Faites de la démocratie

par Orélien Péréol
samedi 19 juillet 2014

Off Avignon : La démocratie expliquée à mon député ! D'après la conférence d’Étienne Chouard

La dette expliquée à mon banquier,

Le travail expliqué à mon chef

jeu Cécile Canal Ateliers d'Amphoux horaires variables

Alice Laccen et son rython

Alice Laccen est une expliqueuse. Elle joue les simplettes mais c'est pour de faux. Ce qu'elle explique est plutôt compliqué.

Sur la démocratie, elle a suivi l'avis de Chouard dans une de ses conférences. La démocratie se lit dans les pratiques des Grecs anciens. Elle passe par le tirage au sort des représentants, qui ne sont pas du tout des décideurs. C'est l'Assemblée qui décide et les représentants organisent et facilitent le travail de l'Assemblée. Nous, nous sommes dans une oligarchie (le pouvoir de quelques uns). Notre système est aristocratique. C'est un travail d'étymologie qui amène ce terme d'aristocratique, car l'élection désigne le plus fort, aristos. Relier élection et démocratie est une nouveauté du XIXème siècle, en gros. Auparavant, on n'y aurait jamais songé. Le problème majeur, c'est que nous donnons le nom de démocratie à une organisation qui ne l'est pas alors que la solution à nos problèmes serait la démocratie (véritable).

Alice Laccen nous explique tous les rouages de la démocratie athénienne, les concepts phares, les institutions de contrôle . Elle nous écrit tout ça sur de grands cartons, comme une maîtresse d'école qui n'aurait pas de tableau et qui ne se laisserait pas arrêter pour si peu. Elle balaie un peu trop facilement six objections opposées à l'idée que la démocratie athénienne soit un modèle, dont l'existence des esclaves : ils avaient des esclaves, nous avons des machines. Certes. Mais s'ils avaient des esclaves ce n'est pas seulement parce qu'ils n'avaient pas de machines ; c'est aussi parce qu'ils ne voyaient pas d'égalité entre tous les humains, seulement entre certains.

Bien d'autres aspects de la démocratie qui ne sont pas abordés : la délibération, la décision, la permanence de la délibération, même après que la décision ait été prise... toutes les actions de démocratie directe, de proximité, proches de l'autogestion, les associations, les manifestations...

 

Dans un autre spectacle, La dette expliquée à mon banquier, elle parle de la dette. Elle y mêle un éloge du « par cœur ». Son travail de comédienne : elle « emprunte » un texte à un auteur. En général. Elle l'apprend par cœur. Au kilomètre. Pas à pas. Au sens propre (elle marche pour apprendre) et au sens figuré. Comme elle a ses auteurs, elle les tire d'une télé vide qui s'éclaire à la télécommande ! La création monétaire a à voir avec le pouvoir réel du peuple. Ça on le voit bien. Or, les États ont perdu ce pouvoir. Ils ont aussi bizarrement organisé cette captation de la création monétaire par les banques. Il est assez inévitable que les banques puissent créer de l'argent, vu notre grand nombre. Elles devraient le faire sous contrôle et encadrement serré de l'État. Ce qui n'est pas le cas. C'est un problème difficile et qui nécessiterait, comme tous les problèmes politiques une attention soutenue du peuple (de nous tous, citoyens votants). Il est très bon que le théâtre retrouve un peu de sa centralité politique comme aux grands moments de la démocratie athénienne et serve modestement cette éducation populaire si nécessaire. Bref, la dette des États, c'est que de la mauvaise technique monétaire. Il ne faut pas la rembourser ! Alice Laccen nous raconte des histoires anciennes de dettes étatiques. Philippe Le Bel. Il fait un procès aux Templiers qui étaient très riches, prend leurs biens et hop ! Plus de dette ! Louis XIV, pareil. Il prend tout à Fouquet. Triste affaire. Mais... plus de dette !

 

Dans le travail expliqué à mon chef, Alice Laccen est moins expliqueuse. Elle se pose des questions à elle-même(?) (ah oui c'est pour de faux, c'est du théâtre !) et s'appuie sur les idées de salaire de vie, un revenu de base, accordé à tout le monde de par le simple fait qu'il est en vie... revenu complété par le revenu du travail pour toutes celles et ceux qui travaillent. Ainsi on ne pourrait jamais être totalement démuni de ressources et le travail continuerait à rapporter de l'argent, on n'aurait pas intérêt se faire entretenir par la collectivité.

Les intermittents, dans leur lutte, sont à deux doigts de cette idée, quand ils disent qu'ils se battent pour tous ; qu'on est tous intermittents, qu'on doit avoir de quoi vivre même quand on ne travaille pas, que la spécificité du métier d'artiste est la base d'une réflexion sur ce que doit être le travail, ce que doit être le revenu (ce dont on dispose pour vivre) et le salaire (ce qui, dans ce revenu, vient du travail).

Dans cette optique, les notions de chômage, retraite, congés maladie, maternité... s'estompent. Les notions d'assurance ou de solidarité se rejoignent. Les intermittents ont refusé la proposition du premier ministre de compenser par l'État le différé d'indemnisation car ils tiennent à rester dans l'assurance chômage et ne pas rejoindre même pour une part la solidarité. Avec le revenu de vie, ces distinctions n'ont plus cours, me semble-t-il.

Avec ça, Cécile Canal, la comédienne, fait aussi un spectacle de théâtre-forum... ça déménage. La démocratie, c'est pas d'la tarte mais ça vaut la peine qu'on s'bouge. Et elle se bouge.


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