Hommage à un pince-avec-rire

par L’enfoiré
jeudi 26 juillet 2007

Il y a quelque temps, au cours d’une séance de jogging, je suis tombé nez à nez avec une affiche qui annonçait une exposition consacrée à Bourvil à la maison communale. J’y suis allé. Une multitude d’affiches de cinéma. Ce 27 juillet, Bourvil aurait eu 90 ans. Flashback.

Une exposition, trente ans après sa disparition mais qui ne correspond pas fidèlement à une date anniversaire précise. Bizarre.

Cette fois, ce 27 juillet, nous y sommes en synchro. Alors allons-y de l’hommage aux âges de l’homme.

Vite le « copain » Google pour aller chercher les infos sur ce personnage dont j’ai tellement de souvenirs en background.

Show man complet, Bourvil a fait rire des générations de spectateurs de théâtre, de cinéma et d’amateurs de chansons.

Au cinéma, le film que j’ai vu le plus souvent est « La Grande Vadrouille » et, à chaque fois, c’est la même rigolade. Je connais les répliques par cœur.

Bourvil, du nom du village natal de sa mère, Bourville.

André Raimbourg, de son vrai nom, est né le 27 juillet 1917. Il ne connaîtra jamais son père, mort à la guerre, et vivra dans une famille modeste et conformiste. Brillant écolier, il joue cependant très souvent le pitre, et son modèle est Fernandel. Puis, de petits métiers lui permettent de subsister mais ne l’enchantent pas. En parallèle, sa carrière se dessine progressivement. Il écrit des textes mis en musique par Étienne Lorin, mais il n’échappe pas à la galère jusqu’en 1943 lorsque ses dons naturels de comique se découvrent enfin. En 1946, ses premiers enregistrements en 78 tours tournent sur les pick-up. Les chansons « « Les Crayons »« et »À bicyclette« sont vraiment ses premiers succès. Dans le même temps, pour l’interprète, premier film au cinéma en 1945, »La Ferme du pendu" de Jean Dréville. Et c’est le triomphe chez Bruno Coquatrix avec l’orchestre de Ray Ventura.

Il sait tout faire. Les rôles de pitre ne sont qu’une façade. « Pas si bête », un autre film, peut résumer cette façon de voir. Il est sentimental en 1954 dans « Poisson d’avril », déjà avec de Funès et sa complice Annie Cordy (repassé sur AB4). Le dramatique, le lyrique, le jeu spirituel, tout est bon dans l’inconscience de la jeunesse... déjà bien mature. Il est sympa, dirait-on de lui aujourd’hui devant sa manière de jouer l’autodérision avec une grande intelligence. Il bafouille dans sa causerie antialcoolique mémorable « L’alcool non, mais l’eau ferrugineuse, oui ! ». On en rit encore. Défendre les plus faibles est aussi une idée qui le passionne. Son honnêteté et sa franchise font des merveilles dans tous les rôles et petits métiers (pompier, peintre...) qui commencent à défiler sur sa « liste de bal ».

L’injustice, le cynisme et l’hypocrisie sont ses tartes à la crème qu’il projette sur tous ses adeptes dans « Les Arnaud ».

L’opérette va lui donner d’autres occasions d’exprimer son « moi » dans une sorte de « Clair de lune à Maubeuge » ou de « Ballade irlandaise » dans la nostalgie du « Non, je ne me souviens plus du nom du bal perdu » en avouant avec conviction :« Oui, mais vivre sans tendresse, non, ça je ne le pourrais pas. »

Il interprète au cinéma les classiques des classiques de la drôlerie où il excelle en tant que « Corniaud » parti en vacances avec sa 2 CV (qui ne fera plus remarquer sur les routes après sa rencontre inopinée avec de Funès en truand.

Il fait « La Traversée de Paris » en passant par le « Mur de l’Atlantique ».

« Le Bossu », avec Jean Marais, avant de retrouver une nouvelle fois son comparse de choix, de Funès, dans « La Grande Vadrouille ».

Trop humain pour être sans tache, il joue des rôles très sérieux, de méchant même, avec Thénardier dans « Les Misérables », le pilleur de troncs dans « Un drôle de paroissien » ou le vétérinaire obsédé dans « L’Étalon ». La parodie de « Je t’aime moi non plus » avec « ça » en duo avec Jacqueline Maillan ajoute une autre touche en 1970.

Il n’a jamais accepté de faire des concessions avec ses contemporains et l’humour lui servait de guide envers les moins bien lotis qu’i abordait avec générosité et solidarité.

