« Fin de partie » de référence Françon à hauteur Beckett

par Theothea.com
mercredi 15 juin 2011

Depuis qu’il a quitté, en 2009, la direction du Théâtre de la Colline en y présentant comme cadeau patrimonial d’adieu une « Cerisaie » d’anthologie, le metteur en scène Alain Françon est en état de grâce tant auprès du public que de la critique alors que celle-ci, en cet achèvement de saison 10-11 ne tarit pas d’éloges à l’égard d’une « Fin de partie » composant un Serge Merlin à l’image troublante d’un Mouammar Kadhafi plus vrai que fantasmé.

En effet, trônant impérial, avec ses lunettes et bonnet noirs, sur son siège d’handicapé chronique du savoir-faire, Hamm délègue à Clov, son faire-valoir corvéable jusqu’à la fin des temps, le rôle d’une médiation de vie trop humaine se refusant aux sens atrophiés.

Répondant à cette attitude dictatoriale, autant esclave du maître intransigeant que de l’autre soi-même, Jean-Quentin Châtelain sculpte un Clov « quasimodesque » dont l’autorité servile fascine son compère de réclusion, quasi identifiable en père adoptif du second.

En tout cas, ce ne sont pas les parents d’Hamm, réfugiés dans leurs poubelles respectives face au destin d’une fin de vie bannie, qui tenteraient un coup de force à l’encontre d’une si belle disharmonie reliant, au sein d’un cynisme spirituel forcené, les vicissitudes d’une autoflagellation, en quatuor, consommée jusqu’à la lie.

C’est, donc, ainsi que Michel Robin et Isabelle Sadoyan viennent compléter une distribution que d’aucuns jugent tellement remarquable que la jauge du Théâtre de la Madeleine s’en trouve saturée à souhait.

Les voix de ces quatre exclus des normes admises se croisent, bien articulées et bien posées, hors du dialogue de sourdingues que deux lucarnes haut perchées transforment en sensation visuelle improbable du cycle virtuel entre jour et nuit.

Les ayant perdus dans l’exiguité d’un univers spatio-temporel réduit à des fonctions a minima, Samuel Beckett ne semble tendre la main à l’un des quatre que pour lui suggérer de se désolidariser de la destinée commune, en tentant le grand saut du côté…. du vide sidéral !….

Afin de clore tout autre perspective spectaculaire, le lourd rideau de fer de la cage scénique peut désormais s’abaisser lentement vers son point d’origine, en espérant que les spectateurs sauront retenir le plus longtemps possible un certain silence significatif puisqu’inspiré à l’aune du jaillissement spontané de leurs applaudissements.

photo © Dunnara Meas

FIN DE PARTIE - **** Theothea.com - de Samuel Beckett - mise en scène : Alain Françon - avec Serge Merlin, Jean-Quentin Châtelain, Michel Robin & Isabelle Sadoyan - Théâtre de la Madeleine

 


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