Gainsbourg : vide héroïque ?

par sycander
vendredi 26 février 2010

C’est la deuxième version de mon expérience de Gainsbourg. La première a tout simplement été effacée de mon ordinateur. Comme je suis une feignasse, je vais y aller, genre, rapidement. J’ai juste un peu l’impression de me répéter. Faut dire que l’article était presque fini.

Si je me souviens bien, je commençais par me demander par où commencer, justement. Comme j’avais finalement trouvé, aidé d’un petit verre de rhum paille, je ne passerai pas de nouveau par la case : je commence par Gainsbourg, par Sfar, par le titre, etc…

Gainsbourg. Bon, faire un film sur un type mort il y a pas vingt ans, c’est un peu rapide. Dans trois ans, Manu Larcenet nous fera peut être le biopic de Carlos (vie gastronomique), avec un budget de 25 millions d’euros (principalement pour les chemises).

J’évoquais brièvement le moment où j’ai entendu parler d’un film sur Gainsbourg. J’évoquais les biopics, mode cinématographique du moment. Je crois avoir dit qu’il s’agissait d’une mode, ouais. Que, finalement, ça ou autre chose…

A la lecture de nombreuses critiques, pros ou non, j’ai pu découvrir que beaucoup crachaient dès le début : « Chouette, un autre biopic… ». Ben oui. Mais ça peut être bien, un biopic. Ouais. Quand c’est pas une version filmée de Wikipédia.

Gainsbourg (vie héroïque), c’est ça : un cocktail entre Wikipédia et un Best Of de Gainsbourg. L’olive, qu’on rajoute comme un petit Grégory, c’est la Sfar’s Touch. Vous savez, cette main tremblante, complètement traumatisée par le judaïsme et son histoire, qui croit qu’il suffit de faire des grands yeux pour être poétique, d’avoir l’air mignon et de regarder les étoiles.

Sfar, quoi.

D’emblée, le film m’a paru prétentieux.

Pas que faire un film sur un tel bonhomme soit prétentieux en soi.

Mais bon, pour un premier film, ben… ben voila, quoi. Avec un tel budget. Enfin. C’est pas sérieux. Merdre. Faut pas déconner non plus ! Qui plus est, on pourrait se demander où ils sont passés, les 20 millions d’euros. J’ai pour ça deux hypothèses : soit le prix de la pellicule a grimpé en flèche, soit tout est allé dans l’enterrement de Lucy Gordon.

J’avais pensé à la perruque de Casta, mais elle est tellement ratée que ça doit pas être ça (comment ça, c’est juste une couleur ?).

La seconde chose qui m’a frappé, niveau prétention, c’est le titre. Direct. Gainsbourg. Jusqu’ici, tout va bien. Vie Héroïque. Ah ? non. (Vie Héroïque), avec des putains de parenthèses. Des putains de parenthèses ! Pourquoi ? Mais pourquoi ??? Je le prends un peu comme une insulte. C’est le genre de titre qu’on pourrait rajouter à tout et n’importe quoi. Ça sert à rien, ça prend de haut. Avatar (vie héroïque). Joséphine, ange gardien (vie héroïque). Star Wars (vie héroïque). Surf nazis must die (vie héroïque). Vous voyez, ça passe partout.

J’ai cru pendant un instant que ça faisait référence à 69 année érotique. Mais non, après vérif, y’a pas de parenthèses.

Du coup, j’ai pensé que Sfar allait nous faire un coup de maître. Un power stance à la Mark Gormley. Un coup de boule rotatif, en sortant, au moment où personne ne s’y attend… un coup de chef, un truc merveilleux, qui expliquerait où sont passées les thunes ! Un film de derrière les fagots, qui sortirait sans aucune pub, comme ça : Gainsbarre (vie d’alcoolique).

Ou alors, c’est une image ? Ouais ! ça doit être ça. Gainsbourg met sa vie héroïque entre parenthèses ! ouais ! C’est mon interviewiste qui a émis cette hypothèse fadasse, digne d’un élève du premier rang au cours de français.

Non. En vérité, ce titre raté annonce la couleur. Sfar adore Gainsbourg, au point de nous signifier d’emblée qu’il n’évoquera pas la vieille serpillère au pouvoir hallucinant de sentir le tabac froid et l’alcool rance au travers de la télé. Ni même le père un peu effrayant qui voulait coucher avec sa fille. Ce film, c’est un film exalté. Plein d’une passion aveugle. Mais bon, au moins, nous sommes prévenus.

A propos du titre, sachez que je viens de m’apercevoir d’une faute de frappe, dans mon propre titre. On pourrait appeler ça un lapsus littéraire. J’espère qu’il gardera sa force. Je l’ai corrigé, mais je l’ai finalement remis.

Je me rendais donc au cinéma avec dans la tête quelques appréhensions.

Elles furent comblées ! Et cela dès le début. Juste avant le générique (original au demeurant). Là. Cette petite phrase qui m’a fait rire, quand elle est apparue à l’écran. Sfar’s Touch ! Attention… « Un conte de Johan Sfar« . Voilà. Ni plus, ni moins. Voilà. Un conte. Pour nous mettre dans le bain, ça. Pour sûr. Si cela avait bien été un conte, ok, quand bien même je trouve ça un brin prétentieux. Mais non. Non, tout court, en fait. Un film ne peut pas être un conte. Par définition, simplement.

Plus judicieux aurait été « Un essai de Johan Sfar« . « Un test de johan Sfar« . « Une tentative de narration exaltée de Johan Sfar« .

