« Je suis Fassbinder » Stanislas Nordey se dédouble à La Colline

par Theothea.com
lundi 30 mai 2016

A la Colline en ce mois de mai, nous sommes tous, de fait, « Fassbinder » mais nous pourrions tout aussi bien être « Pasolini » ou « Godard » selon que l’auteur, en l’occurrence Falk Richter, pratiquant l’autofiction, se projeta en un échange existentiel avec l’une des figures tutélaires des seventies rejaillissant métaphoriquement sur la contemporanéité.

photo 1 © Jean-Louis Fernandez

Celui-ci est donc auteur mais également co-metteur en scène avec Stanislas Nordey qui, lui, de surcroît, est acteur de ce spectacle sans cesse en réécriture puisque porté en permanence par les évènements du monde environnant.

Davantage en lien dialectique mettant à profit la réflexion à apporter à la chose politique telle qu’elle se pratique concrètement plutôt que sur une simple chronique témoignant chronologiquement du réel, le texte tente d’interroger les enjeux de société à la manière de Werner Rainer Fassbinder qui, d’une créativité prolixe, pouvait alors faire feu de tout bois, pourvu qu’il y ait combustion signifiante !

Dans cette perspective, Falk Richter a choisi d’axer sa démarche théâtrale en la fondant sur l’interview filmé que Fassbinder fit de sa propre mère lorsque l’Allemagne était en état d’urgence face aux actes de terrorisme perpétrés par la bande Baader-Meinhof.

Ainsi, en menant une enquête similaire concernant ceux ayant secoué la France récemment, le parallélisme sera poursuivi au sujet des méthodes défensives et de l’arsenal juridique à adopter afin que l’ordre républicain puisse être sauvegardé autant à l’échelle de la Nation que du Citoyen.

Sur toile de fond contextuelle, la scénographie et l’interprétation s’associent en une mascarade transgressive voire subversive telle que les années soixante-dix avaient eu l’opportunité de susciter en inventant la révolution des mœurs intégrant la Pop-culture.

Il faut dire que les cinq comédiens s’en donnent à cœur joie sur le plateau de la Colline organisé tel un kaléidoscope de l’expression audio-visuelle se référant au différentiel de cette quarantaine d’années tout au long de laquelle le son et l’image seraient peu à peu devenus prévalents sur l’écrit.

Ainsi, Laurent Sauvage incarnant avec tempérament la mère de Fassbinder est le plus souvent en prise idéologique avec son rejeton de 30 ans investi par Stanislas Nordey toujours aussi superbement démonstratif et distancié : A eux deux c’est sûr, le verbe fait mouche à satiété !

Au sein de ce jeux de rôles interchangeables, Judith Henry et Eloïse Mignon se partagent malignement la voix du féminisme bafoué par les "hordes de barbares" aux portes de l’Europe ; du moins le duo mâle précédent leur accorde-t-il cette fonction éminemment morale, actualisée en boucle par une médiatisation exacerbée.

photo 2 © Jean-Louis Fernandez

En fou du roi (et pareillement compagnon) ou en trublion génial, Thomas Gonzalez assure à lui seul la performance de brouiller, à plaisir, les cartes de l’entendement et de sexualiser à outrance le débat au point de rendre notre époque actuelle presque aussi psychédélique que celle de mémoire post-soixante-huitarde.

Voilà donc un happening essentiel ne ressemblant à rien de déjà connu, à la fois en prise de risque scénique total et en même temps parfaitement structuré… à l’instar d’un ovni du spectacle vivant en pleine démonstration spéculative… fort réussie.

photos 1 & 2 © Jean-Louis Fernandez

photo 3 © Theothea.com

JE SUIS FASSBINDER - **** Theothea.com - de Falk Richter - mise en scène Stanislas Nordey & Falk Richter - avec Thomas Gonzalez, Judith Henry, Éloise Mignon, Stanislas Nordey & Laurent Sauvage - Théâtre de La Colline

 

photo 3 © Theothea.com

 


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