Jeff Beck, l’anti-star du blues-rock

par Yohan
jeudi 28 août 2008

Jeff Beck est-il un éternel espoir du blues-rock, à l’instar de certains sportifs de haut niveau qui restent à distance des podiums lors les grandes compétitions internationales ?
Musicien inclassable, aussi déroutant que génial, il donne le plus souvent l’impression de ne vouloir donner sa pleine mesure, celle d’un indiscutable talent.

Guitariste majeur à l’instar de Clapton, Hendrix, il n’a cependant jamais atteint la notoriété des deux.
Au vu de sa discographie, relativement étoffée, on ne peut reprocher à l’artiste un quelconque dilettantisme et c’est pourtant le sentiment qui prédomine, vu de Sirius, bien sûr. En réalité, cette impression tient plus à l’aspect éphémère des formations auxquelles il a collaboré et à sa carrière décousue qu’à autre chose.
L’orientation de cette dernière tient peut-être au côté bricoleur et inventif de l’intéressé, car mécanicien, il le fut aussi dans ses jeunes années, ce qui l’amena à sa première guitare, bricolée à l’âge de 13 ans.
Ingénieux – assurément – car le bon Jeff n’a jamais cessé d’explorer les possibilités de sa Strato. Au fond, ce gars est le prototype de l’anti-star qui se consacre d’abord à sa passion et se laisse volontiers porter par ses pulsions.
Né en 1944, c’est en 1963 que Jeff Beck voit sa carrière de guitariste hors pair véritablement démarrer.
En 1966, il fait une entrée remarquée en remplaçant le grand Clapton auprès de Jimmy Page, au sein des Yardbirds.
Mis à la porte, il fonde ensuite son propre Groupe, le Jeff Beck Group, avec Ron Wood, Rod Stewart et Ansley Dunbar. Truth (1968) est le 1er album du groupe, le plus accompli, de mon point de vue.

Beck en profite pour peaufiner son propre style à coup de vibratos ciselés et précis, riffs de plomb, motifs feuzzés élégants, cordes distendues distillant d’inimitables feulements, sa marque de fabrique (leçon).
Avec quelques titres phares comme son Blues DeLuxe magnifié dans le mythique échange guitare/piano entre Jeff et Nicky Hopkins, ou d’autres comme Beck’s Bolero, Rock my Plimsoul, Ain’t Superstitious, il fait naître de gros espoirs, tant l’album crée un choc chez les fans de blues-rock. Cerise sur le gâteau, le bon Jeff distille ses commentaires savoureux pour chaque morceau gravé sur le vinyle, au dos de la pochette.
Mais des problèmes d’ego stupides au sein du trio lui font rater le bon carrosse, celui de Woodstock, qui acheva d’installer les étoiles montantes de l’époque (Jimi Hendrix, Jim Morisson…) au panthéon de la musique pop-rock.
Le deuxième album Beck-Ola (1969), bricolé dans la foulée, désarçonne un tantinet par son côté rugueux (plus rock que blues).
Las, les tensions achèvent de décimenter cette belle unité pour de bon.
Suivra l’éphémère alliance Beck, Bogert, Appice (1972) qui pâtira du refus de Rod Stewart de se joindre au projet. Mauvaise période personnelle (accident de voiture) pour l’homme qui relance cependant le Jeff Beck Group avec une nouvelle équipe.
En pleine vogue du Jazz Rock, il sort l’album Blow by Blow (1975) puis Wired (1976), deux opus magistraux qui scellent la fin d’une époque, qui voit les cheveux raccourcir, tout comme les aspirations à un monde meilleur.
Son parcours se brouille ensuite où l’on voit Jeff Beck alterner contributions et albums personnels sporadiques. Au fil des années, il devient une sorte d’auxiliaire de luxe, un guitariste soliste apprécié des stars comme Tina Turner, Murray Head, Rod Stewart, Mick Jagger, Buddy Guy, B.B.King ou encore John Mac Laughlin et bien sûr Clapton, qui apprécient tous son toucher inimitable.
Aujourd’hui, guitariste de plus de 60 ans, il ne connaît pas la retraite même s’il se fait très rare, continuant ici et là de se produire lors de tournées estivales, sans promo tapageuse.

Ceux qui ont eu la chance de le voir sur scène en France durant l’été 2007 disent que son jeu n’a rien perdu de son brio et que son toucher est intact, sinon plus subtil encore.

Son dernier album Jeff (2003), dans un style très fusion électro-rock, prouve que notre senior est loin d’être un musicien figé dans le passé.

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