« Ivanov » avec Marina Hands & Micha Lescot à l’Odéon
par Theothea.com
lundi 2 mars 2015
- IVANOV
- photo © Thierry Depagne
Bien sûr, il y a cette mélancolie slave qui distille l’ennui général avec son cortège de petitesses, de médisances, de lâchetés sur fond d’alcoolémie chronique au sein d’une société en déficit de dépassement de soi ; bien entendu, l’argent s’y trouve au centre invisible de toutes les préoccupations à terme sans jamais laisser entrevoir d’autre fascination que son culte perpétuel et transmissible ; cependant, surnageant en surface de ce marasme collectif, Ivanov souffre d’un mal inconnu, intangible et quasiment mystérieux que notre perception contemporaine qualifierait de « dépression », autrement nommée par les anglo-saxons « burn-out ».
C’est alors que Micha Lescot s’empare de ce rôle élastique pour en tisser toutes les composantes déliquescentes au prorata d’un personnage incompris parce qu’incompréhensible et surtout ne se comprenant pas lui-même.
Et pourtant, dix ans auparavant la vie s’offrait à lui avec ce qu’elle a de plus exaltant en prévision d’un avenir plein de projets constructifs selon une santé des plus fougueuses.
Il initiait avec Sarah, son épouse d’origine juive, un couple débordant de bonheur en demandant, néanmoins, à celle-ci de se convertir au christianisme par amour pour lui, tout en devenant Anna Petrovna.
En conséquence directe, les parents de la jeune femme reniait leur fille et annulait sa dot.
Il faut dire que tout cela se passait en un temps où la psychanalyse n’avait pas encore proposé de grille de lecture pour mettre en valeur les tenants et aboutissants des pulsions destructrices de l’inconscient.
Alors effectivement, Sarah devenue Anna (Marina Hands) allait tomber malade et Ivanov commencerait à ressentir les prémices du spleen ainsi que du sentiment de culpabilité indifférencié.
Mais le sort allait s’acharner sur l’anti-héros, car une nouvelle venue, Sacha (Victoire Du Bois) lui déclarerait, alors, un amour enflammé à la perspective de le sauver de ses démons pernicieux.
Bref, le monde entier lui en voulant à jamais, Ivanov n’allait avoir d’autre choix que de laisser les forces antagonistes s’emparer de son existence jusqu’à ce qu’elles puissent enfin trouver raison de lui.
Luc Bondy ouvre grandes les fenêtres autorisant les implications négatives à se disséminer sur le vaste plateau de l’Odéon en teintes lugubres post- traumatiques ; c’est dans une sorte de requiem à la fois douloureux mais lubrique que la troupe d’une petite vingtaine de comédiens s’ingénie à une lente et inexorable descente aux enfers notamment nuptiaux, parsemée de fulgurances tout à la fois musicales, drôles et forcément signifiantes.
photos © Thierry Depagne
IVANOV - ***. Theothea.com - de Anton Tchekhov - mise en scène Luc Bondy - avec Marcel Bozonnet, Christiane Cohendy, Victoire Du Bois, Ariel Garcia Valdès, Laurent Grévill, Marina Hands, Yannik Landrein, Roch Leibovici, Micha Lescot, Chantal Neuwirth, Nicolas Peduzzi, Dimitri Radochévitch, Fred Ulysse, Marie Vialle, et, en alternance, les musiciens Philippe Borecek (accordéon) - Philippe Arestan (violon) et Sven Riondet (accordéon) - Alain Petit (violon), et les invités Nikolitsa Angelakopoulou, Quentin Laugier, Missia Piccoli, Antoine Quintard & Victoria Sitjà - Théâtre de l'Odéon