Don Quichotte aujourd’hui, hier, de toute éternité
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samedi 26 mai 2018
Dans ce monde illuminé par des soleils trompeurs les jeunes filles ne croient plus au prince charmant, attendent que les hommes se comportent virilement mais savent bien que ce n'est plus possible. Les princes eux-mêmes sont fatigués, servant le maître qu'il convient pour continuer de bien vivre et profiter de l'existence terne et de l'égotisme étriqué de ces temps troublés.
Un égotisme calculateur, un égotisme de comptable aigri...
Gilliam a mis vingt-cinq ans à tourner ce film. Il y retrouve toute la force de « Brazil » ou du « Baron de Münchausen ». On pourrait croire que sa vision du monde y est désespérée mais il n'en est rien, demeure toujours une part d'espérance, toute petite mais elle est bien présente. Les belles âmes ne sont pas nombreuses mais il en existe quelques unes que l'on peut choisir ou non d'imiter à l'image d'un des personnages à la fin du film. C'est aussi une œuvre plus ou moins testamentaire dans laquelle on retrouve de nombreuses références à son passé d'artiste, dans laquelle il met tout ce qu'il est, ce qu'il ressent de ce monde :
l'Inquisition espagnole intervenant n'importe où comme dans les films et sketchs des Pythons, le goût pour le grotesque et les physiques hors normes, cette appétence pour l'esthétisme aussi, Jonathan Pryce lui-même l'interprète du héros de « Brazil » incarnant ici Don Quichotte...
C'est aussi une œuvre ayant du cœur, beaucoup, énormément, un cœur écorché vif, révolté, ce qui manque à la plupart des cinéastes actuels nous offrant des messages, des sujets de réflexion tellement profonds, des personnages modèles, reflets d'eux-mêmes et de leurs vanités. Cela demeure encore de l'épate-bourgeois, de la prétention pour faire de l'argent.
Le film raconte l'histoire de Toby, jeune réalisateur ambitieux s'occupant dorénavant surtout de publicité. Cynique, ne croyant plus en grand chose, entouré de larbins, lui-même larbin de son patron, et ayant renoncé à tout désir de véritable création, il se contente de donner ce que les investisseurs demandent. Au début il tourne une pub en Espagne non loin des lieux-mêmes où quelques années auparavant il réalisa son travail de fin d'études inspiré de « Don Quichotte » justement. Il avait alors utilisé comme acteurs des villageois faisant vivre tout le village au rythme du livre de Cervantès.
Leurs vies ont été bouleversées, et pas toujours pour leur bien. Le vieux cordonnier qui jouait Don Quichotte est persuadé de l'être vraiment tandis que la jeune fille qui était peut-être une des figures de Dulcinée est allée à Madrid tenter sa chance.
Elle y a découvert la vraie dureté de l'industrie du rêve et se vend littéralement au pus offrant. Elle comprend qui sont les vrais maîtres dont cet oligarque russe riche à millions qui justement veut tourner un film sur sa vodka dans son château tout près. Toby retrouver Javier, le vieux cordonnier, dans une roulotte où sa folie douce est exploité par une vieille femme. Par un concours de circonstances, il s'échappe avec Toby qu'il prend pour son « Sancho ». Ils vont vivre des aventures burlesques et dramatiques, découvrir la réalité derrière les apparences.
Tant qu'il y aura des chevaliers errants à la triste figure et des rêveurs pour les suivre, ce monde ne sera pas totalement perdu...
Sic Transit Gloria Mundi Amen
Amaury – Grandgil
illustration « Don Quichotte » par Gustave Doré
Ci-dessous la bande annonce