Folle journée : cap vers le Nouveau Monde

par Fergus
mardi 28 janvier 2014

Comme chaque année à Nantes, la Folle Journée drainera vers le Palais des Congrès – du mercredi 29 janvier au dimanche 2 février – la foule des amateurs de musique. Au programme de l’édition 2014, joliment intitulée « Des canyons aux étoiles », la musique américaine de 1850 à nos jours...

Tous les amateurs de musique classique le savent, la Folle Journée, c’est depuis quelques années... 5 jours de musique comme ne l’indique pas son nom, hérité d’une 1ère édition, nettement plus modeste, organisée en 1995 autour de Mozart. Avec 270 concerts au programme – contre 38 lors du lancement –, 46 conférences données par les plus éminents musicologues et des animations musicales gratuites, le public devrait sans nul doute trouver dans cette 20e édition de quoi s’enthousiasmer s’il apprécie les musiques composées, depuis le milieu du 19e siècle, sur le sol des États-Unis ou à la gloire du Nouveau Monde. Des musiques que le poétique sous-titre de cette Folle Journée, emprunté à l’une des œuvres majeures d’Olivier Messiaen, symbolise parfaitement : Des canyons aux étoiles.

Au fil du temps, le concept a évolué et les portes ont progressivement été ouvertes à des artistes ou à des interprètes en marge de la tradition purement classique pour satisfaire un plus large public en fonction du thème retenu. La Folle Journée 2014 va toutefois plus loin en se démarquant de manière spectaculaire des précédentes éditions : cette fois-ci, le festival a été résolument placé sous le signe de l’innovation. Il est vrai que le thème retenu se prêtait parfaitement à un élargissement vers des formes d’expression musicales moins ancrées, c’est le moins que l’on puisse dire, dans la tradition classique. Le patron du festival, René Martin, et ses collaborateurs n’en ont pas moins choisi de programmer très largement les célèbres partitions de maîtres comme Samuel Barber, Aaron Copland, Erich Wolfgang Korngold, Sergueï Rachmaninov ou John Williams. Mais ils également tenu à proposer, à côté de ces œuvres incontournables, des pièces de gospel, de jazz, de swing, et même de funk. Avec, en fil rouge, une place d’honneur pour un compositeur américain au carrefour des influences : l’incontournable George Gershwin dont la célébrissime Rhapsodie in Blue sera interprétée à plusieurs reprises.

On pourra également entendre dans les salles du Palais des Congrès des extraits de ces comédies musicales qui, à l’image de « West Side Story », ont acquis, sur les planches de Broadway, leurs lettres de noblesse. Plus surprenant encore : des musiques de film, telles « Les 7 mercenaires » de Bernstein, « La panthère rose » de Mancini ou « Les dents de la mer » de Williams seront interprétées par les artistes ou les formations de renom qui, chaque année, participent à ce festival populaire. On est là très loin du concerto pour clarinette de Copland, du concerto pour violon de Korngold ou du 3e concerto pour piano de Rachmaninov, pour ne citer que ces œuvres qui seront évidemment jouées lors de cette édition 2014.

Venu du rock et du jazz, René Martin a fait cette année un pari en se démarquant ainsi de la tradition classique de cette Folle Journée qu’il avait lui-même initiée et dont il reste le passionné directeur artistique : attirer à Nantes un public toujours aussi nombreux malgré une programmation nettement plus éclectique. Le Comité d’organisation, la ville de Nantes et les partenaires financiers ont-ils pris un risque en lui emboîtant le pas dans cette voie ? Nous le saurons dans les jours à venir, mais si l’on se réfère au nombre considérable des concerts qui affichent complet avant même que soit donné le « la » du premier d’entre eux, on peut gager que le pari sera réussi.

Faut-il pour autant continuer dans cette voie ou, au contraire, revenir dès l’année prochaine à une programmation plus centrée sur l’âge d’or du classique, autrement dit sur les musiques représentatives des périodes allant du baroque au préromantique, complètement délaissées depuis l’édition 2009 ? Il appartiendra à René Martin de répondre à cette question avant la clôture du festival. Mais l’on sait que le patron de la Folle Journée est, par goût, beaucoup plus tourné vers les musiques romantiques et contemporaines auxquelles il a fait une très large, et peut-être trop large part ces dernières années. Imposera-t-il, une nouvelle fois, ses propres choix, ou entendra-t-il les voix, nombreuses, qui s’élèvent pour demander le retour rapide d’une édition consacrée aux maîtres du classique, à commencer par les Stamitz, Haydn et Mozart ? Et que dire de l’absence de la musique italienne à Nantes ? Une Folle Journée intitulée De Vivaldi à Verdi ravirait pourtant les très nombreux amateurs des musiques transalpines. Réponse dimanche en direct du studio décentralisé de France-Musique au cœur de l’évènement.

Ces questions posées, revenons à la programmation 2014. Une place de choix y est naturellement donnée aux compositeurs américains et l’on retrouve avec un grand plaisir dans cette programmation des œuvres emblématiques comme Grand Canyon Suite de Rudoph von Grofé ou Billy The Kid Suite d'Aaron Copland. Mais il était impossible, avec un thème centré sur les États-Unis, de ne pas mettre à l’honneur le grand Antonín Dvořák dont le voyage au Nouveau Monde a marqué une étape déterminante de sa carrière. Plus que tout autre compositeur, le Tchèque a su rendre hommage à ces terres d’outre-Atlantique et aux hommes qui les ont mises en valeur durant les trois années qu’il a passées à New York comme directeur du Conservatoire. Dvořák est, pour cela, aller puiser dans le terreau culturel local, y compris indien, les thèmes qu’il a, avec un exceptionnel brio, su mêler au patrimoine de Bohème pour créer l’une des symphonies les plus spectaculaires et les plus jouées en concert sur la planète : la symphonie du Nouveau Monde. Cette œuvre formidable sera bien sûr interprétée durant la Folle Journée, le mercredi 29 janvier à 20 h 15 par l’Orchestre symphonique de l’Oural, et le samedi 1er février à 14 h 15 par l’Orchestre national des Pays de Loire, d’autres opus du compositeur tchèque étant également programmés, notamment son superbe concerto pour violoncelle.

Le premier concert de la Folle Journée 2014 aura lieu le mercredi à 14 h 00 dans le grand auditorium : la Sinfonia Varsovia, dirigée par Jean-Jacques Kantorow, y interprétera Un Américain à Paris de Gershwin et la Suite orchestrale de West Side Story de Berstein. 269 autres concerts suivront dans des salles de différentes capacités rebaptisées pour la circonstance du nom d’éminents écrivains américains, tels Faulkner, Fitzgerald et Hemingway, parrains des trois plus importantes salles de concert.

Et si vous cherchez une excellente table dans un cadre classé pour compléter votre séjour à Nantes, n’hésitez pas à déjeuner ou à dîner dans le somptueux décor de La Cigale (réservation indispensable). Bon appétit et surtout bonne musique !

Pour tout savoir sur la Folle Journée 2014 : le site officiel.


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