« La Montagne », ça vous gagne ! Via un détour par « La Pietà » (Festival de Gérardmer)

par Vincent Delaury
samedi 11 février 2023

J’ai eu l’occasion dernièrement, dans un temps rapproché (©photos V. De.), de voir en salles, le premier à l’UGC Ciné Cité Les Halles à Paris (il est sorti au cinéma le 1er février dernier), le deuxième dans le cadre d’une avant-première à la Cinémathèque française, dans la capitale également, deux films primés au dernier Festival du film fantastique de Géradmer (2023) : La Montagne du cinéaste français Thomas Salvador (déjà heureux lauréat du prix SACD 2022 de la Quinzaine des Réalisateurs à Cannes, il y a obtenu le prix de la Critique et celui du jury) et La Pietà (sortie en France pour l’instant indéterminée) de l’Espagnol Eduardo Casanova, reparti, quant à lui, avec le Graal, autrement dit le Grand Prix. J’en profite donc pour en proposer ici deux critiques.

Bien que très différents, l’un est un film naturaliste sur fond de crise existentielle aux confins du fantastique voire de l’abstraction, long métrage des plus minimalistes, et zen, fabriqué, pour ses scènes surnaturelles, avec un artisanat de série B, c’est le bien nommé La Montagne – pour ma part, si j’avais été membre de jury, c’est à lui que j’aurais décerné le Grand Prix ! –, l’autre, à savoir l’outrancier La Pietà, prend la forme d’un film d’horreur marginal, on y ressent l’empreinte de la Movida (fameux mouvement culturel créatif lancé à Madrid dans les années 1980 associé à l’exubérance, au transgenre et à la libéralisation des mœurs pour contrer Franco), narrant une relation toxique tortueuse entre une mère et son fils croisant telenovela et comédie musicale sous influence Almodóvar, des rapprochements peuvent néanmoins se faire entre les deux, déjà parce qu’il s’agit pour les auteurs en question de leur second long métrage de fiction puis, en outre, en ce qui concerne la question du religieux (ou interroger cette part de mystère dans nos existences et notre rapport aux autres), à l’œuvre dans ces deux propositions, via la présence partagée de la figure maternelle protectrice, rédemptrice et nourricière, que l’on retrouve sous la forme non seulement de la mère qui couve son cher fiston façon pietà (La Pietà, donc) mais également de la femme amoureuse qui vient chercher (attention spoiler), afin de le sauver, dans la nuit profonde de La Montagne, un homme énigmatique qui l’intrigue fortement, de par son goût du secret, sa lenteur de réaction ainsi que ses maladresses.

Pour un bon bol d’air : La Montagne !

Après son remarqué Vincent n’a pas d’écailles (2014), son premier long métrage avec un héros touché par la grâce d’un superpouvoir aquatique, le trop rare cinéaste, et acteur, et acrobate, et alpiniste, Thomas Salvador, nous revient, sept ans après, avec cette proposition de cinéma, ce trip aventureux, aux frontières de l’abstraction hypnotique (voir toute la séquence que n’aurait pas reniée un Cocteau lorsque son personnage passe à travers la roche pour baigner dans une glace translucide visiblement apaisante), qu’est sa Montagne. UGC Ciné Cité Les Halles, Paris, on monte en salle 37, tout là-haut dans les hauteurs du complexe (logique pour un film d’alpinisme ! La salle en l’occurrence est toute petite mais, ce jour-là, elle est pleine, avec un public très attentif - ouf il existe encore quelques personnes pour se risquer à l’expérimental en salle), afin de voir, voire même contempler, La Montagne, tant ce film d’auteur célébrant les hauteurs contient quelques plans superbes, comme sortis tout droit d’une peinture, tel cet admirable Paysage de neige (1904) par le Suisse Cuno Amiet (1868-1961) présent dans les collections permanentes du musée d’Orsay (Paris), nous montrant, à travers le cadre d’un tableau de grandes dimensions, la démesure de la nature, sa dimension sublime, avec un skieur solitaire comme perdu, disparaissant même, dans l’immensité fascinante, et un brin inquiétante, du paradis blanc de la neige.

