Exclusivité mondiale : ouverture d’un restaurant utopique au Pays basque
par lapeyre
vendredi 27 octobre 2006
Au cas où vous n’auriez pas eu connaissance d’un remarquable article du journal ELLE consacré à Mme Martine Aubry, je voudrais, sans plus attendre, vous en livrer in extenso quelques passages :
ELLE : Que faites-vous de votre temps libre ?
Martine Aubry : - J’adore faire la cuisine. Je suis une spécialiste de la cuisine italienne, car l’Italie est ma deuxième patrie. Savez-vous que je fais le meilleur tiramisu de Paris ?
ELLE - Qu’auriez-vous fait si vous n’aviez pas fait de politique ?
Martine Aubry - Ce
qui me tente le plus, c’est d’ouvrir un restaurant. Je m’imagine très
bien d’ici quelques années dans mon resto, en train de recevoir mes
amis et de préparer de bons petits plats...
Fin de citation.
C’est avec un plaisir à nul autre pareil que j’ai pris connaissance des projets de Mme Aubry, dont il semble évident qu’ils vont très bientôt prendre forme, ses amis Ségolène, Laurent et Dominique ne lui laissant pas le loisir de se présenter à une élection où elle aurait pu faire des merveilles - les gâteaux, bien sûr...
On ne dira jamais assez de bien de Ségolène, Laurent et Dominique !
Que vous soyez de gauche, de droite ou bien d’ailleurs, il faut leur rendre grâces !
Sans eux, le Pays basque ne connaîtrait pas le bonheur d’accueillir un grand chef - une cheftaine ? - et de fêter l’ouverture d’une nouvelle enseigne.
J’ai, bien entendu, immédiatement songé à proposer à Mme Aubry quelques noms, pour sa nouvelle adresse. Curieusement, mon imagination me porta vers des villes lointaines : pour une installation parisienne : "L’Elysée reclus", pour qu’elle n’en sorte pas. En bonne sermonneuse, elle aurait pu s’installer à Meaux, ville où Bossuet fit ses plus beaux sermons, et appeler son antre : "Des maux d’Aubry au Brie de Meaux..." Passons, et des bien pires !
En raison de ses attaches basques, je souhaite bien évidemment que notre futur chef n’hésite pas revenir sur les terres de ses ancêtres pour ouvrir son restaurant.
Je lui conseillerai alors deux noms en basque : "Bortz Gakotx Bortz" - en français : "Le cinq cinq", souvenir d’une promesse jamais réalisée en matière de TVA, promise à 5,5 % mais toujours à 19,6 % - ou bien : "Ogoi Ta Hamabortz" - en français : " Le trente-cinq », hommage irrespectueux à son oeuvre immortelle : les fameuses 35 heures ! A ces deux noms basques, elle pourra ajouter en français dans le texte la classification nouvelle : " restaurant utopique " !
Et comme elle prétend, en toute modestie, faire « le meilleur tiramisu de Paris », je l’invite à donner des cours de tiramisu - ce qui signifie : remonte-moi le moral - à tous les cuisiniers du Pays basque, victimes de son aberrante loi sur les trente-cinq heures tout autant que d’une TVA assassine à 19,60% lorsque les tenants de la néfaste bouffe sont gentiment gratifiés d’une TVA à 5,50%. En échange de son passionnant cours de tiramisu, je suis certain que les professionnels, que sont les hôteliers, cafetiers et restaurateurs du Pays basque, seront ravis de la recevoir dans leurs établissements respectifs pour deux journées de formation : l’hôtelier une nuit, le cafetier et le restaurateur une journée chacun. Elle apprendra ainsi que dans les métiers de l’hôtellerie et de la restauration, on travaille de jour comme de nuit, vingt-quatre heures sur vingt-quatre, trois cents soixante-cinq jours par an.
Voici le programme du séjour que je conseillerai à mes amis professionnels d’organiser pour bien former Mme Aubry.
Premier jour, tranquille, accueil du futur chef par ses prochains confrères ; déjeuner dans l’arrière-pays avant la visite des vignobles d’Irouléguy et de la distillerie Brana à Saint-Jean-Pied-de-Port afin que Mme Aubry comprenne bien qu’avant d’ouvrir un restaurant, il faut savoir ouvrir une bouteille, et lorsqu’elle est ouverte, la découvrir et en parler. Vers dix-sept heures, retour à l’hôtel pour le fameux cours de tiramisu. Une petite heure devrait suffire.
De dix-huit à vingt heures, pendant que les chefs feront leur mise en place et dîneront sur le pouce, Madame Aubry aura largement le temps de se faire une beauté.