Le fou rire qu’il génère par contagion chez les spectateurs de sa pièce de théâtre « La Bonne Planque » restera un morceau d’anthologie. La chanson va lui ouvrir les portes de « La Tendresse », de la « Tactique du Gendarme », de la « Ballade Irlandaise », sous un « Clair de Lune à Maubeuge » en bavant sur une « Salade de fruits ».

En 1968, il apprend qu’il est atteint de la maladie de Kahler, qui va le ronger par une lente destruction de la moelle osseuse, il tourne encore quatre films avant de tirer sa révérence.

Pour son dernier, « Le Cercle rouge », où il joue un inspecteur de police, il parviendra à dissimuler ses souffrances qui ne s’achèveront que le 22 septembre 1970.

Alors, imaginons ce qu’il a pu penser à l’annonce de cette nouvelle tragique pour lui, faite par un médecin avisé et quelque peu ésotérique.

Internet n’était pas là pour se documenter... Est-ce une maladie courante, honteuse, avec une issue fatale après une courte ou une longue période de vie ?

Que de questions auraient germé dans la tête de ce « Pince » ou « Prince » qui a tellement l’habitude d’utiliser ses zygomatiques pour l’imposer à ses clients, les spectateurs ? Comme c’est très souvent le cas, pas de vulgarisateur qui va se mettre au niveau de la « victime » non consentante.

Sommes-nous d’ailleurs réellement plus avancés aujourd’hui devant cette épée de Damoclès ?

« On ne sait pas ce qu’on y cherche, mais on trouve ce qu’on ne cherche pas », déclarait Anne Roumanoff avec beaucoup d’humour mais tant de clairvoyance.

Curieux, je me suis mis néanmoins à fouiller sur Internet, pour trouver ce qui se cache derrière ce monsieur Otto Kahler, né à Prague en 1849, et derrière la terrible maladie qui porte son nom.

Le néophyte se retrouve devant une cascade de mots en couches pour expliquer cette maladie :

Plus clair ? Allons voir du côté de « myélome » :

Pas vraiment plus au courant et pas satisfait pour autant, je continue la recherche et remonte vers la source en plein jeu de piste.

Après 40 ans et non pas 60, comme il est dit pour l’autre mot tout aussi sibyllin, le risque augmente plus pour l’homme, nous révèlent les statistiques.

Alors, on essaye de se raccrocher à des termes plus connus. Est-ce une sorte de leucémie ?

Les symptômes sont des plus troublants.

Parfois c’est une complication qui fait le diagnostic. Cette fois, passons à une « vitesse » un peu différente, méthode Bourvil :

Alors, voilà le traitement pour se sentir un peu moins mal ?

Vous avez tout compris ? Pas très rassuré, c’est sûr.

Tel que j’ai connu Bourvil, je crois qu’il aurait aimé que l’on présente ces symptômes et ces explications de cette manière bien déphasée.

Une conclusion simpliste : il en faut des connaissances pour se lancer dans les arcanes de la médecine !

La médecine jouerait-elle dans la scène de l’incommensurable légèreté des mots venus d’ailleurs ?

Difficile d’exprimer les choses de la vie avec les mots de la rue ? Comment mettre les choses à la bonne hauteur ? Est-ce réservé à une élite de l’élite ? Apprendre à son patient que ses jours sont comptés de manière plus ou moins précise. Mais, encore...

Expliquer vraiment par a+b avec des mots que le patient ressent reste un exercice d’équilibriste face aux spécificités. Les manières de recevoir "le" message seront plus ou moins difficilement acceptées en fonction de la culture.

Il n’en reste pas moins que le patient reste pieds et poings liés aux dires du médecin. Avant, le malade se trouvait cobaye de sa nature humaine. On a changé seulement d’interlocuteur interprète.

Hommage à Bourvil, oui. Comment a-t-il pu encore courir pour poursuivre l’évadé de sa surveillance dans son dernier film, Le Cercle rouge ? Une force de caractère. Comme si jouer une pièce ou un film donnait des forces surnaturelles...

Bourvil n’était pas un pince-sans-rire. Au contraire, il riait de lui-même, de ses propres histoires. Dans "La Bonne Planque", le coup de téléphone au commissariat reste inénarrable. Bourvil entraînait le public dans son rire si communicatif. Même un film en noir et blanc, (c’est le moment des vacances et des reprises), un film avec lui, aura son importance.

Par cet article, j’aurai simplement essayé de lui rendre hommage en vulgarisateur avec l’humour qu’il aimait et surtout avec les yeux d’en bas. Des yeux, bien à gauche de la poitrine. Tout simplement.

Bourvil, mort, oui, mais de rire. Peut-être dans un "Bal perdu".

L’Enfoiré,

Ce rire, j’en avais déjà parlé un 1er avril.


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