« Paysage de neige », dit aussi « Grand Hiver », 1904, par Cuno Amiet

Dans La Montagne, son personnage principal, un certain Pierre, joué en mode taiseux (c’est un taciturne, aux silences qui en disent long) par le cinéaste Salvador lui-même, semble perdu également, pour un certain temps en tout cas, avant de se retrouver par le contact direct, façon Thoreau, avec la nature, via sa présence magique, s’accompagnant d’une certaine désobéissance civile. Pierre, ingénieur parisien vendant des bras automatisés, en a marre de son boulot : il s’y ennuie ferme. Alors, à l’occasion d’un détour par les Alpes (Chamonix) pour son travail, et comme happé par la montagne qui s’offre à lui dans toute son immensité majestueuse (on la voit en tout premier à travers l’écran d’une baie vitrée, à la fois si loin et si proche), il décide, sur un coup de tête, de larguer les amarres ! Fini les contraintes, Pierre, comme aimanté par le minéral et ses mystères, décide de rester sur place, s’y inventant une maladie imaginaire pour laisser le reste de ses collègues rentrer à Paris, il s’achète alors l’équipement nécessaire pour crapahuter, partant bille en tête à la conquête des sommets, via une randonnée au long cours. C’est alors qu’il rencontre sur place, au sein d’une station où se trouve un restaurant d’altitude, une autre passionnée d’alpinisme, cheffe cuistot (Louise Bourgoin, peut-être ici dans son meilleur rôle, avec cette fille du coin…), se montrant bientôt intriguée par ces allers et venues dans le secteur. Bingo ! En quittant sa zone de confort, à savoir son job formaté ainsi que sa famille - qui n’a pas eu un jour envie de tout plaquer ? -, Pierre, en acceptant cette traversée du désert blanc prenant la forme d’une crise existentielle (la pandémie de Covid-19 ayant, comme on le sait remis en question nos modes de vie et de penser, n’est pas évoquée mais l’on y pense forcément, et nous sommes facilement lui, comprenant sa quête), se retrouve non seulement lui-même, par le biais d’une métamorphose voire d’une renaissance (il semble baigner dans un liquide amniotique lorsqu’il se laisse guider à travers la roche par des lueurs énigmatiques), mais finit également par trouver l’amour ; on est bien dans un parcours initiatique, combinant naissance d’un amour et rencontre avec l’inconnu. Tout compte fait, voilà ce qui s’appelle faire d’une pierre deux coups ! Logique, il s’appelle Pierre, me direz-vous. Et le bougre (Thomas Salvador, cinéaste et rôle-titre) ne se refuse rien puisqu’il « s’offre » ici… Louise Bourgoin (sa jolie amoureuse au sourire espiègle, qui ira même jusqu’à le sauver de la mort) sur un plateau. Veinard, va !

Pierre dans son bivouac, « La Montagne », 2022

Alors, certes, ce film n’est pas exempt de défauts, il est un peu long tout de même, un poil répétitif (cf. toutes les misères du personnage avec la nature capricieuse, l’expérience du grand froid à 3800 mètres d’altitude, par – 20°C), on craint par moments les placements de produits, style les marques Au Vieux Campeur et Millet un peu trop présentes à l’écran. Et l’on se dit aussi, au tout début en tout cas, que l’on va tout bonnement s’inscrire ici dans les sentiers balisés d’une attendue retraite détox afin de rechercher coûte que coûte le bien-être salvateur au sein d’une nature forcément enveloppante en passant par la tarte à la crème actuel du business florissant des livres du « développement personnel » et autres entourloupes mercantiles surfant sur la quête du bonheur à tout prix. Mais non, il n’en est rien ! L’artiste botte rapidement en touche avec tout ça, il assume longtemps l’apparent mal-être de son personnage, résolument enfermé dans sa solitude et son mutisme, préférant soudain prendre la tangente et couper ouvertement son film en deux, telle une fente dans le récif montagneux faisant office, en parallèle, de solution de continuité dans le récit.

