« Juste la fin du monde » de Jean-Luc Lagarce à La Comédie Française

par Theothea.com
mercredi 12 mars 2008

Juste la fin du monde... rien de plus... si ce n’est la famille qui vole en éclats faute d’avoir su trouver un terrain d’entente où l’écoute de l’un ne devrait pas assourdir la parole de l’autre.

Réunis en conciliabule, la mère (Catherine Ferran), la soeur (Julie Sicard), le frère (Laurent Stocker) et la belle-soeur (Elsa Lepoivre) goûtent le temps d’une visite de Louis (Pierre-Louis Calixte) dans leur maison familiale à la campagne, aux ressentiments que le fils prodigue amène de la ville sans autres bagages que lui-même.

Au comble de la susceptibilité mal partagée, les maux fusent de toutes parts avec l’espoir d’exprimer cette part de vérité que chacun voudrait pouvoir communiquer à ceux qui devraient se situer au plus cher de sa chair.

Rien n’y fera, ni les disputes ni les rabibochages de circonstances car, selon des fréquences audibles déphasées, les mots se lancent au visage tel un boomerang dont seul chaque expéditeur détiendrait le code génétique.

Après avoir épuisé toutes les ressources rhétoriques qu’un arbitrage incompatible fustige systématiquement dans des propos hors sujet, la famille "tuyau de poêle" laissera repartir comme il était venu du pays lointain de l’enfance, le messager de l’amour-haine irrésolvable dans l’instant présent.

Toutefois, le seul regret de Louis sera de n’avoir pas osé, sur le chemin du retour, crier au monde un ineffable bonheur que l’écho lui aurait, à coup sûr, renvoyé en empathie.

Certes, il était venu pour leur annoncer sa mort prochaine ; assurément, il en était reparti avec son secret bien à lui.

Focalisant en des gros plans, pour lesquels Muriel Mayette a donné une belle opportunité en acceptant la prolongation de l’avant-scène jusqu’au cinquième rang de l’orchestre, Michel Raskine utilise cette extension comme le fer de lance du conflit tribal que chacun nourrit à l’égard de ses proches dans une intimité paradoxale.

Au coeur de la salle Richelieu, l’incommunication généalogique ayant été ainsi installée en enjeu à transgresser, le courant peut passer alternativement des planches aux fauteuils comme jamais alors qu’au frontispice subsistent déjà bien solitaires, mais irrévocables, les trois lettres de "f i n".

Visuel / dessin © Cat.S

JUSTE LA FIN DU MONDE - *** Theothea.com - de Jean-Luc Lagarce - mise en scène : Michel Raskine - avec Catherine Ferran, Laurent Stocker, Elsa Lepoivre, Julie Sicard & Pierre-Louis Calixte - Comédie Française -


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