Folle Journée de Nantes : les Russes arrivent !

par Fergus
mercredi 1er février 2012

Mercredi 1er février. Comme chaque année depuis 1995, la ville de Nantes se met à l’heure de la musique classique. Jusqu’au dimanche 5 février, 1800 musiciens vont se produire dans 285 concerts, principalement à la Cité des Congrès, mais aussi – belle innovation – dans deux salles d’un site emblématique de la vie nantaise : le Lieu Unique, magnifique ensemble de culture et de loisirs implanté dans les anciennes usines LU (Lefèvre Utile). Thème de l’édition 2012 : le Sacre Russe, de Rimski-Korsakov à Chostakovitch...

 

Fils de commerçants passionné de musique, le jeune batteur de rock René Martin, concepteur de ce festival hors du commun, était sans doute très loin d’imaginer, en organisant la 1ere édition de La Folle Journée, que le retentissement de cet évènement en ferait vite un incontournable rendez-vous de la musique classique en France et qu’il essaimerait non seulement dans une douzaine de villes des Pays de Loire, mais également en divers lieux de la planète : Bilbao, Lisbonne, Rio de Janeiro, Tokyo et les villes japonaises de Biwako, Niigata et Kanasawa, sans oublier Varsovie depuis La Folle Journée consacrée à Chopin en 2010.

 

Prudemment consacrée au génial et consensuel Mozart, la 1ere édition avait proposé au public 37 concerts dans le cadre de la Cité Internationale des Congrès les 4 et 5 janvier 1995. 18 238 spectateurs avaient répondu à l’appel. Malgré un taux de remplissage relativement moyen (59 %), le Comité d’organisation et la Ville de Nantes avaient persévéré l’année suivante en mettant Beethoven – autre valeur sûre – à l’affiche de La Folle Journée 1996. Organisée les 10 et 11 janvier, cette manifestation comptait 49 concerts à son programme. Pari réussi : avec 30 159 billets vendus et un taux de remplissage de 84 %, René Martin pouvait arborer un grand sourire : La Folle Journée était durablement sur les rails.

 

14 autres éditions ont succédé à ces deux premières, toujours dans le cadre de la Cité Internationale des Congrès de Nantes, transformée pour la circonstance en Palais de la Musique classique. Avec, pour accueillir les musiciens et un public toujours plus nombreux, 7 salles de concerts (de 80 places pour la plus petite à 1900 places pour le grand auditorium), des salles de conférences, un hall transformé en lieu de démonstration pour des artistes émergents* ou des écoles de musique, un studio de radio, un lieu de ventes de livres et CD en rapport avec le thème choisi, sans oublier quelques stands pratiques dont un bureau de poste provisoire disposant d’une oblitération temporaire.

 

Avec les 285 concerts programmés cette année sur 5 jours (du mercredi 1er au dimanche 5 février) et les 140 000 spectateurs attendus en ce début février placé sous le signe d’un froid sibérien de circonstance, les organisateurs de La Folle Journée espèrent faire aussi bien, voire mieux, que l’année dernière où le taux de remplissage a pourtant atteint les... 96 %, montrant ainsi l’extraordinaire engouement que suscite cet évènement. Un évènement qui, par la volonté des organisateurs et avec le concours des autorités locales, a donné lieu, l’an passé, à environ 80 animations musicales dans les écoles de la région, et trouvé un prolongement jusque dans le Centre de détention de Nantes.

 

L’âme du peuple russe

 On l’a compris à la lecture de cet article, La Folle Journée n’est évidemment pas une manifestation élitiste. Ce n’est ni le Festival de Bayreuth ni celui de Salzbourg. Rien à voir non plus avec les concerts donnés dans les salles prestigieuses : Pleyel, l’Albert Hall, le Gewandhaus de Leipzig, le Metropolitan Opera de New York ou le Musikverein de Vienne. La Folle Journée est avant tout, comme l’a voulu son créateur, un évènement populaire destiné à faire connaître la musique classique au plus grand nombre, et notamment à tous ceux qui n’ont pas les moyens d’accéder aux salles de prestige, ou qui seraient trop complexés pour franchir le pas.

