« La Cantatrice chauve » de Ionesco par Lagarce au Théâtre de l’Athénée
par Theothea.com
lundi 5 février 2007
Quinze ans après la mise en scène de Jean-Luc Lagarce, mort du sida en 1995 et dont les 50 ans virtuels se célébrent en une année d’hommages à l’homme de spectacle qu’il fut, les comédiens de sa Cantatrice chauve ont initié un projet théâtral hors du commun en remontant à l’identique cette création originale de 1992.
Sous la responsabilité artistique de l’un d’entre eux, François Berneur, les souvenirs de chacun ont été collectés de manière à restituer pas à pas les consignes de la direction d’acteurs originelle, considérablement aidée en cela par les retrouvailles avec le décor, miraculeusement intact.
Ainsi telle une psychanalyse permettant de faire resurgir l’ensemble d’un contexte déstructuré, les conflits et attirances des personnages purent retrouver les repères d’un cadre que précisément Eugène Ionesco avait, lui, dynamité de l’intérieur.
Cette quête de l’auteur en but de révéler l’absurde, transgressé par la démarche du metteur en scène exacerbant la perception d’un décalage, va se trouver ainsi réactualisée et donc clonée par les protagonistes initiaux pris au jeu abyssal de reconstituer un puzzle d’autant plus opaque qu’ils en étaient à l’époque les marionnettes et non les observateurs.
Et pourtant, non seulement cette expérience fonctionne, mais elle agit tel le révélateur d’une volonté créatrice qui trouve son véritable aboutissement dans la pérennité du délire concerté.
Deux couples anglais, copie conforme au détail vestimentaire près, mais dont la disparité morphologique renforce l’ensemble des dysfonctionnements de perspective que la pièce va organiser de manière récurrente, vont se côtoyer le temps d’une soirée sur une pelouse d’un vert fluo et où une façade de maison et une haie délimiteront l’imaginaire d’un espace clos mental. Si le capitaine des pompiers devait mettre le feu à la bonne, tout malentendu ou autre équivoque devront être mis au crédit d’un imbroglio rituel dont plusieurs tentatives de fin seront mises à l’épreuve des spectateurs.
Inutile donc de chercher à rationaliser l’intrigue, pourvu que chacun trouve son compte de déraison avec La Cantatrice chauve qui faisait un tabac au théâtre de la Huchette depuis 1950 et dont Jean-Luc Lagarce a fait exploser les ultimes inhibitions.
Photo © Christophe Berthelot
LA CANTATRICE CHAUVE - *** Theothea.com - de Eugène Ionesco - mise en scène : Jean-Luc Lagarce - avec Mireille Herbstmeyer, Jean-Louis Grinfeld, Elisabeth Mazev, Emmanuelle Brunschwig, Olivia Achard, François Berreur ou Christophe Garcia - Théâtre de l’Athénée -