois plus tard, après avoir assisté à la montée de l’Alpe d’Huez dans le Tour de France 2021. D’énormes progrès avaient été accomplis en matière de lutte contre le dopage. Désormais, le nombre des coureurs sains s’élevait à 13 % de l’effectif. Sans transition, j’étais revenu à Paris pour filer à l’Elysée durant les grandes grèves de l’automne 95. Un énorme flot de manifestants s’écoulait sur les Grands Boulevards noyés sous les décibels et les fumées rouges des feux de bengale. Tandis que le gouvernement serrait les rangs autour d’un Juppé droit dans ses bottes, le Président, avachi dans un fauteuil une Corona en main, se passionnait pour un tournoi de sumos retransmis en différé du japon sur le câble. C’est alors que Zoé est apparue, curieuse de découvrir les appartements privés du monarque républicain. Tout content de voir enfin débarquer un autre EFI dans ma nouvelle vie, je me suis présenté à elle en frétillant des limbes. Zoé m’a répondu sans aménité. J’avais pourtant très envie de meubler ma solitude en faisant copain-copain avec elle. Malgré son ton peu chaleureux, je le lui ai dit. « Hé ho, on n’a pas taillé les pipes ensemble ! » m’a balancé la fille de Cogolin avec une étonnante agressivité. Bonjour l’ambiance ! Pour une fois que j’avais de la compagnie… Vexé, j’ai préféré m’esquiver. Cap sur Eoghan.

J’ai retrouvé l’irlandais à New York le 8 décembre 1980. Il faisait un froid de canard, à en juger par l’attitude frileuse des piétons. Un homme venait d’en abattre un autre à coups de revolver.

─ Salut ! m’a dit Eoghan. Le type au flingue, c’est Mark Chapman, 25 ans et pas toute sa tête. La victime, c’est l’idole de mon adolescence : John Lennon. Il avait 40 ans. Il est mort en appelant sa femme Yoko, mais personne ne l’a entendu… (soupir limbique) Quel gâchis ! Par saint Patrick, ça fait quelque chose de le voir étendu là… Tu me cherchais ou c’est un hasard ?

─ Je te cherchais. Est-ce que tu connais Zoé Bouzigues ?

─ Celle qui s’est pris une grue sur la tronche ? Laisse tomber, c’est une caractérielle. Si tu veux voir une nana sympa, branche-toi plutôt sur Pamela Picklenuts, elle est sur la même longueur d’ondes que nous, contrairement à John Lennon (nouveau soupir limbique)… Qui as-tu rencontré d’autre en dehors de Zoé ?

─ Ben justement, pas un rat à part toi. Moi qui pensais me faire des tas de relations, j’ai l’impression de flotter en plein désert. Comment est-ce possible, alors qu’il meurt chaque jour des milliers de personnes sur terre ?

─ Ça, mon pote, c’est lié aux ondes cosmiques. Il existe des millions de canaux, et nous ne sommes que quelques centaines tout au plus à naviguer sur chaque longueur d’ondes. N’oublie pas que la majorité des défunts ne sont pas concernés par la prolongation limbique dont nous bénéficions ; il n’y a que les gens comme toi et moi, ceux qui ne sont pas allés au bout de leur parcours terrestre pour cause de meurtre ou de décès accidentel. Si tu le souhaites, je te communiquerai les noms de quelques EFI intéressants. En attendant, fais ce que je t’ai dit : branche-toi sur Pamela ; tu verras, c’est une fille dynamique et rigolarde, tout le contraire de Zoé.

Va pour Pamela. J’ai laissé Eoghan avec la dépouille encore fumante de l’ex-Beatle pour me concentrer sur l’américaine. Bingo. Elle assistait avec une étonnante exubérance à la finale du Superbowl 2024. J’ai regardé à ses côtés les Chicago Bulls mettre la pâtée aux New York Giants, plus intéressé par la prestation des pom-pom girls que par celle des joueurs. Le match terminé, nous avons bavardé à bâtons rompus puis décidé de faire un bout de route ensemble. Pamela a beaucoup insisté pour commencer par son assassinat, elle tenait absolument à me présenter le séduisant Spencer. Etudiant comme elle à UCLA, son meurtrier était à l’évidence un as de l’économie et du… couteau à désosser. La façon dont il l’avait occise puis découpée en morceaux avec la précision d’un boucher émerveillait Pamela au plus haut point. Mais plus encore que son dépeçage, ce qui fascinait le plus la californienne était la manière dont Spencer l’avait accommodée par la suite. En fin gastronome, il ne s’était pas contenté de la boulotter noyée dans le ketchup comme l’aurait fait le premier quidam venu. Spencer – français par sa grand-mère – s’était au contraire attaché à la cuisiner chaque jour différemment : mitonnée en bourguignon, rôtie aux fines herbes, poêlée aux échalotes, grillée en brochettes, mijotée en pot-au-feu, nappée de sauce basquaise, habillée de chapelure… Pamela voyait dans le soin apporté par son boy-friend à la déguster dans ces multiples variations de l’art culinaire une immense preuve d’amour. J’y voyais pour ma part la preuve d’un dérangement gravissime de la calebasse. Mais après tout, si ça faisait plaisir à Pamela… Hélas ! pour ma nouvelle copine, Spencer n’avait pas pu aller au bout de la dégustation par la faute des enquêteurs du FBI. Un bifteck de mollet, une escalope de fesse et deux côtes avaient échappé à l’assiette du boy-friend pour finir sans gloire dans un incinérateur.

