La haine : 1995-2005

par Charliek
mardi 22 novembre 2005

Jusqu’ici tout va bien : un regard sur les événements récents en banlieue, à travers le prisme d’un film. C’est l’histoire d’un gamin tabassé par la police. Révolté, son quartier s’embrase. Et le jour, trois amis, Vinz, Saïd, Hubert traînent leur chômage, leurs rêves et leur solitude, de l’autre côté du périphérique. Voilà ce que filmait Mathieu Kassovitz en 1995. Un film-témoin sur une époque qui devrait aujourd’hui être révolue, celle où l’espoir des jeunes de banlieues n’existait pas.

2005. Constat d’échec. Rien n’a changé, ou plutôt tout s’est aggravé. Qui aurait cru que le « discours » de La haine retentirait si fort aujourd’hui aux yeux et aux oreilles des Français ?

Retour sur La haine, le film. Prix de la mise en scène au Festival de Cannes, trois Césars. Un véritable coup de tonnerre, une avalanche de critiques dithyrambiques pour le jeune cinéaste.

Derrière le destin de ces trois jeunes hommes, cherchant de l’espoir dans leurs vies difficiles, c’est le destin d’une micro-société à la dérive, errant entre l’économie souterraine, la « délinquance de l’ennui » et l’abandon, qu’a filmé Kassovitz.

Kassovitz a su saisir avec une justesse incroyable la vie d’une banlieue, avec ses codes, sa « hiérarchie », son langage. Filmer sans stigmatiser, filmer pour témoigner, filmer pour réveiller les consciences. Un acte politique, un acte citoyen ? Simplement le témoignage d’un cinéaste, son regard à la fois distancié et humain, à travers l’œil de la caméra, mais au cœur des hommes.

Par la force de son sujet et la grande qualité de sa réalisation, La haine a marqué les esprits, un film « culte » comme on pourrait le dire, un film « important » en réalité.

Nappé dans un noir et blanc électrique, Kassovitz filme la lente descente aux enfers, l’enchaînement des événements, l’errance. Une musique, un morceau mêlant Edith Piaf et Assassin, une émeute sur un air de Bob Marley, et vous êtes emportés.

De la banlieue à Paris, un monde. Le périphérique, le RER, l’argent, le respect. Tout les sépare, alors que la banlieue et la ville ne devraient qu’une seule et même unité.

En témoignent ces scènes où les trois héros du film se retrouvent dans la capitale, comme en voyage, mais dans un « monde » où ils ne peuvent se projeter, où ne se sentent pas chez eux. Tragique parallèle avec les événements qui se passent en ce moment.

Dix années à regarder le monde tomber. Mais « l’important, c’est pas la chute, c’est l’atterrissage ».

Comment et quand la France va-t-elle atterrir ?


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