En passant par Lyon... Les madrigaux de l’Ensemble Epsilon

par Frédéric Degroote
mardi 10 mars 2015

Si l’on pense à La Venexiana, au Concerto Italiano, ou plus récemment à l’éclosion de la Compagnia del Madrigale pour évoquer l’interprétation du madrigal, il faudra aussi dorénavant compter avec l’Ensemble Epsilon. Basé à Lyon et sous la direction de Maud Hamon-Loisance, ce jeune ensemble vient d’autoproduire un premier disque consacré au premier madrigal qui, s’il est habituellement représenté par Costanzo Festa, Philippe Verdelot ou Jacques Arcadelt, se voit ici mis à l’honneur à travers la figure encore trop méconnue de Francesco de Layolle (1492-c.1540) et quelques contemporains italiens.

Francesco de Layolle est un compositeur et organiste italien né à Florence en 1492. Chanteur dès l’âge de 13 ans à la chapelle florentine de Santissima Annunziata, il acquiert rapidement une réputation de bon organiste, d’excellent musicien et compositeur.
Parallèlement, ll fréquente les cercles humanistes en vogue à l’époque et les hommes de lettres républicains, hostiles au gouvernement des Médicis. Lors d’un attentat manqué contre ceux-ci, Layolle accueille certains de ses amis en fuite. Est-ce dû à ce fait ou à une invitation de la colonie florentine de Lyon pour tenir les orgues de leur chapelle, toujours est-il que Layolle quitte Florence en 1521 pour s’installer jusqu’à sa mort dans la ville française. Très vite, il collabore avec les imprimeurs de la ville dont le plus important n’est autre que Jacques Moderne. Sa qualité de collaborateur l’amène à relire et fournir en répertoire les anthologies de messes et motets que l’imprimeur édite.

La carrière de Layolle est contemporaine du premier madrigal qui émerge dans les années 1520. Caractéristique principale : les sonnets de Pétrarque servent de base à cette musica reservata que l’on pratique dans les salons ou les académies. Les textes utilisés par Layolle sont éclairants à plus d’un titre comme en témoigne le madrigal « Lasso la bella fera », sorte de compilation de sept poèmes différents d’auteurs florentins exilés à Lyon.
Le temps de ce premier madrigal est encore loin des expérimentations de fin de siècle : contrepoint vertical, peu de figuralismes mais sans pourtant renier la délicatesse et le besoin de faire sentir la syntaxe littéraire. Il est intéressant de comparer ce répertoire avec la pièce « Pianget’egri » de Willaert qui ouvre le champ à un nouveau madrigal, beaucoup plus proche d’une synthèse entre musique et texte telle qu’elle se définira dans les décennies à venir.
A côté de ce répertoire italien figurent aussi des chansons soit originales soit des arrangements de chansons célèbres. A titre d’exemple, la chanson « Doulce mémoire » à deux voix cite exactement la voix supérieure de la chanson éponyme de Pierre Sandrin en lui ajoutant des ornements.

Assurément, ce disque constitue une excellente surprise. Sans tomber dans une idolâtrie de bazar au premier coup de coeur venu comme la mode semble nous y inviter, il faut applaudir cette première réalisation téméraire, tant dans le contenu que la forme. Si le répertoire est judicieusement choisi - un compositeur jamais enregistré avec ses contemporains italiens - il est surtout servi par des voix très belles à la justesse exemplaire, une cohésion admirable et une expressivité à toute épreuve qui font oublier l’exigence caractéristique du répertoire madrigalesque. Si le groupe a bénéficié des conseils - excusez du peu - de Lionel Meunier (Vox Luminis), cette réalisation serait encore moins la même sans la prise de son d’orfèvre de Quentin Guillard et John Dauvin. Tout ceci participe à un disque de très haute tenue dont on n’a plus qu’à espérer une diffusion large et une reconnaissance méritée. Gageons qu’un éditeur les repère et croit en eux car n’oublions pas que ce disque est une autoproduction et qu’il est assez rare pour être souligné d’arriver à un tel résultat dans ces conditions. La suite est vivement attende !

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Ensemble Epsilon
Madrigaux de la Renaissance (Layolle, Festa, Corteccia…)

I. Francesco de Layolle (1492-c.1540) : Lasso la bella fera
II. Francesco de Layolle : Doulce mémoire
III. Francesco de Layolle : Ce me semblent
IV. Costanzo Festa (1495-1545) : Madonna i preghi mei

Ensemble Epsilon :
Maud Hamon-Loisance, soprano et direction
Magali Perol-Dumora, soprano
Yann Roland, Contre-ténor
Julien Drevet-Santique, ténor
Romain Bockler, baryton
Anass Ismat, baryton-basse


2014 Ensemble Epsilon

http://youtu.be/IMunrBzNguE

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Pour 18 euros, ce disque est à commander directement auprès de l’ensemble ICI


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