L’épopée Bob Dylan ou l’émergence fracassante des clichés...
par Irr
mercredi 19 août 2009
... le chanteur engagé, le rock n’roll animal et le vétéran mystique
L’auteur-compositeur américain Bob Dylan fut l’un des premiers du genre à déchaîner les passions. De ses débuts comme chanteur folk « contestataire » à l’adoption de l’électricité, il a endossé différentes identités qui ont contribué à forger son mythe. Mais il est aussi à l’origine de nombreux clichés qui persisteront longtemps après sa carrière. Robert Allen Zimmerman ne mettra pas longtemps avant de succomber aux tentations pygmaliennes : dès 1959, alors qu’il n’a que 18 ans, il abandonne le patronyme familial pour le plus éclatant « BOB DYLAN ». C’est le début d’une carrière sans précédents, et riche d’enseignements.
LE CHANTEUR ENGAGÉ.
En 1963 paraît son deuxième album, The Freewheelin’ Bob Dylan, qui s’inscrit assez clairement dans une tradition Folk caractérisée par certains codes (guitare du même nom, harmonica) et par les thèmes abordés. On parle de topical songs -chansons thématiques- dont les textes commentent généralement l’actualité sociale ou politique, et ce d’un point de vue "contestataire". Il en est ainsi des chansons A Hard Rain’s Gonna Fall, probablement écrite suite à la crise des missiles de Cuba et de Masters of War qui condamne la guerre de manière plus générale. Une touche personnelle se fait néanmoins sentir au travers de titres tels que Don’t Think Twice, It’s All Right ou Bob Dylan’s Dream, aux textes plus intimistes et stylisés.
Dylan fréquente alors les milieux contestataires étudiants, sort avec Joan Baez et participe des grandes utopies des sixties : c’est la grande époque du Civil Rights Movement. Le 28 août 1963, c’est la consécration : lors de la marche pour les droits civiques à Washington, menée entre autres par Martin Luther King, le public adopte son titre Blowin’ in the Wind comme hymne.
Devenu icône d’un mouvement à la fois culturel et politique, Dylan commence à nourrir le désir de s’épanouir au-delà des préoccupations terrestres du politique. Car Dylan n’est pas un monomaniaque du Folk contestataire : il admire aussi Rimbaud et envie sans doute son surplomb radical et sa quête de clairvoyance. La contradiction se fait jour avec fracas le 13 décembre 1963, lors d’un banquet organisé par le Comité de secours aux libertés civiques : Dylan, qui se voit remettre le prix Tom Paine pour son engagement, délivre un discours passablement éthylique dont l’acerbité n’a rien à envier aux punks. Il y dénonce l’hypocrisie de ces "vieux" qui financent le mouvement pour les droits civiques pour se "déculpabiliser" et, par son attitude, souligne la vanité de ce genre de cérémonies.
Dylan fréquente alors les milieux contestataires étudiants, sort avec Joan Baez et participe des grandes utopies des sixties : c’est la grande époque du Civil Rights Movement. Le 28 août 1963, c’est la consécration : lors de la marche pour les droits civiques à Washington, menée entre autres par Martin Luther King, le public adopte son titre Blowin’ in the Wind comme hymne.
Devenu icône d’un mouvement à la fois culturel et politique, Dylan commence à nourrir le désir de s’épanouir au-delà des préoccupations terrestres du politique. Car Dylan n’est pas un monomaniaque du Folk contestataire : il admire aussi Rimbaud et envie sans doute son surplomb radical et sa quête de clairvoyance. La contradiction se fait jour avec fracas le 13 décembre 1963, lors d’un banquet organisé par le Comité de secours aux libertés civiques : Dylan, qui se voit remettre le prix Tom Paine pour son engagement, délivre un discours passablement éthylique dont l’acerbité n’a rien à envier aux punks. Il y dénonce l’hypocrisie de ces "vieux" qui financent le mouvement pour les droits civiques pour se "déculpabiliser" et, par son attitude, souligne la vanité de ce genre de cérémonies.
LE ROCK N’ ROLL ANIMAL : LET’S PLAY FUCKIN’ LOUD !
Dylan prend alors ses distances avec la politique. En janvier 64 paraît The Times They are a-changing, dont les accents restent fidèles à la Folk et gardent des connotations contestataires, comme son nom l’indique, mais dévoilent un Dylan davantage préoccupé par la sphère intime, l’amour et la difficulté des relations humaines. On y voit émerger des codes qui relèvent davantage de la "pop" que du "folk", et qui commencèrent à produire leurs effets le 26 octobre 1963, lors du concert au Carnegie Hall, où Dylan doit fuir des fans rendus hystériques par l’expression publique et nouvelle de sentiments privés. La rupture est consommée en août 64, avec l’album au titre évocateur Another Side of Bob Dylan, qui ne contient aucune chanson contestataire. La chanson My Back Pages dénonce même explicitement la vanité de tout engagement. Dylan s’y moque de son manichéisme passé et configure une nouvelle matrice pour la création musicale populaire.
