Figure importante de la scène artistique polonaise actuelle, Katarzyna Kozyra puise dans les mythes anciens afin de mieux parler du présent.
L'installation vidéo présentée au Basel Art 2011 reste dans cette lignée. The Rite of Spring est une nouvelle proposition d’interprétation du ballet composé par Igor Stravinsky en 1910, qui se veut selon les mots mêmes de son auteur « un grand rite sacral païen ». Le sujet en est le sacrifice d’une jeune vierge par une assemblée de vieux sages dans le but de se concilier le dieu du printemps.
Nous sommes en présence d’un travail jouant habilement des contraintes de son medium et les détournant à son profit. L’artiste polonaise a produit un dispositif à la puissance d’évocation forte.
La video The Rite of Spring de Katarzyna Kozyra
Si les danseurs de Katarzyna Kozyra exécutent fidèlement la chorégraphie de la Sacrificial Dance (the Danse of the Chosen Victim) imaginée 100 ans plus tôt par Nijinsky, la pasticienne propose une mise en scène nouvelle.
La forme est stylisée à l'extrême par le choix du montage et de la scénographie : les danseurs évoluent sur un fond blanc, dans un décor abolissant à la fois le temps et l'espace. Les reliefs et volumes sont atténués, jusqu'à conférer aux danseurs l'aspect de marionnettes désarticulées, de corps desséchés et momifiés.
Un ballet moderne et novateur
Si l’opéra de Stravinsky constitue l’un des fondements de la modernité en matière musicale, l’installation vidéo explore les nouvelles approches de la danse défrichées notemment par Pina Bauch et fait éclater le carcan étroit qui enserrait le genre.
Faisant fi de l’idéal mortifère de perfection du corps et du mouvement, Katarzyna Kozyra met en scène des danseurs vieillis, aux corps marqués par le temps. Nus, ils livrent à nos regards une chair prête à succomber, dans un ballet fascinant et pourtant jubilatoire.
Le corps, terrain de la lutte
Si les contraires masculin/féminin, force/faiblesse s’affrontent fidèlement au ballet original, ils s'affrontent désormais sur un nouveau champ de baitaille, le corps de l’individu : la lutte est intériorisée.
Cela se traduit par la mise en scène de corps androgynes livrés à des mouvements convulsifs. Pantins grotesques, ils exécutent malgré eux une danse infernale, en proie à une transe que rien ne peut interrompre.
Expressivité et sens
Le spectacle offert est d’une grande puissance expressive, plus à même d’exprimer les forces telluriques obscures. Possédés par un rythme qui les dépasse, irrépressible, un vacarme sacré et tonitruant, les danseurs nous font voyager vers des contrées oubliées.
The Rite of Spring de Katarzyna Kozyra Vidéo 4’50’’