Friedrich Nietzsche. L’éternel retour de l’incompris... 1/2
par Delphus
samedi 1er novembre 2014
Il s'agit là, d'une tentative d'expliquer l'homme et le philosophe, de façon à évacuer les nombreuses dérives intellectuelles qui ont notamment amené un grand nombre de penseurs et de philosophes du 20 ème siècle à écarter ce grand européen, de l'univers culturel et pédagogique. J'ai essayé, tant que faire se peut, d'utiliser des mots simples sans être simplistes. Et surtout, de ne rien omettre sur le personnage et le penseur, qui ne soit important pour la compréhension du tout.
- LES ANNEES COLLEGE :
En octobre 1858 il a 14 ans. Il entre au célèbre collège de pforta près Naumburg. Il y restera six ans pensionnaire et boursier. Cet ancien monastère cistercien a été transformé après la réforme en collège pour élèves méritants. Dans cette sorte de cité idéale des lettres et des sciences, est dispensé un enseignement de haut niveau, basé sur l'étude des auteurs classiques et antiques. L'éducation se fait à la prussienne...Levé à l'aube - ablution à grands seaux d'eau froide - vie sportive. Il y apprend évidemment le Grec et devient un helléniste accompli. Rédaction en Latin. Citation en Grec. Son travail de fin d'étude est remarquable et remarqué. Il en sortira avec un tout autre état d'esprit. Son écriture témoigne d'une personnalité de plus en plus affirmée. Il est devenu un esprit libre. Il perd peu à peu la foi et ce faisant s'oppose de plus en plus à sa mère. Il dira plus tard : " L'athéisme me fût toujours naturel...".
- DE BONN A BÂLE :
Rentrée 1865. Nietzsche s'inscrit avec son ami Paul Deussen, futur spécialiste de la philosophie Indou, à l'université de Bonn. Il commence des études de philologie classique.* Dans ces années là, il découvre "Le monde comme volonté et représentation" le livre majeur d'arthur Schopenhauer. Il sera très influencé par sa philosophie. Même si plus tard, il s'opposera totalement à son pessimisme foncier. Bientôt il suivra son maitre et mentor, Friedrich Ritschel, professeur de philologie, jusqu'à l'université de Leipzig.
Début 1869, sur recommandation de Ritschel, il est nommé professeur extraordinaire de philologie à l'université de Bâle. Il n'a pas encore 25 ans et n'a pas encore passé son doctorat. Nietzsche doit se plier aux lois Suisses et abandonner sa nationalité Prussienne. Il devient apatride. Sa première conférence : "Homer et la philologie classique", lui attire l'estime d'un cercle de connaisseurs. Mais déjà, le futur philosophe pointe sous le philologue. Durant cette conférence, il inverse la phrase de Sénèque qui disait que : "la philologie était faite de ce qu'était la philosophie." Nietzsche dit lui que "la philosophie était faite de ce que fût la philologie." Ca ne veut pas dire que la philologie doit servir d'ancillaire, de servante à la philosophie. Ca veut dire que la philologie, si on la fait bien, c'est à dire pas comme 99% des gens, on la fait en philosophe de l'avenir.