« La Montagne » et son paradis blanc

D’un côté, ce « film de montagne » donne à voir des paysages à couper le souffle, via une superbe photographie signée Alexis Kavyrchine captant notamment au plus près les superbes teintes mordorées que prend en fin de journée le manteau de neige sur les pics rocheux et, de l’autre, il devient, dans sa seconde partie, un film fantastique avec un personnage paumé, qui n’a rien d’un super héros (il est plein de failles, avec un côté grand gamin), découvrant bientôt, on a alors l’impression de glisser dans du merveilleux surnaturel genre le Spielberg des Rencontre du troisième type et E.T., des lueurs étranges s’apparentant à de petits magmas mouvants de lave organique aux lumières miyazakiennes rougeoyantes, telles des lucioles. Bientôt, comme par magie, le curieux Pierre pénètre leur antre un bon moment (la séquence hypnotique est un plaisir pour l’œil) et il en ressort, comme transfiguré et sous l’effet d’une lévitation, avec un avant-bras phosphorescent en nocturne au potentiel visiblement bien plus électrisant que les bras robotisés qu’il proposait auparavant dans son argumentaire de vente en région Rhône-Alpes de son ancienne vie ! Alléluia, la mue a opéré : à la toute fin, Pierre redescend tranquillement au village, en société, parmi les siens, à savoir les humains. Dernière chose et non des moindres, ce film aventureux, sans effets de manche mais a contrario juste porté par la captation de petites choses de la vie (le ronronnement de la machine Nespresso au petit matin pour démarrer la routine de la journée de travail ; l’apparition épiphanique de la biche perdue dans la ville épousant son ébranlement à lui ; les recherches sur Google d’un Pierre quelque peu paniqué pour enquêter sur ces fameuses lueurs volcaniques ayant des répercussions sur sa santé même ; son isolement, en tant qu’observateur muet assis se mettant volontairement en retrait, comme à la marge, de l’agitation de jeunes gens et de leur brouhaha), contient suffisamment de très beaux moments pour voir en Thomas Salvador, non pas un tâcheron de l’audiovisuel, mais un authentique cinéaste, au regard des plus subtils.

Pierre alpiniste dans « La Montagne »

In fine, je ne sais pas si cette Montagne est un grand film… de montagne qui fera date, dans ce registre-là, après tout, la concurrence est rude, des Bronzés font du ski (le malicieux Thomas Salvador pointe vers le burlesque par instants, avec son personnage au visage neutre façon Buster Keaton) aux mouvementées 127 heures via La Montagne sacrée du grand Jodorowsky, champion du film-trip (son plus beau étant certainement celui qu’il n’a jamais tourné, Dune !) et autres Vertical Limit. Mais c’est assurément un beau film, le score de Chloé Thévenin l’accompagnant, avec ses nappes sonores flottantes à tendance élégiaque, est superbe. Cette Montagne envoûtante, véritable bol d’air cinématographique se faisant expérience visuelle non verbale («  Je fais des films pour explorer des choses sur lesquelles je ne saurais mettre des mots », dixit Salvador), infuse lentement mais sûrement en nous, pour s’ouvrir généreusement, pendant et après le film, au mystère du vivant - et si ces lueurs énigmatiques, tapies dans les roches, semblant remonter jusqu’aux origines, existaient vraiment ? - tout en se faisant réflexion philosophique sur le sens de la vie et la place de l’homme chez dame Nature. Sans en avoir l’air, et sans lourdeur, ce film, à la croisée des genres (romance, film d’aventures et fable existentielle), est aussi écologique, cf. ses scènes d’éboulements causés par la fonte des glaces provoquée par le réchauffement climatique - du 4,5 sur 5 en ce qui me concerne.

En salle depuis le 1er février 2023 : La Montagne, France (1h52, Thomas Salvador), scénario : T. Salvador et Naïla Guiguet, avec T. Salvador, Louise Bourgoin, Martine Chevallier, Laurent Poitrenaux, Andranic Manet et Sylvain Frendo. 

Entre rose bonbon et rouge sang : l'amour fou dans La Pietà

La Pietà. Kesako ? Et sans filtre : un film bien barré, se passant « mentalement », via la fantasmagorie et le folklore l’accompagnant, en Corée du Nord, alternant rose bonbon et rouge bien saignant. le tout étant relevé d'une sauce toute espagnole (alors que l’on vient d’apprendre la disparition du grand Carlos Saura, 1932-2023, auteur du puissant Cría cuervos, 1976, avec cette fillette émouvante inoubliable, la petite Ana âgée de 8 ans, se réfugiant, pour fuir le régime franquiste étriqué, dans ses rêves et souvenirs afin d’y retrouver sa mère tant aimée). 

