La Chanson Française est-elle morte (et enterrée) ?
par Cécilien Grégoire
lundi 12 décembre 2011
La disparation d’Allain Leprest le 15 aout dernier fut une onde de choc pour tous les amoureux de la chanson de qualité. Car Leprest ce n’était pas qu’un génie. Il était surtout, et malgré lui car je crois que cette étiquette lui aurait déplu, le représentant d’une certaine chanson française. Celle de l’ombre. Leprest, Sylvestre, Solleville, Trevidy, Chelon, Malice, Alpi... la liste est longue de ses artisans-chanteurs qui remplissent les salles mais ne bénéficient d’aucune représentation médiatique ni en radio ni en télé. Et s’il existe des ilots de résistances (Allégrement vôtre en chansons plurielles sur FPP et De rimes et de notes sur Radio Libertaire), ces émissions sont bien maigres au regard de la puissance médiatique qu’ont les radios publiques et privées. Ainsi on peut se demander si pour les décideurs de grands médias, des maisons de production, mais aussi pour la jeunesse de notre pays la chanson française n’est pas morte.
Premier constat qui s’impose, le vide des artistes qui vendent le plus. Prenons un exemple concret et référons nous aux meilleures ventes de la FNAC pour la chanson française. Notons d’ailleurs que le qualitatif chanson n’existe pas chez les vendeurs, mais est utilisé celui de « Variété », ce qui veut tout dire. Donc dans les meilleures ventes (à ce jour dimanche 11 décembre), on trouve un Best Off de Noir Désir, un album pour enfant de Souchon, le nouvel album (bâclé selon moi fait à la va vite) de Laurent Voulzy, du réchauffé de Lenormand, M dont on se demande ce qu’il fait là ou encore cœur de Pirate. Si on excepte Souchon et Voulzy, qui sont des valeurs sures, qui ont leur public fidèle, on constate que les autres artistes présents dans cette liste sont ceux qui bénéficient le plus des réseaux médiatiques importants. Pour les médias dominants, s’il n’y a pas l’enjeu du fric, il n’y a pas d’artiste. Ainsi c’est parce que des financiers, des marchands du temple ont remplacé les directeurs artistiques dans les boites de production que des Zaz ou des Cœur de Pirate envahissent nos ondes. Ou sont passés les Barclay, les Davoust, les Canetti ? Disparus, envolés les DA à l’ancienne qui parcouraient les petites salles.
Aujourd’hui c’est sur M6 qu’EMI va chercher ses nouveaux talents... ! Sans vouloir jouer les anciens combattants, ce qui serait ridicule vu mon jeune âge, je pense sincèrement que quelque chose a changé dans les années 1980-1990 avec l’apparition du « tout fric » qui place l’artiste au second plan. De même, il n’y a plus aujourd’hui de véritables émissions de chanson françaises à la télévision, tel par exemple feu Discorama. S’il subsiste des moments de découvertes artistiques dans certaines émissions du service public, comme par exemple Des mots de minuits, ses moments se font rares et surtout à des heures plus qu’improbables.
Certes, vous m’objecterez que France 3 propose depuis quelques années Chabada le dimanche après-midi. La belle affaire ! Chabada, présentée par Daniella Lumbrosso, met en avant les mêmes artistes que ceux que l’on voit toujours partout, et qui ont quelque chose à vendre. Chabada pourrait être une bonne émission si les artistes sélectionnés venaient de l’autre scène de la chanson française, bref ce qu’il manque à la télé c’est une émission de chanson à la ligne éditoriale claire et originale. Ajoutons à cela que depuis la disparition de Chorus (liquidé par un repreneur sans scrupules) il existe peu de magasines traitant de chansons (si on excepte Serge, parfois un peu ardu) et cela aussi participe à la morte lente de la vraie chanson.
Peu de sites internet également pour défendre la chanson de qualité si l’on excepte le blog de Michel Kemper, celui de Bertrand Dicale et bien évident celui de Fred Hidalgo fondateur historique de Chorus, ainsi que quelques autres pages plus ou moins mise en valeur qui tente de faire le boulot des médias.
Alors morte la chanson française ? Pas sur, son salut pourrait venir de la scène. La programmation de salles historiques comme le Trianon, la renaissance du théâtre des Trois Baudet permettent petit à petit à certains artistes de sortir de l’ombre, c’est encore peu mais encourageant. Gageons aussi que ceux qui se contrefichent des droits d’auteurs en téléchargeant profitent de cela pour découvrir de nouveaux artistes et les fassent découvrir.
Gageons aussi que vienne le jour où des décideurs médiatiques et culturels s’intéressent à cet art tout à fait majeur qu’est la chanson.
Sans penser au fric, mais ça...
Cécilien GREGOIRE