L’homme et l’appareil, entre rêve et réel

par Cyrille Godefroy
lundi 11 janvier 2016

« Il fallait qu'on eût calomnié Joseph K. : un matin, sans avoir rien fait de mal, il fut arrêté. »

Voici l'incipit détonnant du roman de Franz Kafka « Le procès », paru en 1925. Dès la première ligne, le destin de Joseph K. semble scellé. Un matin comme les autres, la justice fait irruption dans la chambre d'un citoyen ordinaire et socialisé et le projette dans un labyrinthe obscur, oppressant, sans échappatoire possible.

Dès lors, Joseph K. est la proie d'une machinerie implacable, tel un pantin manipulé par un pouvoir invisible, un insecte aux prises avec une Justice tentaculaire et biocide.

 

Enferré dans une gigantesque toile d'araignée, Joseph K. joue la désinvolture quoiqu'il pressente un péril sérieux et fatal, puis il cherche, en vain, à s'y extraire, il s'enquiert d'une explication, il envisage sa défense, il peaufine un plan pour remporter un procès couru d'avance.

Plus il se débat dans ce marécage épais, plus il s'épuise, et s'enfonce, inexorablement. Il s'envase tel un personnage de Ionesco, il se délabre tel un personnage de Beckett. La lueur au bout du tunnel faiblit et se rétrécit peu à peu.

 

Les personnes qu'il croise dans ce tunnel ne lui apportent aucun secours malgré les apparences premières, malgré les embryons de promesses qu'elles suscitent de prime abord. Que ce soit le peintre (l'art), l'avocat (le droit), le prêtre (la religion), l'Autre pourrait être une aide, un soutien dans ce combat inégal. Il finit par se dresser en obstacle ou en menace.

Joseph K. est seul, terriblement seul. Impuissant. Il est un pion égaré dans un dédale vertigineux et paranoïaque.

 

Au gré de son odyssée absurde et surréaliste, K. succombe aux appels de la volupté et du désir, comme pour procéder à un relâchement de la tension qui pèse sur lui.

Qui sait si ces menus plaisirs ne sont pas les semences de la culpabilité qui engendrent sa condamnation, cette sentence venue de nulle part ?

Ce jugement quasi divin serait-il un avatar des manœuvres souterraines du Sur-moi ou simplement le verdict arbitraire d'un Etat tout-puissant ?

 

Joseph K., passager d'un cauchemar dont la musique le poursuit sans cesse, sans réveil possible.


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