Hardi les gars, vire au guindeau !
par Fergus
vendredi 24 juillet 2009
Comme tous les deux ans au cœur de l’été, le port de Paimpol (Côtes d’Armor) sera en fête les 6, 7 et 8 août lors du Festival du Chant de Marin. Un festival qui promet d’être une fois encore un formidable moment de musique et d’échanges. Tout cela dans une atmosphère parfaitement détendue, très éloignée de l’ambiance électrique, et parfois pesante, que l’on ressent dans d’autres manifestations festives, parfois plus caractérisées par la circulation de produits illicites que par la prestation des artistes. Paimpol, ce sont des dizaines de voiliers gréés à l’ancienne dans le port et surtout des groupes, professionnels et amateurs, français et étrangers, tous passionnés de tradition maritime, qui déversent de la musique à gogo sur les quais ! Embarquement immédiat...
L’aventure du Gouel Kan ar Vartoloded (le nom du festival en breton) a débuté il y a 20 ans sous l’impulsion des commerçants paimpolais, baignés dans l’atmosphère chargée d’histoire d’un port emblématique de la grande pêche sur les bancs islandais. Organisé pour la première fois en 1989 et reconduit en 1991, le festival a connu une éclipse de plusieurs années avant de renaître en 1997 sous la houlette d’une dynamique association (l’AFCM) présidée par un passionné de culture maritime, Pierre Morvan. Le festival a, depuis, trouvé son rythme de croisière et saura sans aucun doute répondre une nouvelle fois en 2009 à l’attente de son public.
Il faut dire que le cadre, le port de Paimpol, est superbe et bien adapté à cet évènement en dépit de sa taille réduite. Quatre scènes classiques (dont une sous chapiteau) sont réparties sur les quais, la palme du charme revenant toutefois à une cinquième scène amarrée au quai Duguay-Trouin : la superbe gabare Fée de l’Aulne, entièrement gréée à l’ancienne et désormais l’un des piliers des fêtes paimpolaises. Toutes ces scènes offriront durant les trois journées du festival des spectacles musicaux dont le coup d’envoi sera donné chaque jour en début d’après-midi pour une douzaine d’heures de musique non-stop.
Du passe-pied à la turlutte !
Une programmation pas seulement consacrée à des chants de marin nostalgiques, à d’envoûtants passe-pieds ou à de séduisantes mazurkas. Les gens de mer sont en effet curieux des autres et ouverts au monde. En coureurs d’océans qu’ils ont été ou ont rêvé d’être, ils aiment aller à la rencontre des peuples pour découvrir leur culture musicale et la faire partager. En 2007 l’Afrique était à l’honneur avec, entre autres, Johnny Clegg, Ismaël Lo, Rokia Traoré et Touré Kunda. Cette année, la tête d’affiche sera plus éclectique avec notamment Marianne Faithfull, Yuri Buenaventura, les légendaires Cubains du Buena Vista Social Club, ainsi que des groupes québecois, incontestables rois de la turlutte !
Cela dit, chants à hisser, chants à virer, chants à déhaler, chants à ramer, tous ces chants écrits (souvent par des matelots anonymes) pour rythmer le travail de la marine à voile tiendront, cela va sans dire, une place de choix sur l’ensemble des scènes. Chants de travail, mais également chants des mariniers (Gueule de serpent), chants des morutiers de Terre-Neuve et d’Islande (Ceux qui ont nommé les bancs), chants des baleiniers (Pique la baleine), chants des grands clippers (Jean-François de Nantes) et des transatlantiques (The Handsome Cabin Boy). Sans oublier ceux de la Royale, rarement écrits pour louanger la Marine nationale mais plus souvent pour la brocarder ou dénoncer la duplicité des recruteurs ou la cruauté des officiers de bord (La ferraille).
Au rendez-vous paimpolais : de la joie (les retrouvailles du marin et de sa famille) et de l’humour (les mésaventures des matelots en bordée), mais aussi de l’angoisse, de la peine et des drames, puisés dans la dure réalité de la pêche hauturière. Souvent écrits de manière naïve, ces derniers chants, particulièrement émouvants, racontent la dure condition des pêcheurs en mer ou celle de leurs épouses restées à terre, le cœur serré chaque matin par la crainte du naufrage qui les rendrait veuves et leurs gosses orphelins. À cet égard, j’invite les « festivaliers » de Paimpol à se rendre à 4 km de là, dans le petit cimetière de Ploubazlanec pour y découvrir l’émouvant « mur des disparus en mer ». Une série de stèles en pierre apposées sur l’un des murs de l’enclos y égrène en un muet hommage la longue liste des goélettes naufragées et des 2000 marins de la région paimpolaise ayant péri dans les eaux glacées des bancs morutiers d’Islande ou de Terre-Neuve.
« Le muscadet qui brille nous fait aimer les filles ! »
Si les chants de marine français occupent une place importante dans la programmation, les scènes sont également ouvertes aux chants de marine étrangers, et notamment à ces superbes shanties britanniques que l’on retrouve toujours avec plaisir, qu’ils soient accompagnés par des instruments ou interprétés a cappella dans une tradition largement répandue sur les côtes d’Europe occidentale. Sans oublier l’apport, souvent de très grande qualité, des groupes venus spécialement de Hollande, d’Allemagne, de Pologne, du Québec, où le patrimoine maritime est là aussi très riche pour notre plus grand plaisir.
Musique sur les scènes, mais aussi musique à gogo sur les quais où de nombreux groupes, français ou étrangers, se produisent, soit en déambulation soit en effectuant des haltes ici ou là, au gré de leur inspiration, pour entonner une complainte, jouer une polka endiablée ou, pour la joie des visiteurs étrangers très friands de couleur locale, interpréter un hanter-dro au biniou et à la bombarde. Tout cela sur fond de vieux gréements. Durant le festival, ce ne sont pas moins de 300 voiliers, dont une forte proportion de britanniques, qui se pressent dans les bassins paimpolais pour le plus grand plaisir des photographes.
Enfin, pas de problème à Paimpol pour casser la croûte : le hareng mariné et le thon grillé sont présents sur les quais, sans compter les restaurants, crêperies et bistrots qui, contrairement à ce qui se passe dans de nombreuses autres villes de festival, mettent un point d’honneur à maintenir les prix à leurs niveaux habituels. Ce qui fait de ce festival l’un des meilleurs rapports qualité-prix de l’offre française, surtout lorsque l’on sait que le forfait 3 jours ne coûte que… 30 euros (36 acheté sur place) et seulement 8 euros pour les enfants âgés de 6 à 14 ans !
Cette année encore, pas question pour moi de rater l’évènement. Pour l’ambiance décontractée du festival, pour la musique et les chants, pour le balancement des coques en bois dans les eaux du port, pour les moules-frites et le muscadet, pour les Souillés de fond de cale (Le groupe paimpolais), pour les Goristes (de Brest même !) et pour… tous les autres. Quant à mon épouse, pour rien au monde elle ne manquerait ce rendez-vous. Et cela tombe bien car si, autrefois, on n’embarquait pas de poulie coupée (de femmes !) sur les bateaux, elles sont aujourd’hui les bienvenues dans le monde maritime.
Goodbye, farewell…
Reportage FR3 vidéo sur la pêche d’Islande.
Pour en savoir plus sur Paimpol 2009 : site officiel du festival.
Pour en savoir plus sur les chants de marin.