« Hiroshima mon Amour » Fanny Ardant en mission suprême aux Bouffes Parisiens
par Theothea.com
vendredi 28 juin 2019
Avec grandeur d'âme, Fanny Ardant s'inscrit en ambassadrice de Marguerite Duras et d’Alain Resnais pour quinze représentations exceptionnelles au théâtre des Bouffes Parisiens :
Telle une tornade, sa passion inconditionnelle à l’égard de la dramaturge-scénariste emporte sa propre tentation du repli, selon une solitude désirée et constructive, jusqu’aux confins du profit à s’exposer pour clamer le péril salutaire à exister et se consumer dans et par l’Amour.
Le véritable danger quasiment inéluctable et spécifiquement inhérent à la vie humaine, ce serait l’oubli !
Cependant, à l’instar de la psychologie où le symptôme demeure la preuve tangible du traumatisme persistant dans l’inconscient, du côté de la mémoire consciente se dresse la déperdition, cette pierre d’achoppement à tout ce qui relève de l’énergie existentielle.
Souvenance sélective et oubli déstructurant étant donc ces deux faces d’une même propension à neutraliser, à tempérer et rendre politiquement correct ce qui devrait rester une déflagration indicible et toujours agissante.
C’est pourquoi il est urgent d’en relever le défi par la Littérature et le verbe en général qui, appelés à la rescousse, seraient en mesure de revivifier la condition humaine.
Aussi, en confrontant la catastrophe nucléaire d’Hiroshima d’avec l’amour fondateur de Nevers face à la résilience amoureuse nippone, les affects s’entrechoquent violemment et intensément au sein d’une même appréhension, celle de la menace d’une amnésie en progression fatale et inexorable.
Fanny Ardant trouve dans les textes Durassiens une fondamentale raison de vivre sans réserve et surtout l’expression artistique dont elle se sent porteuse au point de vouloir, sur les planches, y revenir sans cesse en apportant au spectateur matière à réflexion impérieuse.
La comédienne s’empare des mots de l’écrivaine pour les faire siens en temps réel dans l’instant éphémère du spectacle vivant.
Sur le plateau de ce théâtre longtemps dirigé par Jean-Claude Brialy selon une aura patrimoniale rayonnante, la grande dame brune de noir vêtue sur fond sombre et obscur s’avance vers l’avant-scène telle une « Toréro » en charge de débusquer les forces vives, celles qui mettent la vie en jeu, celles qui permettent d’atteindre à la sincérité avec soi-même.
Avec ce phrasé et cette scansion de la phrase qui n’appartiennent qu’à elle, l’artiste se libère du poids des maux oppressant pour dresser au pinacle l’ode à l’Amour qu’aucun déshonneur, aucune honte, aucune diffamation ne sauraient stigmatiser au point de rendre celui-là absolu, définitif et à jamais éternel.
Lui répondant comme en écho bienveillant, la voix off, chaude et voluptueuse de Gérard Depardieu, se glisse dans celle de l’amant et confident japonais en charge conjointe de la résurgence actualisée de l’explosion atomique ainsi que de la réminiscence du coup de foudre de Nevers.
Moins d’une heure plus tard, parvenue au terme de ce parcours à chaque fois initiatique, les saluts et le temps des ovations debout autoriseront celui du sourire, de l’exaltation et même du glamour assumé, en retour partagé avec tous d’un texte qui aura fait vibrer le socle des convenances inopportunes.
Loin d’avoir fait pléonasme avec le film d’Alain Resnais, Fanny Ardant sous la direction et l’adaptation de Bertrand Marcos aura contribué à restituer la pertinence et l’authenticité créatrice de cette commande littéraire alors adressée à Marguerite Duras et que le cinéma aura ensuite permis de consacrer en chef d’œuvre universel.
photo 1 © Carole Bellaiche
photos 2 & 3 © Theothea.com
HIROSHIMA MON AMOUR - **** Theothea.com - de Marguerite Duras - adaptation & mise en scène Bertrand Marcos - avec Fanny Ardant - Théâtre des Bouffes Parisiens