Être ou ne pas être ?
par jack mandon
vendredi 6 novembre 2009
Jill Bolte Taylor, neurobiologiste étasunienne brandissant un
cerveau humain, sur le cliché ci- contre, pour nous en décrire le
fonctionnement.
Un flash s’impose à moi, Hamlet dans la même attitude, sérieux et
sombre, exposant un
crâne humain, méditatif.
Un jour cette scientifique bascula
de l’autre côté de l’écran, elle devint pendant un temps hors du temps,
le metteur en scène, l’actrice et la spectatrice de sa
propre vie.
En miroir de l’image théâtrale, le drame fut shakespearien.
Peu de chercheurs ont l’opportunité de vivre par eux même une métamorphose, "anglo-saxonne", rappelant celle du Dr Jekyll et de Mr Hyde. "
Ce qui a joué en partie dans l’orientation professionnelle de Jill, c’est que l’on a diagnostiqué chez son frère une schizophrénie. Cette pathologie psychiatrique a débuté à son adolescence. Les schizophrénies ont pour conséquences des altérations de la perception de la réalité (délire) et des troubles cognitifs.
Un matin, Jill s’est réveillée en réalisant qu’elle avait elle même une pathologie cérébrale. Elle ignorait alors qu’un vaisseau sanguin avait explosé dans la partie gauche de son cerveau. Pendant 4 heures, elle assista impuissante, à la dégénérescence de son cerveau dans sa capacité à traiter toute information.
Le matin de l’hémorragie, Jill ne pouvait plus marcher, parler, lire, écrire, ni se rappeler de sa vie passée. Le stade infantile dans un corps de femme.
Dans le cerveau, les deux hémisphères sont séparés l’un de l’autre. Relativement à l’ordinateur, le lobe droit fonctionne comme un processeur parallèle, tandis que le lobe gauche, comme un processeur linéaire. Les deux hémisphères communiquent à travers le corps calleux, qui est composé de 300 millions de fibres nerveuses.Les deux hémisphères sont dissemblables et traitent l’information différemment.
Notre hémisphère droit, c’est l’instant présent, ici et maintenant. Il pense en images, s’informe de manière kinesthésique à travers le mouvement de notre corps. L’information sous forme d’énergie s’écoule simultanément à travers tous nos systèmes sensoriels. Par ce moyen, nous sommes des êtres d’énergie connectés les uns aux autres. Nous formons une grande famille humaine dans le passé et le futur.
Notre hémisphère gauche pense en langage, c’est la petite voix, le bavardage mental permanent qui établit en le dialogue entre le monde extérieur et intérieur. C’est la gestion comptable de ma vie...être ou ne pas être...dans ce cas présent, c’est, "Je suis". Je deviens séparé, un individu isolé, séparé du flux d’énergie qui m’entoure.
Le matin de l’accident cérébral, une partie de son cerveau gauche est défaillante et fortement douloureuse. Jill tente de réagir, elle investit son appareil de musculation et constate très vite qu’elle est une espèce de monstre grotesque qui gesticule maladroitement. Ses mains sont perçues comme des serres préhistoriques agrippant la barre. La chose étrange se retrouve dans un espace ésotérique, le mal de tête empire.
Elle tente un déplacement et réalise que son corps se déplace très lentement, la démarche est rigide et forcée, le champ de perception diminue. Jill constate qu’elle ne délimite plus son corps. Elle s’interroge...une magnificence, elle se sent énorme, expansive... le silence.
Son hémisphère gauche interfère " nous avons un problème, cherchons de l’aide". Puis de nouveau propulsée dans un lieu étrange et magnifique...elle se sent légère, paisible, débarrassée de tout son stress. C’est l’euphorie.
L’hémisphère gauche ressurgit " Tu dois te ressaisir, chercher de l’aide". Jill se vêt mécaniquement " je dois aller au travail, pourrais-je conduire ?" " Mon bras droit est paralysé...j’ai une attaque cérébrale ! "
En même temps, la chercheuse reprend le dessus et s’enthousiasme d’avoir l’opportunité d’étudier son propre cerveau, se pense comme une neuro-scientifique privilégiée. En même temps elle réalise qu’elle est une femme très occupée et qu’elle n’a pas le temps d’avoir une attaque cérébrale. Elle tente de joindre un collègue au travail, prend une poignée de cartes de visite, sans pouvoir identifier leur nature, mélange de mots, de symboles et de gribouillis dissociés...compose laborieusement un numéro, formule dans sa tête, échange dans une dichotomie de bruits de voix partagés entre l’émetteur et le récepteur et réciproquement. Un peu plus tard, elle est enfin secourue.
" Deux semaines et demi après l’hémorragie, les chirurgiens m’ont enlevé un caillot de sang de la taille d’une balle de golf qui appuyait sur les zones du langage. Cela m’a pris 8 ans pour guérir complètement."
Evoquant ses souvenirs :
" Je me sentais énorme et expansive, comme un génie juste libéré de sa lampe merveilleuse" "J’ai trouvé le Nirvana et je suis toujours vivante, alors toute personne vivante peut vivre la même expérience."
" J’ai imaginé un monde empli de personnes belles, paisibles, compatissantes et aimantes qui savent qu’elles peuvent venir dans cet espace à tout instant. Elles peuvent choisir délibérément d’évoluer d’un hémisphère à l’autre pour trouver la paix."
" Alors qui sommes nous ? Nous sommes la force vitale de l’univers, avec une dextérité manuelle et deux consciences cognitives. nous avons la capacité de choisir, instant après instant, qui, et comment, nous voulons être dans le monde. Ici et maintenant, je peux passer dans la conscience de mon hémisphère droit, devenir la force vitale de l’univers. Je peux aussi passer dans la conscience de mon hémisphère gauche, où je deviens un individu isolé, solide et séparé du flux, séparé de vous. Je suis le Dr Jill Bolte Taylor, intellectuelle, neuro-anatomiste."
Voyage au delà de mon cerveau " (éditions J. C. Lattès)
L’auteur nous propose quelques pistes à travers la méditation et la création artistique.