« Je vous salue Mamie » par Sophie Artur au théâtre La Bruyère
par Theothea.com
jeudi 15 mai 2008
Dans ce grenier aux souvenirs d’enfance culpabilisée, cette histoire de femmes se transmettant le flambeau d’une éducation catholique pratiquante se pique de dresser le portrait d’une grand-mère intraitable que la Folcoche d’Hervé Bazin n’aurait pu récuser.
Cependant que ces nouveaux Malheurs de Sophie n’auraient rien à envier des écrits de la célèbre comtesse, ils n’en constituent pas moins le matériau idéal pour une leçon de psychanalyse appliquée.
Rarement, en effet, le culte judéo-chrétien de la souffrance rédemptrice n’aura été exposé avec une telle évidence pédagogique que le texte pourrait servir de référence clinique à une démonstration de l’émergence de la névrose.
Sophie Artur y ôte le rideau du refoulé pour faire apparaître sur un plateau, en l’occurrence celui du théâtre La Bruyère, la cuisine en désordre panique du « moi » pris en tenailles entre les pulsions originelles du « ça » et les terreurs induises par le « surmoi » vengeur.
Cependant, ce dispositif structurel n’apparaît qu’en ombres chinoises du tableau patrimonial que se plaisent à peindre, devant le public, Sophie Artur & Marie Giral, les deux auteurs en proche cousinage familial avec cette grand-mère maternelle et le Petit Chaperon rouge sortis d’une autobiographie à la mode de Bretagne.
Sur les planches, point de pathos donc, mais seulement une jeune mamie qui se souvient du temps exorbitant où les enfants n’avaient pas le droit à la parole, mais se devaient de racheter l’humanité en prise avec le péché originel.
Ce fardeau, hors de portée, est ici livré brut de décoffrage par la réminiscence de cette grand-mère d’antan évoquant, jusqu’à la sublimation exemplaire, le martyr des premiers chrétiens ou l’agonie du Christ en croix... à l’heure du goûter des enfants.
Ainsi, de Saint Germain-en-Laye à Perros-Guirrec, le traditionalisme catholique y abattait ses cartes pour un jeu de bonne société sans joker où néanmoins une opportunité estivale au cœur de la dolce vita de Saint-Tropez aura suffi pour éveiller les doutes que Sophie transformera plus tard à décharge dans son analyse.
« Maintenant, je peux m’arranger avec moi et moi », conclut-elle au final en soulevant deux poupées de leur léthargie abyssale, mais pleine d’un charme mélancolique.
Dans la mise en voix des personnages par Justine Heynermann, l’humour se glisse constamment à fleur de peau puisque la distanciation du récit y est le gage d’un jeu de rôles définitivement résolu par Sophie Artur, sous l’assentiment tacite, mais forcément freudien, de son père José Artur.
Photo © Lot
JE VOUS SALUE MAMIE - ** Theothea.com - de Sophie Artur & Marie Giral - mise en scène : Justine Heynemann - avec Sophie Artur - Théâtre La Bruyère -