François Villon, le poète mauvais garçon

par Gilbert Gosseyn
samedi 25 février 2023

Ainsi débuta la poésie française.

On ne connaît pas précisement la date de naissance de François Villon ni celle de son décès. On suppose qu'il est nait en 1431 ou 1432 et mort après 1463 soit agé d'une trentaine d'années. Il fut le premier en date des poètes français modernes. Ses aventures de mauvais garçon ont laissé des traces précises dans les archives judiciaires. Sa vie pourtant reste bien obscure. Son nom même est incertain ; celui qui l'a rendu immortel lui fut donné par son "plus que père", peut-être son père naturel, le chamoine parisien Guillaume de Villon. Les premiers actes qui mentionnent le poète le nomment François de Montcorbier, alias des Loges.

A Dix-huit ans, il est reçu bachelier à la faculté des arts (et lettres) de l'université de Paris ; en 1452, licencié et maître és arts. Mais dés 1455, dans une rixe, il tue un prêtre et doit quitter Paris. L'année suivante, aux environs de la Noël, il participe à un vol par effraction au collège de Navarre. En 1461, il est emprisonné à Meung-sur-Loire. Le 2 octobre, il est délivré par ordre de Louis XI. Villon est à Paris au début de 1462, il y compose et met au point son "Testament", où il enchasse beaucoup de petites pièces composées antérieurement. Le 3 novembre 1462 il est en prison, au Châtelet, sous inculpation de vol. Libéré quelques jours plus tard il participe à une rixe, est à nouveau arrêté et, cette fois, condamné par sentence de Châtelet à être pendu (1463). Le jugement est annulé en appel mais le poête est banni de Paris pour dix ans (5 janvier 1463). Ensuite on perd sa trace.

Le "cas Villon" est bien mystérieux. Nous le voyons mêlé aux pires compagnies, mais en relation aussi avec de grands personnages. Tout en lui est contradiction. Dans son "Dialogue du corps et du coeur" il fait dialoguer ses mauvais instincts et sa conscience. Un sens aigu de la réalité, l'art de la faire revivre par le choix du mot précis, du détail observé, la hantise de la mort, l'effroi de la corruption du corps et de celle de l'âme, une technique infaillible, des délicatesses exquises dans le choix des sonorités et du rythme, de grandes audaces et des remorts poignants, un mélange constant de piété et d'irrespect.

Villon est le seul homme de son temps qui ait fait de la poésie personnelle, qui ait mis hardiment et sincèrement sa vie dans son oeuvre, la vie d'un bohème et d'un fripon, car il fut tout cela et pis encore. Mais il a souffert, il a aimé, il s'est repenti et il a pleuré ; et cette confession naïve, profonde, a donné à ce truant de lettres une sensibilité de génie. Villon a trouvé le talent et l'immortalité par l'individualisme et le moi.

C'est un poête en avance de plusieurs siècles, non seulement par les sentiments, les sujets et l'esthétique, qui tranchent avec la production des "romanciers confus" de son temps, mais il est en avance surtout par la qualité de ces vers, toujours droits et pleins, simples et robustes, d'inspiration directe et limpide. Nul n'a plus délicieusement tourné refrains et ballades. Sauf le sens de la nature, qui lui manquait absolument, ce versificateur d'esprit et de métier à toutes les qualités intérieures du talent, retentissement d'âme, mélancolie, obsession de la mort, sentiment de l'angoisse et du néant, et en même temps toutes les qualités exterieurs d'éxecution, truculence, verve, relief des mots, jusqu'aux audaces et aux paillardises de Rabelais.

Ce qui a desservi Villon c'est sa langue. Son talent devance sa langue de deux cents ans. Archaïque et difficile à lire, sa langue l'a trahi devant la postérité et, pour une partie de son oeuvre, écrite en argot, la trahison a été complète : la clef de ces vers est perdue. Supposez la langue fixée, Villon eût été Marot, la profondeur en plus ; il eût été Malherbe ; il eut été Lafontaine, enfin le maître matériel et visible de cette lignée de poêtes qui va jusqu'à Voltaire et Béranger... Vilon est moderne. Désorthographiez-le. Il date d'hier.

Tels sont quelques-uns des traits qui, à mon gout, font de Villon le premier poète de Paris et l'un des plus grand poète de France.

Vous trouverez l'ensemble de ses oeuvres libre de droits ici en fichier .pdf (7,6mo)


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