Faut-il tuer le livre pour sauver la plančte ?

par Pat Ferrer
samedi 4 mai 2013

A l’heure où nos enfants naissent avec un smartphone ou une liseuse numérique dans leur berceau, à l’heure où nous avons détruit la moitié des forêts en moins d’un siècle, à l’heure où le taux de CO2 dans l'atmosphère ne cesse d’augmenter au fur et à mesure que progresse la déforestation de la planète, ne convient-il pas de se poser la question ?

Faute d’avoir développé une matière première de remplacement, le papier est-il amené à disparaître ? Et avec lui, les librairies, les bibliothèques et les kiosques à journaux. C’est probable. Peut-être pas demain, mais à terme. Il n’y a pas de petites économies dans la survie de l’espèce. Et économiquement, le papier deviendra bientôt un support trop coûteux pour une utilisation aussi ‘frivole’ que le divertissement ou la Culture.

Mais il n’y a pas que le facteur écologique. Malgré des prix qui ne cessent d’augmenter, l’industrie du texte imprimé se meurt. Blâmer Steve Jobs ou Amazon, c’est se voiler la face. Je n’aborderais pas ici la médiocrité de la production littéraire actuelle, cadenassée par et pour une élite d’élus. Autant éviter les sujets qui fâchent. Mais parlons du refus de nos éditeurs phares et des points de vente à se mettre à la page. Retranchés dans leur tour d’ivoire, ils voient avancer les hordes de gueux qui se sont emparés du numérique comme seul moyen d’expression encore ouvert, comme médium libre et à la portée de tous, auteurs et lecteurs.

Ils raillent, les bougres. « Lire sur un écran, c’est mauvais pour les yeux ! Rien ne remplacera le livre imprimé. » C’est vrai, on aime tous cette sensation du papier sous les doigts, cette odeur un peu spéciale de la reliure-cuir, cette première édition dédicacée du « Manifeste du Surréalisme », mais ils oublient peut-être un peu vite que nos enfants ricanent en voyant les étagères poussiéreuses où s’entassent les livres de notre vie et chuchotent entre eux qu’ils peuvent stocker 120.000 titres sur cette tablette de deux cent grammes qui tient dans la poche. Ils n’ont pas encore la voix au chapitre, ils n’ont pas encore le pouvoir de forger le monde qui les entoure à leur image. Mais un jour, ils l’auront. Avec les prix du mètre-carré immobilier qui ne cessent de grimper, qui d’autre que le très riche pourra bientôt se payer le luxe d’une bibliothèque de salon, voire d’un salon ?

D’ici quelques années, les librairies seront aussi rares que les boutiques d’antiquités, et serviront le même usage. Nous rappeler nostalgiquement qu’autrefois… Elles suivront, plus ou moins brutalement, le chemin des boutiques de location vidéo ou celles d’appareils photographiques. Rien ne sert de se voiler la face.

Faut-il en être triste ou, comme les auteurs d’autrefois, pourrons-nous remercier une déité quelconque de nous permettre d’emmener notre mie promener dans les bois ?


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