La Fondation François Pinault à Venise

par Venise
jeudi 29 avril 2010

Le milliardaire Français François Pinault, après la bataille de Venise qu’il avait remporté contre la Fondation Guggenheim de Venise, a inauguré le 3 juin 2008 la Pointe de la Douane, splendidement restaurée par l’architecte Japonais Tadao Ando, pour un coût total de 20 millions d’euros.

Cette construction datant du XVe siècle, ex-douane de Mer de Venise, avait été progressivement abandonnée à elle-même. Tadao Ando l’a restructuré dans le plein respect des structures historiques, éliminant les rénovations antérieures peu heureuses, de façon à recouvrer la forme originelle du début de son édification au XV ème siècle comme l’exigeait la Municipalité et la Surintendance des Biens Monumentaux de Venise. "En montrant les murs de brique et les poutres en bois du toit, l’espace retrouve son énergie, et la mémoire de l’ancienne Douane de Mer revit", nous dit l’architecte Ando.

Plus de 5.000 m2 de superficie ont été restaurés, une dalle d’étanchéité ou cuve de rétention des eaux a été réalisée sur une superficie de 2.500 m2, formant une protection contre les marées allant jusqu’à 2,10 m de hauteur. Le sol de la Pointe de Mer se situe à une hauteur de 1,50 m au dessus du niveau de la mer, ce qui est relativement élevé à Venise et constitue donc une protection naturelle contre les marées, y compris les marées exceptionnelles comme cela arrive trop souvent (la dernière datant du 1 Décembre 2008 s’élevant à 1,56 m au dessus du niveau de la mer, alors que la Place St. Marc se situe à une hauteur de 90 cm au dessus du niveau de la mer, inondant toute la ville et la paralysant le temps de la marée). Ensuite, il a fallut consolider la structure du bâtiment avec la réalisation de micro-pieux là ou les fondations originelles sous le bâtiment étaient insuffisantes. Le bâtiment est soutenu par une forêt de pilotis de chênes plantés dans le sol de la lagune. Par exemple, pour l’édification de l’église de la Salute, à deux pas de la Pointe de la Douane, les Vénitiens de la Sérénissime avaient planté plus de 1.200.000 pilotis dans la lagune : Venise sous l’eau est une forêt de pilotis….

Tout ceci donc, et encore tant d’autres choses, pour permettre la création d’un centre d’Art contemporain à la Pointe de la Douane, où seront exposés une sélection d’œuvres de la Collection François Pinault, une des collections d’art contemporain les plus importantes au monde. La première exposition "Mapping the Studio", aura lieu parallèlement à la Pointe de la Douane et au Palais Grassi. Conçu comme un unique parcours artistique de 300 œuvres de la collection Pinault, l’exposition se développe dans les deux palais présentant des oeuvres provenant d’artistes de différentes générations, offrant un vaste panorama de sensibilité et d’expression artistique différente.

Pour n’en citer que quelques-uns sur 300 :

A la Pointe de la Douane et symbole de ce nouveau centre artistique, une sculpture en marbre blanc de Carrare de Charles Ray, "Garçon avec une grenouille", qui représente un jeune garçon qui tient dans sa main une grenouille attrapée dans la lagune, l’air satisfait de sa prise.
 


L’œuvre terrifiante de Jack & Dinos Chapman, "Fucking Hell", qui ressemble à une forêt magique de loin et l’enfer sur terre de près, symbolisant les crimes contre l’humanité commis par les Nazis durant la seconde guerre mondiale.

La salle des 21 villes en résine colorée, illuminées dans le noir, de Mike Kelley, "Kandors full set", où l’on peut admirer une ville de kryptonite verte parmi tant d’autres villes futuristes titillant l’imaginaire du promeneur.

L’étonnant rideau de perles rouges et blanches accueillant l’entrée du visiteur à Pointe de la Douane de l’artiste cubain Felix Gonzales-Torres, mort du sida à 39 ans, ce rideau semble représenter les globules rouges du sang de l’artiste, "Untitled – blood" et les perles blanches les pilules blanches que lui et son compagnon, mort un an avant lui du sida, eurent à avaler jusqu’à leur mort.

Le cheval grandeur nature qui a sauté dans le mur et dont la tête disparaît dans le mur et reste immortalisé dans ce saut absurde, de Maurizio Cattelan, renversant la convention de la tête d’animal comme trophée de chasse, seul le corps du cheval de Cattelan sort du mur… une autre œuvre de Cattelan au premier étage, "All", neuf gisants de marbre blanc de Carrare, repose sur le sol tels les gisants royaux de nos églises gothiques, corps recouverts de draps de marbre.

Fondation Pinault, cheval de Maurizio Cattelan

Les sept peintures de la série "Axial Age" de l’artiste allemand Sigmar Polke, qui utilise des vernis et des pigments, des produits chimiques photographiques, de l’or et de l’argent, du lapis-lazuli et de la malachite, tous faisant référence aux procédés alchimiques de transformation, avec quelques éléments figuratifs tirés de gravures de recueils des XVIII et XIXe siècle, tels que les romans de Jules Verne ou d’Alice au pays des merveilles.

A signaler également les superbes œuvres de Mark Grotjahn "Black butterfly filled" quatre peintures à l’huile, noires ou marrons avec un effet de papillon battant très vite des ailes et au sol le très beau "Tree Stump" en polyuréthane moulé noir de Fischli & Weiss, morceau de tronc coulé dans du caoutchouc.

On trouve aussi les habituelles obscénités discutables de Paul Mc Carthy "Train, Pig Island" où les sujets s’enc... à gogo (pardonnez-moi l’expression !), en mousse polyuréthane, le papier peint noir de Robert Cober "Male and Female Genital Wallpaper" avec motifs pénis et vagins, pour un papier peint différent et pour adulte seulement (je ne vous raconte pas les commentaires horrifiés des gens autour de moi, visiblement, il a beaucoup choqué), pour n’en citer que deux car ils sont nombreux et pour éviter d’être censurée sur OBIWI pour obscénité ! (signaler un abus !).

A citer aussi l’oeuvre ironique du chinois Huang Yong Ping, "Un match de football du 14 juin 2002". Huang Yong Ping nous offre un match de football entre Orient et Occident stéréotypé par le tchador couvrant les joueuses islamistes, le stade couvert par une énorme météorite à laquelle sont suspendues un nombre inquiétant de chauve-souries, gardiennes de la respectabilité du spectacle…

Au Palais Grassi, j’ai aimé les 80 dessins fantasmagoriques des frères Chapman inspirés par Goya et le dérangeant "Dancing Nazis" de l’artiste polonais Piotr Uklanski, avec sa piste de discothèque multicolore et illuminée faisant face à une centaine de photos d’acteurs hollywoodiens qui ont interprété des nazis dans de célèbres films de guerre : un mélange pop désacralisant…

Voilà, il y aurait encore beaucoup à dire, mais cela serait trop long, l’idéal étant de voir l’expo "Mapping the Studio" et de juger par soi-même ce qui nous plait et ce qui ne nous plait pas, il y en a pour tous les goûts !


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