J’aime ces masures aux poutres noircies...

par rosemar
jeudi 8 juillet 2021

"L'auberge du Donjon n'avait pas grande apparence, mais j'aime ces masures aux poutres noircies par le temps et la fumée de l'âtre, ces auberges de l'époque des diligences, bâtisses branlantes qui ne seront bientôt plus qu'un souvenir", a écrit Gaston Leroux dans son roman, Le mystère de la chambre jaune...
 
Une "masure" ! Voilà un mot qui comporte des résonances particulières : il évoque, comme la "chaumine", une certaine pauvreté, la misère de ceux qui habitent ces lieux.
 
Avec ses sonorités contrastées de sifflante, de gutturale, ses voyelles variées, ce mot nous étonne et nous invite à la découverte...
 
Le nom "masure", habitation misérable, qui tombe en ruines, vient du verbe latin "manere", "rester, demeurer."
 
Curieusement, le terme "manoir" appartient à la même famille de mots... pourtant, ce mot désigne, lui, une demeure somptueuse.
 
Un "manoir" évoque la résidence ou la demeure d'un noble, un logis seigneurial, ce bâtiment est, parfois, désigné, aussi, par le terme "gentilhommière", l'habitation d'un "gentil", c'est-à-dire d'un noble de naissance.
 
On le voit : tout un monde sépare la "masure" du "manoir" !
 


La "masure" appartient aux plus pauvres, le"manoir" est réservé à des privilégiés.
 
Un même radical pour deux termes antinomiques : le seul élément qui rapproche ces deux substantifs est l'idée de demeure où l'on vit...
 
D'autres termes sont plus neutres : "la maison, le mas", mots formés encore sur le même radical.
 
On perçoit bien toute la richesse et la diversité des dérivations de la langue française : issus d'une même racine verbale, ces mots suggèrent différentes habitations de la plus humble, à la plus somptueuse.
 
C'est comme si la société, dans son ensemble, était représentée par tous ces termes : pauvres, riches, gens modestes ou plus huppés, gens de la ville, de la campagne...
 
En Provence, le "mas" est une ferme, une habitation modeste, associée à une vie rurale.
 
Un autre mot, encore, doit être rattaché à cette famille : le terme "manant" qui a, d'abord, le sens d'habitant, de résident... puis il désigne un roturier, un paysan qui réside dans un village, il prend enfin une connotation péjorative et s'applique à un personnage grossier, mal élevé.
 
Curieuse famille de mots liée à différentes catégories sociales ! 
 
On voit bien que le mot "manoir" s'oppose à la pauvre "masure" : ce terme avec son suffixe -oir revêt une dimension mystérieuse : on imagine un château, une demeure imposante, des dépendances, un domaine...
 
La masure, quant à elle, nous fait voir ses lézardes, un toit qui s'écroule, des murs en détresse...
 
J'aime ces mots qui forment des contrastes : "le manoir, le château, la masure, la chaumine, la chaumière, la bastide", que de termes différents ! On perçoit encore, à travers ces exemples, toute la richesse de la langue française !
 
La pauvre masure et le manoir somptueux se rejoignent par leur radical : étonnant rapprochement de deux mots antinomiques ! 

 

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