L’effet pervers de l’excès d’anglicismes : un petit exemple
par Krokodilo
mercredi 10 décembre 2008
Sous la plume de ceux qui trouvent excessive l’opposition aux anglicismes en tout genre qui fleurissent dans nos médias, qui jugent exagérée l’inquiétude des défenseurs de la langue française, inutile la création de mots qui sonnent pourtant si bien, comme "pourriel", "partagiciel", "courriel" et autres trouvailles du Québec, on lit souvent que les langues sont des objets vivants, mouvants, évolutifs, qui s’échangent des mots, qui acceptent et rejettent en permanence mots et expressions, au gré de leurs locuteurs.
Tout cela est vrai, of course oserais-je dire, mais c’est une question de proportion, comme dans la cuisine ou dans le zen : trop de quelque chose - et l’harmonie s’enfuit.
A force de fréquenter quotidiennement des coachs, des prime-times, de l’intelligence économique, des think tanks, des brain-trusts, des… on en oublie les équivalents français, qui ne nous reviennent souvent qu’au prix d’un gros effort de mémoire, ce qui est paradoxal – et dommageable selon nous.
L’actualité récente vient de nous fournir un exemple amusant des dégâts possibles, suite à ces dramatiques attentats en Inde.
Une journaliste commentait ces jours-ci un récent accord en préparation entre l’Inde et le Pakistan, en vue de lutter contre le terrorisme, et elle a dit à peu près, en détaillant les mesures conjointement prises ou envisagées dans le futur par les deux pays : « le partage de l’intelligence » !
L’Inde donnera au Pakistan une partie de son intelligence, et le Pakistan fera de même ! Ainsi, ils garderont tous deux la même intelligence, ce qui est rassurant s’agissant de pays dotés d’armes nucléaires… C’est sans doute ce qu’on appelle un accord gagnant-gagnant !
Vous aurez compris qu’il s’agissait de partager non pas leur intelligence, mais leurs renseignements…
Voilà une maladresse dont la seule cause est l’usage abusif de l’anglicisme "intelligence économique", largement adopté par la presse économique et même généraliste, alors qu’il s’agit simplement de renseignement, d’espionnage et/ou de veille économique, selon le contexte de l’article. Selon certains, les mots anglosaxons seraient tellement plus signifiants, puisqu’ils englobent tout !
Alors, faisons nous aussi de « l’intelligence », de la veille francophone, afin de prévenir les attentats linguistiques contre notre langue : cela demande peu d’intelligence, mais beaucoup de renseignements et pas mal d’attention.