C’est encore en 64 qu’il rencontre les Beatles et que, d’après la légende, il découvre la drogue. Dylan commence alors à entamer une sorte de bras de fer avec ses fans. Il opère un changement de style, ses textes deviennent de plus en plus abstraits, poétiques et, enfin, sa guitare s’électrise avec son groupe The Band. Les fans de la première heure crient au scandale, Dylan est hué, boudé par son public, traité de "Judas" lors du concert du 17 mai 66 à Manchester. Mais il surmonte ça, "I don’t believe you, you’re a liar !", rétorque-t-il à son audience, et maintient sa ligne : "Let’s play fuckin’ loud" dit-il à son groupe. Les textes de cette période sont les plus aboutis sur un plan littéraire. Personne n’avait joué aussi fort. Marlon Brando s’en souvient d’ailleurs : "Les deux choses les plus bruyantes qu’il m’ait été donné d’entendre, c’est un train de marchandises en train de dérailler et Bob Dylan avec le Band"(1).
Dylan fréquente les beatniks, et particulièrement le poète Allen Ginsberg qui décrit son ami comme une "colonne d’air" avec qui "tout le monde voulait coucher" dans le documentaire No Direction Home de Martin Scorcese. La créativité littéraire et stylistique de Dylan atteint une sorte de paroxysme. La productivité s’accroît et les textes, volontiers abstraits et polysémiques, confinent au surréalisme. Dans Blonde on Blonde et Highway 61 revisited Dylan parle de femmes, de drogues, de sexe...ou pas. Le rock n’ roll animal qu’il est devenu codifie, martèle le sens, détourne l’usage des mots (voir par exemple les textes de Ballad of a thin man ou de Most Likely you go your way (and I’ll go mine)). L’animal est en sur-régime.
Dylan semble nous échapper. En juillet 66, sa moto se plante dans le décor. Il est grièvement blessé et disparaît pendant presque 3 ans.
LE VÉTÉRAN MYSTIQUE.
Dylan refait surface en 68 avec John Wesley Harding, un album très calme et de style country. Il s’intéresse à l’histoire des États-Unis, à la religion, se plaint de la célébrité. Dylan cherche ses racines et abandonne sa tonalité surréaliste pour des fondements plus solides, moins anxiogènes... mais aussi moins brillants, peut-être. Le paroxysme semble derrière lui, la magie se résorbe, l’aventure devient moins excitante pour nous, mais aussi et surement plus vivable pour le principal intéressé.
Au début des années 70, il se consacre d’ailleurs à la vie de famille (à cette époque, il écrit Knocking on Heaven’s door ! ). En 75, il repart en tournée avec The Band et entreprend une grande synthèse folk-pop-rock-country. Les fans sont assagis, la tempête est oubliée, il partage à nouveau la scène avec Joan Baez. Dylan se fend même d’une nouvelle chanson contestataire : Hurricane, dédiée aux déboires judiciaires du boxeur Hurricane Carter.
Sa quête l’oriente alors vers le christianisme, auquel il se convertit en 1979 ! Dylan est un "born again". La suite est relativement convenue : perte de la foi, nouveaux albums, tournées. Dylan reste un mythe, mais ce n’est plus comme avant. L’époque n’a plus le cœur à l’effervescence, on entre dans les années 80...
Au début des années 70, il se consacre d’ailleurs à la vie de famille (à cette époque, il écrit Knocking on Heaven’s door ! ). En 75, il repart en tournée avec The Band et entreprend une grande synthèse folk-pop-rock-country. Les fans sont assagis, la tempête est oubliée, il partage à nouveau la scène avec Joan Baez. Dylan se fend même d’une nouvelle chanson contestataire : Hurricane, dédiée aux déboires judiciaires du boxeur Hurricane Carter.
Sa quête l’oriente alors vers le christianisme, auquel il se convertit en 1979 ! Dylan est un "born again". La suite est relativement convenue : perte de la foi, nouveaux albums, tournées. Dylan reste un mythe, mais ce n’est plus comme avant. L’époque n’a plus le cœur à l’effervescence, on entre dans les années 80...
(1) Dylan, François Ducray, Philippe Manœuvre, Hervé Muller, Jacques Vassal, Albin Michel, Paris, 1978.