« La Pietà » en avant-première à la Cinémathèque, avec Michel Hazanavicius et Bérénice Bejo

« Du Almodóvar sous acide », disait - bien vu ! - le réalisateur postmoderne Michel Hazanavicius venu, très joueur, présenter cette inclassable Pietà primée en programme du soir à la Cinémathèque française avec sa compagne actrice Bérénice Bejo (ils étaient tous deux cette année présidents du jury long métrage de la 30ème édition du Festival de Gérardmer), c’était le 1er février dernier dans la salle Henri Langlois, accompagnés par le cinéaste Sébastien Marnier (membre du jury long métrage) et par Jean-François Rauger, critique de cinéma spécialiste du cinéma de genre et directeur de la programmation dans ce « temple du cinéma » (dixit Scorsese) qu’est la Cinémathèque. Il faut savoir que, pour le moment, ce film, le deuxième du réalisateur Eduardo Casanova après Skins, film sorti en 2017 qui avait été nommé dans trois catégories aux Goya, les César du cinéma espagnol, n’a pour l’instant pas de date de sortie dans l’Hexagone. Pour l’occasion donc, et parce que cette institution parisienne dévoilait, pour sa cinquième année consécutive en tant que partenaire, entre le 1er et le 6 février derniers, la sélection des films en compétition au Festival de Gérardmer (du 25 janvier au 29 janvier 2023), La Pietà a été, façon one shot, visible en salle.

La Pietà, pour parler familièrement, est un petit film « chelou », au cocktail chorégraphique acidulé, quelque peu explosif, tirant le film vers le revival du film musical sur fond d'amour monstre ; on y rencontre Mateo, un grand adolescent, au visage étrange, qui aime le rose et sa mère Libertad, dite Lili, on peut y ajouter au passage la touche queer. À l’arrivée, et tant mieux pour lui, ce film de genre (horreur psychologique mâtinée de gore ?), production aux origines hispaniques (Espagne et Argentine) calibrée par un certain Casanova (un nom qui ne s’invente pas !), a obtenu le Grand Prix à Gérardmer. Voici son pitch grosso modo, enfin de ce que j’en ai compris, car c’est un film bien space, à l’esthétique kitsch affirmée, qui pourrait tout à fait faire la couve d’un prochain Mad Movies ! C’est l’histoire, à travers le schéma d’une relation fusionnelle mère-fils, toxique et dysfonctionnelle, d’un fils particulièrement étouffé par sa maman surprotectrice - nommée Libertad alors qu'elle est dictatrice ! -, hypocondriaque au possible, se la jouant en totale osmose avec son môme - d’où le titre La Pietà, elle lui donne encore le sein, la pose reprise par le fils et sa mère rappelant la Vierge, en peinture ou en sculpture, tenant sur ses genoux le corps du Christ mort au moment de la descente de croix. Cette foldingue de Lili parle à la place de son petit rejeton chéri, trop à l’étroit dans ce monde à deux voix voire à une seule, lors des consultations médicales, en se montrant particulièrement obsédée par les pathologies de tous ordres.

« La Pietà », 2022, d’Eduardo Casanova

Mais, c’est bien connu, le mieux est l’ennemi du bien : à force de vouloir trop bien faire, hygiénisme à tous crins, ongles des pieds coupés au plus près, visionnage d'infos données en continu par les Nord-Coréens (la télé comme « robinet à images », dixit Godard), cuisine bio-écolo-chlorophylle dernier cri (ça a l’air bien indigeste dans l’assiette !), ça se gâte : le fils finit par confondre sa mère ô combien autoritaire avec un dictateur nord-coréen ; on assiste alors à un parallèle constant entre cette relation mère-fils malaisante et le régime nord-coréen ainsi qu’à moult va-et-vient entre la maison et l’hôpital (le fils y est suivi), genre prison ou asile de fous. Mais, une fois le cordon ombilical coupé (attention spoiler, la mère castratrice finit par mourir), eh bien c’est son grand dadais, qui nous apparaît soudain entièrement rasé de la tête, comme lobotomisé (opéré, le pauvre, des suites d’une maladie mortelle : il souffre d’une tumeur au cerveau), qui prend le relais, en partant grave en cacahuète ! Seul au monde, atterrissant semble-t-il, réalité ou fantasme ?, en Corée du Nord (encore ! Fixette visiblement du metteur en scène obsessionnel), désormais invisible dans un monde froid du genre Bienvenue à Gattaca, peuplé de robots individualistes, il s'écroule au sol dans l'indifférence totale. Rideau. 

Ça se veut carrément à l’Ouest. Mais c’est, selon moi par trop volontariste et un poil surdosé en ce qui concerne la monstration d’un univers concentrationnaire (la déco et les plissés des tenues sont hyper travaillés, le décorateur mérite assurément un Goya !) né du cerveau malade d’une femme forcément… hystérique. Autrement dit, la barque est un peu trop chargée à ce niveau-là (du 2,5 sur 5 pour moi).

