« Expédition Nil bleu », un moment d’éternité
par Manuel Atreide
mardi 20 février 2007
Il peut y avoir de la magie dans les technologies actuelles. Dimanche après midi, j’étais à la cité des sciences et de l’industrie. La Géode avait programmé un documentaire, Expédition Nil bleu. Voici comment une équipe déterminée, une caméra et une salle dotée d’un écran géant vous amène de Paris au coeur de l’afrique, pour une heure de temps suspendu dans le temps, pour un voyage au coeur d’une vallée d’éternité.
Depuis le commencement de la civilisation égyptienne, les habitants de la vallée du Nil ont eu un rapport spécial avec ce fleuve. A vrai dire, on peut même considérer que l’Egypte elle même est un pays fleuve. Toute sa civilisation, toute sa vie, toute sa puissance dépend du fleuve. Dépend des quelques kilomètres de terre fertile de part et d’autre du fleuve. L’Egypte est un ruban de verdure coupée en deux par un ruban d’eau.
Ce fleuve est le poumon unique des pays qu’il traverse. Enlevez le Nil, détruisez le, empoisonnez ses eaux et vous tuerez tous les pays d’Afrique de l’est, de la région des grands lacs jusqu’aux rives de la Méditerranée. Pour autant, ce fleuve est resté largement inexploré jusqu’à des temps récents. Et surtout, aucune expédition n’avait réussi à descendre son cours, des sources du Nil bleu jusqu’au delta égyptien.
L’équipe menée par Pasquale Scaturro, chef d’expédition, et son partenaire Gordon Brown, ont descendu cet immeuble fleuve, traversant les paysages africains sur plus de 5000 kilomètres.
Je m’arrête là dans le résumé du documentaire, ce n’est pas là le but de mon papier. Plus que vous faire un résumé de film, j’aimerais vous faire partager l’émotion, l’émerveillement du petit enfant que je suis encore en partie, devant le spectacle qui me fut proposé.
La vallée du Nil est un endroit unique sur terre. Depuis les hauts plateaux d’Ethiopie, il traverse des sites totalement différents, creusant son chemin dans le roc et la lave du rift africain, traversant les déserts de dunes de sables ou les plaines vertes ou arides. L’expédition vous emmène avec elle au coeur de cette splendeur. Vous êtes dans l’avion qui survole a basse hauteur le cours du fleuve, rasant les arbres, slalomant dans les vallées encaissées, prenant de la hauteur quand le fleuve passe des rapides à un cours plus lent et diversifié.
Vous êtes dans le canot de raft qui dévale les rapides, plongeant le museau dans les paquets de remous provoqués par les rocs submergés. Vous êtes même accrochés au nez du Kayak de Gordon dans quelques unes de ses descentes vertigineuses.
De part et d’autre de votre champ de vision, l’Afrique s’étale, généreuse de ses paysages, de ses couleurs, de sa faune belle et cruelle. Tous ces peuples qui vivent au bord du fleuve viennent à vous. A la différence d’un film plat et rectangulaire, vous êtes en Afrique pour découvrir leur environnement, leur pays, leur vue quotidienne. Leur habitat, vous le ressentez comme si vous étiez là bas, vous le voyez comme ils le voient.
Bien sur, tout n’y est pas. Nous sommes encore loin de ce que les écrivains de science-fiction appellent une immersion totale. Les odeurs, le vent, la chaleur - ou le froid - ne sont pas là. Seuls vos yeux sont sollicités, ainsi que votre équilibre. Mais, allez à la Géode. Allez voir les paysages lointains. Allez découvrir cette Afrique dont nos médias ne nous parlent que pour en souligner la pauvreté, l’instabilité géopolitique, l’aridité, la faim.
Allez découvrir un pays fabuleux, l’Ethiopie. Cette plongée intelligente, par le biais d’un documentaire, vous fera oublier les images d’un pays peuplé de zombis faméliques. Allez voir l’incroyable beauté d’un pays où le Nil prend sa source principale.
Nous avons la chance d’avoir à notre disposition une technologie qui peut nous plonger dans un ailleurs, dans d’autres temps. Hier après midi, j’ai pu me plonger au coeur de l’Afrique, descendant le cours d’un fleuve qui en est l’artère vitale depuis des milliers d’années. L’espace d’un moment, sous un dôme géodésique, le temps local n’avait plus court. Un petit moment d’éternité. Si beau.