- LA GUERRE ET "LA NAISSANCE DE LA TRAGEDIE" :
Juillet 1870. La guerre est déclarée entre la France et l'Allemagne. Nietzsche qui n'est plus Prussien, s'engage néanmoins comme infirmier du coté Allemand. Les scènes horribles des champs de batailles où il ramasse les blessés des deux camps, changent brutalement sa vision du monde. Comme en témoigne ses carnets de guerre. Cela le détache de Bismarck, qu'il admirait jusqu'alors. Il tombe malade et rentre à Naumbourg. Dans la maison familliale, il commence la rédaction de son premier livre..."La naissance de la tragédie". Apollon, dieu de la forme et de la belle apparence et Dionysos, le dieu des ténèbres, du désir, de la passion et de la musique. Donc derrière cette belle apparence fécondée au fond par l'ombre, la part nocturne, passionnée, même souffrante, orgiastique...Et là, il est profondément original. Car dans l'Allemagne de son temps, depuis le début du 19 ème siècle, la vision qui s'imposait de la Grèce était une vision sereine, purement Apollinienne... Les statues antiques de Goethe. Winckelmann. L'esthétique néo-classique...C'était cette Grèce-là, dont on exaltait la sérénité. Nietzsche renverse la perspective et présente les grecs comme des gens qui ont avant tout "maitrisé leurs explosifs internes", comme il le dira à la fin de sa vie. Ce qui est très neuf philosophiquement, c'est de dire que la Grèce s"arrête à l'apparence pour de bonnes raisons. Il dit : "Les grecs sont superficiels par profondeur"... Autrement dit, ça n'est pas qu'il y ait une surface cachant un fond et une dialectique entre les deux... Non. Pour d'esthétique raisons, il n'y a "QUE" de la surface.
- LES RISQUES DU METIER :
"La naissance de la tragédie" est un scandale. Nietzsche est donc en poste de philologue en chef à Bâle. Très attendu. Et il sort un livre qui n'est ni chair, ni poisson. Ni philologie, ni philosophie. Haï par les philologues en tant que philosophe. Haï par les philosophes en tant que philologue. Il est finalement Hors sciences. Hors pensée définie. Ce qui au fond le poursuivra toute sa vie et jusqu'à nos jours ou beaucoup de philosophes ne le considèrent encore que comme écrivain. Donc au lieu des douze auditeurs qu'un professeur digne de ce nom doit avoir... Ce qui est le bon chiffre. Car il faut avoir le nombre de disciples qu'a Jésus lors de la cène. Ca c'est l'Allemagne !...Un séminaire allemand c'est ça. Ce qui nous échappe totalement, car au même moment, Victor Cousin fait salle comble à la Sorbonne. En Allemagne Hegel a ses douze apôtres. En avoir plus... Soixante, cent, c'est mal vu. Presque inélégant. Mais tomber à deux auditeurs, dans le cas de Nietzsche...En plus deux non-hellénistes !... Juste curieux de voir le personnage...Là c'est très dur pour le tout jeune professeur.
- WAGNER :
En juillet 1876, alors que vient de paraitre sa quatrième " considérations inactuelles" consacrée justement à Wagner. Nietzsche assiste aux ultimes répétitions de la tétralogie à Bayreuth. La tétralogie et ces 16 heures de spectacle en 4 parties, retraçant la fameuse saga nordique. Siegfried - L'or du rhin - Le crépuscule des dieux - La Walkyrie. Nietzsche voyait dans l'entreprise un rassemblement sacré autour des grands mythes. Une sorte de renouveau de la tragédie grecque. Au lieu de cela, il se retrouve confronté à la réalité des décors et des costumes. Des collants couleur chair...Des voiles évanescents...Des armures de cartons apportent un contrepoint trivial à la musique inouïe, révolutionnaire de Richard Wagner. Surtout, Nietzsche découvre un festival chic et solennel, réunissant le Kaiser, les princes européens et les wagnériens mondains. En fait l'un des premiers noyau de l'antisémitisme Allemand. Il s'enfuit, malade, avant la première et se réfugie à la campagne. A partir de ce moment, les rapports avec les Wagner vont peu à peu s'espacer, jusqu'à cesser complètement cette année-là.
- MIEUX QUE FREUD :
*- Philologie signifie, comme l'étymologie grec le montre...L'amour "philein" du "logos"...C'est à dire du discours. Du langage. De la raison. La philologie, c'est donc, l'art ou la science, ou la technique de prendre en compte et d'aimer d'abord les mots et les discours. Depuis la matérialité, c'est à dire "quels sont les mots écrits"..."comment est-ce que ça fonctionne"...Jusqu'à l'évaluation de ces mots. Le jugement porté dessus. Leur interprètation. Ce qu'ils représentent. Ce que l'on veut y voir...
A suivre...