 

À de rares exceptions près (les concerts retransmis en direct à la télévision sur Arte, ou l’exécution d’une œuvre plus longue), les concerts durent 45 minutes et les prix varient, selon le nombre des musiciens en scène, de 5 à 23 euros. Dans un souci d’ouverture des jeunes à la musique classique – une constante depuis la création de La Folle Journée –, 43 concerts sont ouverts cette année aux scolaires à un tarif particulièrement attractif de 4,5 euros.

 

En cette année 2012, les organisateurs ont décidé de mettre résolument le cap au nord-est, vers l’un des plus fascinants pays de la vieille Europe. Avec une édition intitulée « Le Sacre Russe, de Rimski-Korsakov à Chostakovitch », c’est l’âme du peuple russe qui est mise à l’honneur au travers des compositions des plus grands maîtres. Une édition où une place éminente est naturellement donnée à ce géant et véritable fondateur que fut Tchaïkovski. Sont également au programme des œuvres des membres du Groupe des Cinq : Balakirev, Borodine, Cui, Moussorgski et Rimski-Korsakov. Ainsi, bien sûr que les incontournables chefs d’œuvre de Chostakovitch, Khatchaturian, Prokofiev et Stravinsky, ou ceux des plus modestes mais néanmoins talentueux Arenski, Glazounov, Liadov ou Scriabine. Sont également programmées des œuvres contemporaines de Schnittke et de Weinberg, le plus polonais des Russes. Bref, de quoi ravir les amateurs, toujours plus nombreux, de cette musique aux accents parfois métissés d’apports asiatiques mais presque toujours caractérisée par ses élans de profonde humanité. 

 

Ce programme exceptionnel sera, comme chaque année, servi par des artistes confirmés. Impossible de les citer tellement ils sont nombreux. Notons toutefois, parmi les solistes et les formations invités : les violonistes Renaud Capuçon, Patricia Kopatchinskaia et Deborah Nemtanu ; les violoncellistes Henri Demarquette, Roland Pidoux et Tatiana Vassiljeva ; les pianistes Nicholas Angelich, Boris Berezovsky, Michel Béroff, Claire Désert, Brigitte Engerer et Alexei Volodine ; le Trio Chausson et le Trio Wanderer ; le Quatuor Modigliani et le Quatuor Prazák ; le Ricercar Consort ; le Chœur symphonique de l’Oural et la Capella de saint-Petersbourg ; l’Ensemble orchestral de Paris, l’orchestre national des Pays de Loire, l’orchestre Philharmonique de l’Oural, la Sinfonia Varsovia, et bien d’autres artistes de très grande qualité...

 

Avis aux amateurs : il reste encore quelques milliers de places qu’il sera possible de se procurer sur place aux guichets de la Cité des Congrès. Le concert n° 001 débute ce mercredi à 16 h 45 dans la salle Tourgueniev. Le dernier concert, n° 285, débutera dimanche à 19 h 45 dans la salle Maïakovski. Entretemps se sera écoulé une Folle Journée de... 5 jours. De quoi donner le tournis à Beaumarchais !

 

* C’est dans ce hall que le public a pu, en 2008, découvrir les étonnants musiciens trinitéens du Renegades Steel Band Orchestra et leurs drôles de bidons musicaux, ici dans deux extraits musicaux (Schubert et Bach).

 

Parmi les oeuvres qui seront interprétées à Nantes :

Borodine : Danses polovtsiennes

Moussorgski : Une nuit sur le Mont Chauve

Rachmaninov : concerto pour piano n°3

Stravinsky : Le Sacre du Printemps

Tchaïkovski : concerto pour violon

 

A voir aussi : Shéhérazade, de Rimski-Korsakov : Le Sacre Russe, de Nantes à Rotterdam (Shéhérazade et La Grande Pâque russe)


Lire l'article complet, et les commentaires