Mais bon. C’est du Sfar. Le mec qui va nous apprendre la poésie. Le mec qui va nous apprendre la poésie et qui, à la fin, a besoin de se justifier en expliquant, dans un semblant de grande phrase (spécialement étudiée pour sa futur biographie), qu’il s’est appuyé uniquement sur les « mensonges » de Gainsbourg, et non sur ses vérités.

Reconnaissons le, c’est une jolie périphrase pour expliquer qu’il a uniquement pris Wikipédia comme source documentaire.

« Euh, eh bien, je vous propose de passer au film en lui même, maintenant, docteur »

D’accord, d’accord… Nous ne nous attarderons pas sur le jeu de Eric Elmosnino. Trés talentueux, il n’y a rien à dire. D’une ressemblance stupéfiante, d’ailleurs (enfin, ce qui n’a rien d’exceptionnel. J’ai moi même un pote qui ressemble à Gainsbourg aussi.). On ne va pas s’attarder non plus sur Casta, qui joue bien la godiche de Bardot (son apparition reste une scène intéressante du film.). Au départ, Sfar voulait Samantha, de Samantha oups, mais le physique ne collait pas. Il ont juste garder la perruque. Le reste des acteurs ben… non, on ne va pas s’attarder non plus. Rien d’exceptionnel. Comme ils ne sont que des coups de vent, de toute façon…

Non, on va s’attarder sur le zgueg de Elmosnino.

Quoi ?

Ouais, son pénis, quoi.

En allant voir ce film, j’ai pensé voir un peu d’érotisme. Normal. Gainsbourg. Ben non, y’en a pas. A peine Casta nous fait une danse à deux balles derrière un drap blanc… Avec une lumière tellement mauvaise qu’on ne voit aucune forme ou silhouette qui se trémousse derrière… C’est ça, hein, de débuter au cinoch. On fait des bêtises au niveau de l’éclairage. En même temps, j’en n’attendais pas moins d’un type qui utilise son aquarelle comme de la gouache.

J’en vois baver, parmi vous. « Tu allais nous parler de sexe, docteur ? »

Ouais. Y’a juste la teub à Elmosnino, un moment. Un oeil attentif verra un problème. Un détail, hein. Mais, si je puis me permettre, c’est un peu nouille.

Elmosnino n’est pas circoncis.

« WAS ? »

Ouais. Dur quand on joue un juif, hein ?

« Et… c’est tout ? »

Ouais. L’important, c’est pas la taille d’une information. Mais sa qualité informative.

Sans transition, on va parler de hachure, de coup de ciseaux, et d’une façon de monter.

Le montage, c’est essentiel. Pour G (VH), Sfar a du se dire que le montage ne servait à rien, car il réalisait un biopic. Tout allait être naturellement par ordre chronologique. Facile, quoi.

Ouais, sauf que là, on s’approche de la catastrophe. Le film est ponctué de scènes dites « qu’est ce que ça fout là ? ». Des images inutiles. Placées ici ou là, parfois sans aucun soucis de chronologie, d’autres fois sans rapport aucun avec ce qui précédait, ou ce qui suit. Sans rien apporter au niveau de l’histoire, ou sur la dimension des personnages.

(Note : Hypothèse concernant le budget disparu : Avec les cut scenes, on a un film d’une durée de dix huit heures)
 
Ne connaissant pas la vie de Gainsbourg par cœur, j’étais souvent perdu dans les dates. Complètement paumé, je me rattrapais tant bien que mal à telle personnalité rencontrée pour deviner l’époque où on se trouvait. Et les personnalités défilent à la cadence d’une kalash, le tout haché menu, sans transition, sans doute par un charcutier du marais. Dix minutes, un quart d’heure par personne. Cela que ce soit une personne que Gainsbourg a connue cinq minutes, une nuit, ou quinze ans. Un vrai steak haché, avec seulement 35% de viande. Chaque personne rencontrée, c’est un ou deux tubes de Gainsbourg. On a ainsi une genèse timide et fadasse de ses chansons les plus connues.Cette façon de tout découper. Ça me rappelle pourquoi je n’ai jamais pu délirer sur une BD de Sfar.

C’est dommage, le film commençait bien. Mais ce rythme, cette cadence machinale, mécanique, c’est usant. Personnellement, J’ai décroché à Bardot. D’une part en réalisant que je ne verrai pas Casta à poil, tant elle fait un effort surhumain pour cacher un bout de sein. D’autre part quand j’ai compris que jusqu’à la fin, ce sera ça. Des petits bout d’oignons éparpillés, inexpliqués, comme ça. Un film qui n’a de cesse d’avorter son histoire.

C’est dommage, j’aimais bien l’allégorie de sa sale gueule. L’idée était séduisante, même si elle faisait de Gainsbourg un schizophrène. Mais l’idée, comme tout le reste, est carrément sous exploitée.

C’est ça, G (VH). C’est un premier film. C’est plein de défauts, ça transpire le manque d’expérience. C’est le premier film d’un gars qui n’a jamais mis les pieds dans une école de ciné. C’est prétentieux, haché, plein d’idées avortées, fade. Mais ça se regarde. Ça se regarde car Elmosnino (abstraction faite de son prépuce,évidemment. Mais on ne le voit qu’à la fin, alors…) joue bien. Ça se regarde car quand même, c’est Gainsbourg. Mais c’est tout.

Ah ! Une ultime hypothèse : Le fric a t-il servi à outrepasser la loi Evin ? Ou alors a faire des expériences pour faire parler le chat de Gréco ? Ou alors en clopes ? ou alors…


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