Heidegger, le nazisme et la philosophie : nuances

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samedi 17 mars 2018

Retour sur l'article Emmanuel Faye, Heidegger, l’introduction du nazisme en philosophie. Où l'on apprend que le moralisme contemporain a beau jeu de condamner le passé.

 

Combien de personnes ont lu Heidegger dans le texte majeur de Sein und Zeit, Être et Temps  ? Peu. Sa réputation est celle d'un ouvrage difficile d'accès, pour ne pas dire imbuvable communément. Mais résumons :

 

Le heideggerisme ontologique d'Être et Temps, en très-très peu de mots

On y apprend par exemple, que chacun·e est un Dasein, être-là, existentialement conditionné par :

Tout cela, plus ou moins authentiquement devant la mort (être-en-propre authentique, être-en-impropre inauthentique de l'On - être-dans-la-moyenne), et autres choses voisines. Et pour ainsi dire, l'être-là correspond à ce souci d'être.

 

Des accès nazifiants ?

A un moment donné, il y a bien, au sujet de l'historialité, un développement sur une communauté de destins pour le peuple, éventuellement propice à soutenir le nazisme sans pourtant ressortir du nazisme : qui nierait que les clans celtes eurent une forme de communauté de destins devant la Rome antique, elle-même imposant un genre de communauté de destins à ses ressortissants ? et, ce, quand même cette communauté de destins n'aurait rien de mystique - ce qu'Être et Temps ne défend pas (le mysticisme) - mais dépendrait précisément d'une disposibilité et d'une significativité sociopolitiques, sur lesquelles s'alignent les personnes.

Aujourd'hui de même, quant à un certain mondialisme affairiste lucratif, par exemple : c'est notre communauté de destins planétaire a priori. Du moins est-ce une lecture des choses possible.

 

Donc nuançons

C'est-à-dire qu'il faut bien reprocher à Heidegger ses convictions politiques, et qu'on voit bien des relations possibles entre ses convictions politiques et sa philosophie, c'est incontestable. Néanmoins, les concepts heideggeriens peuvent être retournés contre Heidegger lui-même : si son être-là à lui, Heidegger, était pris dans une significativité nazifiante, pas étonnant qu'il nazifia. Et pourtant, le concept de significativité existentiale n'est pas nazi. Il faut arrêter une seconde avec les spontanéités antiphilosophiques.

De plus, si l'on n'a pas tort de trouver qu'Heidegger nous déshumanise relativement ainsi (après tout, les items significativité, disposibilité, mutualité, etc. peuvent assez bien servir à paramétrer un androïde robotique - vraiment très utiles ces items, ès ingénieries, reconnaissons-le) il n'en reste pas moins que cette paramétrique existentiale reste vécue, quand on raisonne un peu sur sa réalité-humaine (disait Sartre, en lieu et place de être-là).

 

Cultivons l'art de la nuance, pour ne pas sombrer dans le moralisme

Comme toujours : dégager le bon grain de l'ivraie est nécessaire, rien n'est tout noir ni tout rose. La vie n'est pas (une) morale d'elle-même.

Car c'est bien cela, que fait E. Faye devant Heidegger : il moralise et condamne tout uniment. C'est sans valeur, d'autant plus que nos mœurs sont antinazies sans grand risque. Au contraire, on se paye presque de vanité ainsi, à rechercher les points Godwin.

Le moralisme académique existe aussi, à travers "la connaissance" (exemple d'E. Faye à l'appui).

Mal' - LibertéPhilo

 


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