Le soir, pour mettre notre futur chef dans l’ambiance, le dîner sera typiquement basque. Vers onze heures-minuit, lorsque les derniers clients du restaurant de l’hôtel qui héberge Madame Aubry seront partis, fermeture du restaurant, puis des portes de l’hôtel. C’est alors que Madame Aubry rejoindra sa chambre. Cependant, pour parfaire sa formation, l’hôtelier qui la reçoit n’oubliera pas de transférer le standard téléphonique de l’hôtel vers la chambre de son illustre invitée. Elle constatera ainsi combien les nuits de ses futurs confrères sont douces ! Combien il est agréable, dans son premier sommeil, d’être réveillé par un, deux ou trois appels venant de France ou d’Europe, puis, plus tard, bien plus tard dans la nuit, par ceux de nos cousins d’Amérique qui ignorent que lorsqu’ils se réveillent, nous dormons encore. Mais ce n’est rien, au bout de quinze à vingt ans, on s’y fait très bien. Voilà pour le premier jour, tranquille, de Mme Aubry.
Seconde journée, grave : le matin, réveil à six heures. Mme Aubry se fera alors un plaisir d’aider son hôte à préparer les petits déjeuners de ses clients : pain et viennoiseries juste sortis du four, confiture maison, thé, café et autres gourmandises. Puis, vers sept heures, un ami viendra prendre sa future consœur pour aller sur les quais des ports de Bayonne ou de Saint-Jean-de-Luz, puis aux marchés de Bayonne et de Biarritz, d’où ils reviendront vers dix-onze heures. Et là, tout sourire, Madame Aubry assistera à la mise en place de la salle à manger, au travail du cuisinier et de ses aides, en quelques mots, à tout ce qui fera le bonheur de ses futurs clients.
Vers onze heures trente, Madame Aubry déjeunera rapido-presto des bonnes et simples choses que son hôte aura préparées avec amour pour son personnel et pour sa famille.
Vers midi, tout devra être terminé, car un quart d’heure plus tard, le spectacle commence ! Si notre restaurateur n’invite pas Mme Auby à participer au service, j’ose espérer qu’il lui fera remarquer qu’il n’est pas nécessaire d’être marathonien pour parcourir des kilomètres en quelques heures.
Vers quinze heures, qu’il y ait eu ou non des spectateurs, le rideau va retomber. Un petit tour en cuisine convaincra notre futur chef de l’inutilité d’un sauna dans la maison d’un cuisinier.
A l’égal de ses futurs confrères, cela fera huit heures que Mme Aubry sera au travail.
Ensuite, puisque Mme Aubry reste cependant une invitée de marque, on pourra lui laisser quartier libre pour deux petites heures - il faudra bien qu’elle se remette du travail des autres ! - jusqu’à dix-sept heures. Et là, tout recommence : dix-huit heures trente, dîner. Dix-neuf heures, seconde représentation dans les mêmes conditions qu’à midi, et ceci jusqu’à minuit-une heure du matin... C’est que, dans le futur métier de Mme Aubry, on se doit d’être disponible du matin au soir : le restaurateur pour ses deux représentations, en matinée et en soirée, le cafetier pour ses premiers petits déjeuners de six heures d’un matin aux derniers verres d’un autre matin, et l’hôtelier, pour tout et n’importe quoi, vingt-quatre heures sur vingt-quatre !
Reprenons nos comptes : il est près d’une heure du matin. Mme Aubry est debout depuis près de dix-neuf heures. Elle a fait une pose de deux heures, entre trois et cinq heures de l’après-midi, et termine donc une journée de dix-sept heures. Encore une journée comme celle-ci, et nous ne sommes pas loin des trente-cinq heures chères à celle qui « s’imagine très bien, d’ici quelques années, dans son resto, en train de recevoir ses amis et de préparer de bons petits plats » qu’elle sera bien obligée de facturer au taux de TVA de 19,60 %, alors qu’elle aura acheté les produits nécessaires à leur confection au taux de 5,50 % après leur avoir réellement ajouté une valeur.
C’est à ce moment-là que notre chef devra se transformer en comptable ! Comptons une heure de plus pour cette opération et nous voici, en deux petites journées aux trente-cinq heures fatidiques que le patron, son épouse et quelques membres de sa famille (et non ses employés, car les professionnels de l’hôtellerie sont respectueux des lois) multiplieront par deux, certains par trois, afin de recevoir dans leurs établissements leurs clients bien souvent devenus des amis, et de leur préparer les plats qu’ils auront mis des années à inventer avec ce je ne sais quoi qui s’appelle le talent.
Article rédigé par Bernard Carrere.