Disparition des seconds rôles au cinéma. Un symbole de plus de l’abandon des classes populaires

par fatizo
lundi 18 novembre 2013

Noël Roquevert

Ils sont essentiels dans le cinéma français. Les Gabin, Deneuve, Delon, Belmondo, Signoret, Jouvet, Arletty et autres, n’auraient pu voir briller leur étoile avec un tel éclat s’ils n’avaient été là pour leur renvoyer la lumière. 

De qui peut-il bien parler pensez-vous ?

Mais des seconds rôles bien sûr.

Le cinéma français perdrait énormément de son charme et de sa richesse sans leur humour, leur humanité, leur gouaille. Une part du génie du cinéma français vient de là, avoir su mettre en scène le peuple au travers de leur personnage.

Par leur seule présence ils pouvaient rendre le moindre petit film inoubliable.

Un acteur comme Bernard Blier a débuté dans ce registre dans les plus grands films des années 30 et 40, que ce soit avec Carné ou Clouzot, pour franchir film après film les marches qui l’ont amené en haut de l’affiche.

L’un des plus célèbre second rôle des années 30 fut Carette. Renoir utilisera sa tchatche de titi parisien à de nombreuses reprises. Il figure au générique de "La grande illusion", "La règle du jeu", "La bête humaine" , "La Marseillaise" . On se souvient aussi de lui dans l’un des rares films ou il avait un rôle important, "L’auberge rouge" de Claude Autant-Lara.

Les grands réalisateurs ont toujours eu des acteurs de "second plan" fétiches. Si Renoir tenait à Carette ou Marcel Dalio, Clouzot avait un faible pour Pierre Larquey, qui figure au générique de "L’assassin habite au 21", " Le corbeau", " Quai des orfèvres" et "Les diaboliques".

C’est aussi dans les années 30 que débute Paulette Bubost, on la retrouve notamment dans "Hotel du Nord" de Carné et "La règle du jeu" de Renoir.

Paulette Dubost face à Bernard Blier dans Hotel du Nord

Et qui a oublié Pauline Carton, Françoise Rosay, Raymond Bussières ou Noël Roquevert, tous ces acteurs que l’on retrouve au générique de nombreux films en noir et blanc.

Raymond Bussières

A la fin des années 50, et avec le cinéma de Verneuil, Lautner et quelques autres, on voit poindre de nouveaux seconds rôles.

Au-delà d’être les partenaires de Gabin ou Belmondo, les Paul Frankeur, Rober Dalban, André Pousse, Charles Gérard sont associés à ces stars dans notre imaginaire .

Et ici Suzanne Flon qui donne la réplique à Gabin … affectueusement !

Et les Paul Crauchet ou Christian Barbier, autre acteurs qui ont traversé le cinéma des années 60 et 70.

On n’oubliera pas non plus Michel Auclair, Jean Carmet, Daniel Ceccaldi, Maurice Biraud, Jean Bouise, Paul Le Person, Robert Le Vigan, Henri Guybet , etc……

Et puis les seconds rôles ont été de moins en moins présents dans le cinéma français, le rendant plus terne, plus fade. Plusieurs facteurs ont été à l’origine de ce déclin.

Tout d’abord l’arrivée de la nouvelle vague avec son cinéma plus intimiste ou les personnages étaient moins nombreux.

Et puis au fil des années le cinéma français a changé. C’est surtout à partir des années 90 que ce bouleversement se produit, avec un cinéma qui dit adieu prolos et vive les bobos. Un cinéma où l’on évacue les classes populaires de l’écran.

Fini les personnages de second plan haut en couleur, ces acteurs que des Stars avaient encore le courage d’imposer au casting.

Nous sommes aujourd’hui dans un cinéma plus "bankable", un cinéma qui s’est éloigné d’une certaine réalité sociale en se passant des seconds rôles qui correspondaient à une grande partie de son public.

Le cinéma qui possédait une authentique culture populaire est mort depuis longtemps. Il a été abandonné, tout comme la classe populaire a été abandonnée en général dans cette société ultra-libérale.

Les élites, qu’elles soient artistiques, médiatiques ou politiques, y compris celles de gauche, ont abandonné ces classes populaires. L’absence de grands seconds rôles dans le cinéma moderne n’est qu’une preuve de plus de ce rejet.

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Et où sont les Audiard, Prévert et Jeanson ? Tous ces grands dialoguistes responsables de joutes verbales mémorables, qui mettaient en valeur tous ces acteurs, qu’ils soient stars ou seconds rôles.

 


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