Au début de notre relation, je me suis bien amusé avec Pamela. Comme l’avait affirmé Eoghan, cette fille-là avait une pêche d’enfer, et c’était un vrai plaisir de passer un moment en sa compagnie. Malheureusement, j’ai vite découvert qu’elle avait un problème récurrent : elle répugnait à sortir des Etats-Unis. Hors des states, rien ou presque ne trouvait grâce à ses yeux : ni les lieux, ni les gens, ni l’organisation sociale. J’ai bien réussi à la traîner à Venise, à Prague, à Ouarzazate – j’y étais allé au Club Med avec Yolande – et même à Katmandu et Machu Picchu. Sans parvenir à susciter chez elle d’intérêt véritable pour les joyaux de l’architecture ou pour les coutumes locales. Trop ceci… Pas assez cela… En résumé : trop ringard ! Seul comptait pour elle l’american way of life. Au bout de quelques semaines, dominées par la fréquentation assidue des rodéos, des matches de base-ball ou des parades de majorettes, j’ai rendu mon tablier, la californienne était décidément trop éloignée de mes propres pôles d’intérêt. So long, Pamela.

Quelques mois se sont écoulés, au cours desquels je suis parti – le plus souvent seul, parfois en compagnie d’un EFI de rencontre – à la découverte du monde et, dans mes limites temporelles, de son histoire passée et future. De temps à autre, Eoghan m’accompagnait dans mes pérégrinations. A l’inverse, il m’arrivait de le suivre dans ses propres errances.

Précisément, nous étions sur le point de nous transporter en Suisse au matin du 17 juillet 2031 pour assister à l'effondrement du glacier du Rhône, fragilisé par le réchauffement de la planète, lorsque j’ai réalisé que j’allais me trouver à deux pas du lieu de mon accident. Une irrépressible envie de revoir, toutes affaires cessantes, les circonstances de ma mort m’a saisi. J’en ai fait part à Eoghan :

─ Si ça te t’ennuie pas, j’aimerais faire un crochet par le col de la Furka pour m’installer dans la Golf, juste avant l’accident.

─ Comme tu veux, mon pote, on a tout notre temps.

L’instant d’après, nous étions à bord de la Volkswagen dans la descente vers Andermatt. Une radio FM suisse alémanique diffusait sur la mini-chaîne un vieil instrumental folk : Mini Lüt par le Trio Oesch. Hippolyte-le-terrestre – cet autre moi en chair et en os – conduisait avec aisance. Dans deux virages, le bouquetin allait surgir devant les roues de la Golf. J’attendais calmement le moment fatidique lorsque soudain j’ai perçu un frémissement dans mes limbes. Aussitôt, je me suis senti investi d’un étonnant pouvoir, j’avais tout à coup l’impression de pouvoir déplacer les montagnes par la seule force de mes petites ondes, l’impression de pouvoir modifier le cours des choses… Naturellement c’était idiot… Et pourtant… Pourtant je me suis concentré comme jamais. Pour voir. Devant la Golf, la route défilait… Plus qu’un virage… Plus que cent mètres… J’étais au bord de l’explosion. Plus que cinquante mètres… trente… vingt… C’est alors que le lecteur de CD a disjoncté…

…Un sifflement strident a brutalement envahi l’habitacle. Le sapeur Gerboise, surpris par cette violente irruption de décibels, a écrasé la pédale de frein. Au même moment, un bouquetin débouchait sur la chaussée. L’animal, effrayé par le crissement des pneus, a évité de justesse la calandre de la voiture en se jetant sur la voie montante. Une autre Golf, pilotée par un quadragénaire désinvolte, gravissait rapidement le col. Dans un réflexe malheureux, le conducteur a braqué vers le vide. La voiture a plongé dans le ravin. Hippolyte-l’EFI a disparu du monde limbique à l’instant précis où la Volkswagen se disloquait sur les rochers… Eoghan Quigley a aussitôt rejoint le nouvel EFI. Il observait sa dépouille terrestre gisant dans les rhodos devant la carcasse de la Golf. Puis il s’est présenté :

 ─ Je m’appelle Eoghan Quigley. Et toi ?

 ─ Walter Imboden… Euh… Je me sens tout drôle…

 ─ Sûr que ça doit te paraître bizarre d’être ici, dans cet état. Ça fait ça à tous les nouveaux arrivants. Il est vrai que c’est très surprenant dans les premiers instants de la transmutation…


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