L’Affaire Dreyfus

par Tatiana Yansor
mardi 29 mai 2007

A travers les nombreux salons du livre que je fais en ce moment, j’ai souvent l’occasion de croiser un écrivain que j’apprécie beaucoup, autant par sa personnalité que par son talent : Michèle Kahn. En 2003, elle m’avait dédicacé La Vague noire, un roman émouvant et talentueux qui évoque la France de l’Occupation et que j’avais lu juste après avoir écrit Elle s’appelait Sarah.

Au récent salon du livre de Montaigu, j’ai revu Michèle Kahn et cette fois, je lui ai acheté son Justice pour le capitaine Dreyfus, publié chez Oskar Editions. C’est un ouvrage qui s’adresse aux adolescents, car Michèle Kahn écrit beaucoup pour la jeunesse. Je l’ai lu d’une traite. Oui, je l’avoue, l’affaire Dreyfus était assez floue pour moi. Je ne me rappelais que de quelques bribes. Surtout, bien sûr, du fameux « J’accuse » de Zola, un de mes auteurs classiques préférés.

A travers l’excellent livre de Michèle Khan, les rouages minutieux de l’affaire sont clairement, presque brutalement, exposés. On apprend qui était Alfred Dreyfus, ce brillant officier français, comment cette machination pour haute trahison a été ourdie contre lui, par qui. Pendant douze ans, cet homme a porté le poids de l’injustice, a croupi cinq ans dans une geôle de l’île du Diable, en Guyane. La France entière s’est enflammée avec une ampleur inimaginable, les « pour », les « contre », les passions furent déchaînées, les affrontements furieux. Mais Alfred Dreyfus était juif, et le sentiment antisémite en France en 1894 est à son comble.

Un des passages les plus marquants du livre de Michèle Kahn est la description de la dégradation militaire d’Alfred Dreyfus, qui a eu lieu le 5 janvier 1895 dans la cour de l’Ecole militaire, à Paris.

« Mort au juif ! A mort le traître ! A mort, Judas ! »

Il est huit heures quarante-cinq. Le général Darras à cheval, suivi de son état-major, tire son épée. Les tambours roulent.

- Garde à vous ! Portez armes !

Un silence de mort suit le mouvement de la troupe. A l’angle droit de la place apparaît Alfred Dreyfus. Un brigadier et quatre canonniers l’encadrent. L’or de son képi brille. Sabre à la main, il s’avance d’un pas ferme, la tête haute.

-Regardez donc comme il se tient droit, la canaille ! persifle la foule.

Le capitaine s’arrête devant le général Darras, les talons joints, dans la position militaire. L’escorte recule de trois pas. Le greffier lit le jugement qui le condamne, et salue. Alors, le général se dresse sur ses étriers et, l’épée haute, il prononce distinctement :

- Alfred Dreyfus, vous n’êtes plus digne de porter les armes ! Au nom du peuple français, nous vous dégradons.

-Soldats, on dégrade un innocent ! Soldats, on déshonore un innocent, crie Dreyfus d’une voix qui se casse. Vive la France ! Vive l’armée !

-A mort ! hurle la foule. Mort aux Juifs !

Un géant casqué à la crinière flottante, adjudant de la garde républicaine, s’approche du condamné et arrache les galons du képi, les trèfles des manches, les boutons du dolman, les numéros du col, les pattes d’épaule, la bande écarlate du pantalon qu’il jette dans la boue. Dreyfus est en loques.

-Sur la tête de ma femme et de mes enfants, je jure que je suis innocent ! proteste-t-il. Je le jure ! Vive la France !

Le géant arrache le sabre qu’il brise d’un coup sec sur son genou.

Pages 47 et 48

Justice pour le Capitaine Dreyfus, de Michèle Kahn, Oskar Editions.

Autres livres à lire :

L’affaire Dreyfus, la République en péril, de Pierre Birnbaum, Découvertes Gallimard.

J’accuse ! et d’autres textes sur l’affaire Dreyfus présentés par Philippe Oriol, Librio

« Dreyfusards ! » souvenirs de Mathieu Dreyfus de Robert Gauthier, Folio

Zola assassiné, de Jean Bedel, Flammarion

Si vous avez d’autres ouvrages à me signaler, n’hésitez pas, cette affaire me passionne. Merci Michèle Kahn d’avoir ecrit ce livre.


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