Filmer le 11 septembre...
par Brady
vendredi 21 juillet 2006
Vol 93 est le premier film consacré aux attentats du 11 septembre 2001, en attendant la sortie de World Trade center d’Oliver Stone, à la rentrée. Vol 93 dresse un détail précis de cette journée particulière, de manière quasi documentaire, grâce à l’excellent réalisateur anglais Paul Greengrass.
L’idée qu’Hollywood se mette à traiter des attentats du 11 septembre 2001 pouvait laisser craindre le pire : débauche indécente d’effets spéciaux, recherche du sensationnel et volonté polémique, acteurs surjouant, et ne restituant pas la réalité du drame. Heureusement, Vol 93 a été réalisé par un vrai prodige doté d’une qualité devenue rare : l’objectivité.
L’Anglais Paul Greengrass a déjà surpris le monde du cinéma avec Bloody Sunday sorti en 2003. Il revenait sur le massacre de Derry, en 1972, où une marche pacifique pour la défense des droits civiques en Irlande du Nord s’était terminée en bain de sang, après que l’armée anglaise eut ouvert le feu sur les manifestants. Une journée qui détruira les mouvements pacifistes et durcira le conflit nord-irlandais. Ce qui avait surpris avec ce film, c’était l’objectivité du réalisateur qui exposait les faits sans prendre parti, pas même pour ses propres couleurs, et un style quasi documentaire, racontant le déroulement précis de la journée sur la base des témoignages, caméra à l’épaule, préférant des acteurs ressemblant le plus possible aux protagonistes à des pointures qui auraient perturbé l’identification aux héros. Greengrass a repris exactement les mêmes recettes pour Vol 93.
Aucune critique de l’administration Bush à la Moore, aucun soutien aux versions parallèles des attentats du 11 septembre à la Loose change. Greengrass raconte, de l’embarquement des passagers au crash final, cette journée particulière, en se fondant sur les témoignages des familles des victimes qui ont échangé des coups de fils avec leurs proches peu de temps avant le crash, et sur ceux du personnel au sol. Greengrass a même demandé si certains membres du personnel au sol présents ce jour-là accepteraient de jouer leur rôle. Ben Sliney, le responsable du contrôle du trafic aérien, l’homme qui notamment donna l’ordre de boucler l’espace aérien après les premiers attentats, a d’abord été réticent à l’idée de revivre cette journée cauchemardesque mais a finalement accepté, poussé par les familles de victimes, et conscient de la nécessité d’apporter un témoignage sur cette journée. On note que pour un débutant, il s’en sort remarquablement bien, exprimant sur son visage le sentiment d’impuissance qu’il a dû éprouver, comme tant d’autres, ce jour-là.
Le Vol 93 fut le dernier des quatre avions détournés à s’être écrasé. Le seul à avoir raté sa cible, la Maison Blanche, à cause de la résistance des passagers. Là encore, plaçant le réalisme au-dessus de tout, Greengrass évite l’emploi d’acteurs trop connus risquant d’empêcher l’identification du spectateur aux victimes. Notamment, les hôtesses de l’air sont interprétées par de vraies hôtesses, et les pilotes de ligne par de vrais pilotes, on aurait pu craindre que les acteurs en fassent trop, et surtout que les témoignages ne permettent pas de savoir avec précision ce qui s’est réellement passé. Néanmoins, l’interprétation est réaliste. Les passagers ne sont pas caricaturés, les comportements entre ceux qui prônent la révolte et ceux qui croient en la négociation sont crédibles. Les acteurs incarnant les quatre terroristes sont excellents, ils ne jouent pas les méchants d’opérette comme on en voit trop souvent dans certains films d’action ; leurs prestations expriment autant la folie que la peur.
Les réactions du personnel au sol montrent l’incompréhension de
protagonistes qui ne s’attendaient pas à ça, qui voient des avions ne pas
répondre, et comprennent à leur grand étonnement que ce qu’ils prenaient pour
un détournement se révèle pis que cela.
En racontant cette journée par le détail, Greengrass rend hommage au courage
des victimes, tout en pointant les erreurs qui ont pu être commises par une
Amérique qui ne s’attendait pas à une attaque d’une telle ampleur. La journée
avait si bien commencé...