Au bout d’un moment, ça tourne en rond, le film ne dure qu’une heure 24, mais il semble bien plus long, on s'y ennuie par moments, notamment avec les retours en Corée du Nord, trop répétitifs et trop téléphonés. C’est le moins bon du film. Et je dirais que, devant, on pense un peu trop à Titane (l’insistance sur les cicatrices à la tête filmées de très près), mais Julia Ducournau a fait avec sa remarquée Palme d'or 2021 un film d’horreur d’auteur bien plus difficile à ranger dans une case (c’est sa force), à Enki Bilal (tous les crânes glabres hydrocéphales comme sortis tout droit d’une BD rétro futuriste de ce bédéiste visionnaire ou de son Bunker Palace Hôtel, 1989, avec un Jean-Louis Trintignant entièrement rasé) ou tout le temps à Almodóvar : les couleurs pop et son remarquable La Piel que habito (2011, tiré du roman Mygale de Thierry Jonquet), mais l’ex-héraut de la Movida (la marge remise au centre) est bien plus doué dans la construction de sa dramaturgie, qu’il tisse de main de maître telle une toile d'araignée, pour nous émouvoir au centuple, façon Douglas Sirk.

Le positif de La Pietà ? Tout d'abord les femmes qui s'y trouvent, via leur charme latino (les brunes ne comptent pas pour des prunes), y sont très belles, notamment les matures (Ángela Molina, déjà vue chez Buñuel, Bigas Luna et… Almodóvar, impressionne), puis le jeune comédien qui joue l’ado (Manel Llunell) a une tête suffisamment « zarbie » pour retenir l’attention quand il est à l’écran (il va vraiment mal et on finit par le regarder avec les yeux d’un toubib). Enfin, certaines visions sont des plus surprenantes, pas loin du jamais vu : comme lorsque la mère, au ventre sur-bombé, accouche de son fils... jeune adulte – scène onirique à sérieusement déconseiller aux femmes présentement enceintes car à côté, au rayon du gore, Énorme (2019, signé Sophie Letourneur, avec le ventre en ballon de baudruche de Marina Foïs), c’est (presque) du p’tit lait !

Cerise sur le gâteau, il y a une scène très drôle, politiquement incorrecte (à mon avis, seul le cinéma de genre peut encore s’autoriser ça sans s’attirer aussitôt les fourches caudines de la bien-pensance et de la censure lui donnant la main, lissant tout, surtout pas de vagues hein) : à un moment donné, la mère (campée magistralement par Molina), pour s’attirer la sympathie d’une jeune fille trisomique, la flatte de manière excessive en lui disant « Comme tu es belle », tout en lui posant la main sur la joue. Mais celle-ci, un brin farouche, lui sort alors tout de go – « Non, laisse tomber, si tu es une lesbienne moi sache que j'en suis pas une, j’ai un copain donc t’as aucune chance ». Son aplomb fait sourire, on ne s'attend pas du tout à une telle répartie. C’est disruptif, inventif ! Bref, rien que pour ces deux ou trois points (humour, vision détonante, charisme de ses actrices), j’ai un peu aimé ce film.

L’Espagnole « La Pietà » programmée à la Cinémathèque française

La salle (Henri Langlois) était pleine, certes avant-première et venue de vedettes obligent, en étant notamment garnie de cinéphiles (intellectuels) avertis et de beaucoup de jeunes adultes. Ça avait l’air de plaire. Alors, sur combien d’écrans en France sortira ce film lors de sa sortie nationale ? À voir (on n’est pas dans l’artillerie lourde promotionnel du dernier Astérix  !). Mais son Grand Prix à Gérardmer - certes, qui n'a pas l'aura internationale des Oscars hollywoodiens ou d’une Palme d’or à Cannes ! - devrait le servir ainsi que l’engouement actuel des jeunes, et moins jeunes, pour s’engouffrer dans les salles obscure afin de s’y faire peur avec des films d’horreur, cf. le succès récent en salles de Smile, X, Halloween Ends et autres Terrifier 2.

Date de sortie indéterminée : La Pietà (titre original La piedad, Espagne-Argentine, 2022, 1h 24), drame d'Eduardo Casanova, avec Ángela Molina, Manel Llunell et Ana Polvorosa.


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